Pour ce qui est des compétences rares, de l'attractivité des rémunérations, des industriels, des écarts de salaire, tout dépend de qui, de quoi, comment et où. Il est clair que quand vous travaillez à l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Bordeaux avec une compétence en maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique et que vous avez Dassault à proximité, c'est une vraie question. Au sein de la DRHMD, nous avons organisé des commissions ressources humaines (CRH) de familles professionnelles, qui nous permettent d'identifier les besoins pour l'ensemble du périmètre ministériel, quel que soit le statut, quelle que soit la couleur de l'uniforme ; à partir de là, nous construisons une réponse.
Prenons l'exemple, précisément, du MCO aéronautique qui a été le combat, ces cinq dernières années, de la DRH et du précédent ministre ; combat, dont le cabinet avait compris toute l'utilité, pour le maintien du statut des ouvriers de l'État. Certes, il s'agit d'un statut exorbitant du droit commun, qui permet de liquider assez tôt une retraite à un taux particulièrement intéressant, de bénéficier des dispositions concernant les travailleurs de l'amiante, mais aussi un statut dont les modalités d'avancement sont particulièrement favorables mais reposant sur des examens professionnels – comme s'il s'agissait d'un compagnonnage – sur l'ensemble de la carrière. Ce statut est certes un peu plus attractif en termes de salaire ; surtout, il nous a permis de recruter et de fidéliser des compétences qui seraient parties, sinon, vers l'industrie. J'évoque ici des contrats civils.
Pour ce qui est des personnels militaires, nous réfléchissons, dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération, à l'instauration de primes spécifiques de haute qualification et, à très court terme, nous allons nous efforcer de donner une visibilité aux parcours de carrière et à l'évolution des rémunérations. Les modalités de rémunération ne sont pas tout à fait les mêmes selon qu'il s'agisse de civils ou de militaires. Reste, j'y insiste, que faire preuve d'attractivité vis-à-vis des industriels qui souhaitent capter ces compétences est un sujet de préoccupation.
Ensuite, il faut bien avoir présent à l'esprit, et c'est un phénomène générationnel, que les jeunes qui exercent ces métiers – en particulier ceux liés à l'informatique –, ne souhaitent plus rester chez le même employeur pendant trente-cinq ans. Nous devons donc nous montrer capables de faire ce que nous faisons dans les armées, à savoir proposer des contrats de trois ou six ans à de jeunes geeks qui sortent de l'école pour qu'ils se réalisent pleinement dans des projets qu'ils n'auraient jamais réalisés dans le monde privé : comme la cyberdéfense, au service de l'État, ou le renseignement. Et après, ils iront gagner de l'argent dans les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Nous ne pourrons jamais nous aligner, en matière de rémunération mais, en fin de compte, nous aurons eu des gens très motivés qui, pendant quelques années, nous auront donné le meilleur d'eux-mêmes et auront acquis une expérience. Tous ceux qui ont des compétences et qui sont employables dans le privé savent bien qu'on ne travaille pas pour l'État pour gagner de l'argent – mais nous avons d'autres moyens de motivation qu'il faut savoir valoriser.
Le décret de de report du PPCR, vous le savez, est une mesure générale qui s'est appliquée aux personnels militaires comme aux personnels civils. Le PPCR a connu plusieurs phases, une première a concerné les fonctionnaires et une seconde phase était décalée pour tous les corps en uniforme. Les militaires ne sont donc pas les seuls concernés par ce retard. Ainsi toutes les assistantes sociales, également très sollicitées, sont aussi soumises au décalage d'un an. Il faut rattacher ce retard d'un an à deux éléments : l'un aggravant, l'autre consolant. La fonction publique a en effet systématiquement transposé les mesures indiciaires avec retard pour les militaires. En effet, si le code de la défense précise bien que ces mesures « sont transposées dans les mêmes termes », il ajoute : « sous réserve des adaptations nécessaires » ; or les grilles indiciaires ne comptent pas le même nombre d'échelons, le même nombre de grades et il faut donc les adapter. Reste que cette adaptation a souvent été comprise, pour des raisons de volume et de prix, d'un point de vue calendaire, si bien que les militaires ont l'impression que le report du PPCR ne concerne qu'eux seuls, ce qui n'est encore une fois pas le cas. J'en viens à l'élément consolant : les personnels militaires ont bénéficié, dans le cadre de l'amélioration de la condition du personnel, depuis 2015, de diverses mesures indemnitaires pour un montant global qui sera, en 2019, de 650 millions d'euros. Cet effort assez considérable a été évidemment orienté vers l'opérationnel et la qualification, secteurs où les primes ont été, dans certains cas, doublées ou tout au moins considérablement augmentées. Celui qui n'est plus engagé, qui travaille dans un bureau, qui n'a plus de mission militaire, n'a pas été revalorisé. L'urgence était l'opérationnel, coeur de métiers des armées, et les compétences rares. Pour le reste, nous veillerons à y remédier.
On m'a par ailleurs interrogée sur le stock d'emplois cyberdéfense et renseignement. Si vous me demandez quels sont les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), il va de soi que je ne vais pas vous répondreet si vous m'interrogez sur les autres services de renseignement, je jouerai également les violettes (Sourires). Il est toutefois difficile de déterminer le stock, en volume comme en qualité, car comment savoir où commence et où s'arrête le renseignement : de l'interprétateur de photos aux pérateurs d'écoutes, en passant par de nombreuses fonctions et compétences qui nous échappent à tous ? Je peux néanmoins vous assurer que renforcer ces effectifs de 1 500 personnes est considérable par rapport à la situation actuelle. N'oublions pas qu'une grande partie de ces missions sont exercées par les armées elles-mêmes.
Vous m'avez demandé par ailleurs si nous allions continuer à tricoter à la main nos applications informatiques. Non. Je crois que le in-house a assez vécu. Ce n'est cependant pas une raison pour nous mettre entièrement entre les mains d'un opérateur extérieur. Une mission en charge des projets de transformation de la fonction RH (MTRH), à la DRHMD, est chargée, notamment de réaliser des prototypes, de réfléchir aux cahiers des charges fonctionnels ; ensuite nous passons un marché et nous veillons à ce qu'un de nos services soit capable d'assurer la maintenance de ces systèmes. Nous évitons par conséquent de passer totalement la main – nous n'achetons pas tout sur étagère. Nous avons des contraintes de sécurité et d'hébergement sur certains serveurs qui nous interdisent d'utiliser LinkedIn pour gérer le personnel et les compétences.
Pour ce qui est de l'article 16 du projet de LPM, nous avons repéré les zones géographiques où nous avions le plus de difficultés à recruter. Nous avions initialement imaginé intégrer plus de régions mais comme on nous a fait savoir que le champ d'une expérimentation devait être un peu plus limité, nous l'avons réduit aux quatre régions qui présentaient le plus de problèmes. Vous constaterez que l'Île-de-France en fait partie : nous avons en effet beaucoup de mal à recruter dans cette région – pas à Paris même, où les personnels civils bénéficient des primes de l'administration centrale, mais, par exemple, à Saint-Germain-en-Laye ou à Rambouillet. Il serait plus simple de recruter localement.