Il s'adresse à ceux qui sont en situation de marginalisation sociale et professionnelle avancée, afin qu'ils bénéficient non seulement d'une formation militaire mais aussi d'une formation comportementale élargie et d'une préparation à l'insertion par le renforcement de leur savoir-être, de leur instruction civique, le passage du permis de conduire ou encore une remise à niveau scolaire. En effet, Monsieur le président, il marche très bien. L'expérimentation pourrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année mais les armées sont d'ores et déjà convaincues de son caractère probant ; il y aurait donc quelque artifice à ne pas se saisir de la LPM pour la pérenniser dans son format actuel. Chaque année, un millier de jeunes environ, en très grande difficulté, seront accompagnés dans six centres bâtis en partenariat avec des collectivités locales qui se sont engagées ; il n'est donc pas question que cela s'interrompe. En effet, l'expérimentation est concluante : les taux d'insertion sont satisfaisants et l'évaporation assez faible. Nous entendons donc poursuivre cette forte contribution des armées à l'insertion professionnelle des jeunes les plus en difficulté, qui favorise le sentiment d'appartenance à la communauté nationale. Nous verrons comment marier ce service volontaire avec le grand service national universel obligatoire, dont on ignore encore les contours mais qui intégrera peut-être certains des dispositifs existants. À mon sens, le fait que le SMUO soit encore à dessiner ne doit pas nous empêcher de prendre ces mesures dans la LPM, bien au contraire : les armées veulent continuer de rendre ce service aux jeunes – car c'est bien de cela qu'il s'agit plus qu'un service que les jeunes rendent à la Nation ; de ce point de vue, l'expression « service militaire » est presque trompeuse.
Enfin, préparer l'avenir, c'est aussi simplifier et moderniser le droit. Enrichie de mesures de simplification d'une portée réelle, la LPM s'inscrit pleinement dans le cadre du programme Action publique 2022 dont l'une des cinq priorités concerne la simplification et la qualité du service. La LPM comporte un certain nombre de mesures en la matière ; j'en citerai brièvement quatre qui me semblent illustrer l'effort de simplification consenti au profit des entreprises, des ressortissants du ministère et des armées. Il est important, en effet, que l'administration se simplifie la tâche à elle-même, sans quoi aucune réduction d'effectif ni amélioration des processus ne sont possibles.
Tout d'abord, la LPM vise à alléger les obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets relatifs à des matériels de guerre et à des biens à double usage. Il existe actuellement des circuits de déclaration parallèles qui sont très lourds et redondants pour les entreprises ; la mesure bénéficiera à quelque 3 000 PMI et PME qui n'auront plus qu'à effectuer leurs formalités à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) pour solde de tout compte, alors qu'elles sont aujourd'hui soumises à des processus qui hoquettent quelque peu.
La deuxième mesure est une réforme d'ampleur à laquelle je suis sensible en raison de mon passé de juge administratif : le projet de loi de programmation vise à réformer le traitement du contentieux des pensions militaires d'invalidité afin de réduire les délais moyens de jugement – en les faisant passer de plus de deux ans à moins d'un an en première instance – et, surtout, d'en améliorer la qualité. Ce contentieux singulier remonte à 1919 ; nous sommes aujourd'hui dans une situation insatisfaisante parce qu'il relève de la justice judiciaire mais que les juridictions appliquent la procédure administrative. Ces juridictions hybrides sont à bout de souffle. Leur lenteur extrême nous a valu plusieurs condamnations pour violation du délai raisonnable de jugement par la Cour européenne des droits de l'homme. Leurs décisions sont très variables : il n'existe aucune équité de traitement et la jurisprudence n'est pas accessible. En réalité, nous parvenons de plus en plus difficilement à trouver des magistrats honoraires pour y siéger. Je suis donc convaincue que ce système est en bout de course et que les titulaires de pensions militaires d'invalidité ne bénéficient pas d'un service public de la justice à la hauteur des enjeux. Le droit à réparation que traduisent ces pensions mérite mieux ; notre but est précisément d'offrir mieux à leurs bénéficiaires. Pour ce faire, nous allons transférer ce contentieux aux juridictions administratives – il s'agit d'environ cinq cents à mille contentieux par an, un volume insusceptible de déséquilibrer la justice administrative. Les délais moyens de jugement devraient être considérablement raccourcis : ils sont de moins de dix mois devant un tribunal administratif contre plus de deux ans devant un tribunal départemental des pensions. Les pensionnés – chose importante – continueront de bénéficier d'une justice accessible car le maillage territorial des juridictions administratives est dense, avec quarante-deux tribunaux administratifs et huit cours administratives d'appel. Puisque nous passerons de juridictions échevines à des juridictions classiques, il faut, pour donner un équilibre à la réforme, mettre en place un recours administratif préalable obligatoire, mentionné dans le projet de loi, qui n'est certes pas nécessaire mais que nous souhaitons, eu égard à la spécificité des pensions militaires d'invalidité et du droit à réparation à laquelle nous sommes si attachés. Ce recours est de niveau réglementaire et ses paramètres font l'objet d'une concertation étroite avec les pensionnés : y seront en tout état de cause associés des représentants des pensionnés et des représentants du chef d'état-major des armées afin qu'ils se trouvent face à des personnes qui savent ce qu'est une blessure au combat ou dans l'exercice du service de militaire. L'idée est d'instaurer un véritable précontentieux pour garantir un temps d'échange humain et confiant.
Troisième mesure importante : la LPM simplifie le cadre juridique des activités de coopération dans le domaine de la défense et dans celui de la sécurité civile et de la gestion de crises conduite sur le territoire national à bord des aéronefs et des navires d'État. Notre intention est de copier les règles de fond du statut des forces de l'OTAN pour les appliquer à tous nos exercices de coopération sur le sol national, sur nos bateaux et dans nos avions. Aujourd'hui, du fait d'une interprétation administrative restrictive, nous considérons, même avec nos partenaires de l'OTAN, que ces règles très complètes du statut des forces ne s'appliquent que lors des exercices multilatéraux, et non dans les exercices bilatéraux. De ce fait, tous ces exercices opérationnels ou encore les insertions d'officiers dans les états-majors – car cette coopération comporte plusieurs volets – se font dans un cadre juridique qui n'est souvent pas assez sécurisé : nous procédons par « arrangement technique ». Ces arrangements ne permettent d'organiser qu'une coopération administrative de portée limitée mais pas de régler les questions de privilèges fiscaux ponctuels, les questions de privilèges de juridictions ni les immunités. Ce n'est donc pas satisfaisant. Ces arrangements doivent être conclus au coup par coup ; souvent, ils ne le sont pas à temps et nos partenaires ne comprennent pas pourquoi nous n'appliquons pas les règles de la Convention sur le statut des forces de l'OTAN. L'idée est donc de simplifier les choses pour les armées et leurs partenaires, afin d'encourager leur effort de coopération.
Enfin, parmi les nombreux renvois à des ordonnances – à propos desquels je suis à votre disposition pour discuter –, une mesure me semble importante, bien que très technique – raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité encombrer davantage ce texte déjà long de plusieurs pages supplémentaires de mesures de simplification. Pour protéger les intérêts de la défense nationale, les armées sont munies d'un certain nombre de dérogations – à cet égard, la mesure prévue à l'article 34 sera largement à droit constant – aux règles de participation et d'information du public qui sont prévues dans différentes législations, que ce soit en matière d'urbanisme, d'expropriations ou encore de déclarations d'utilité publique, par exemple. Ces dispenses et dérogations dispersées dans plusieurs codes sont rédigées en termes différents, leurs champs d'application ne sont pas harmonisés, leur libellé est souvent insatisfaisant et tout projet suppose de nombreuses procédures parallèles. Cette situation ne présente aucune sécurité juridique et pose de nombreuses difficultés de mise en oeuvre pour les armées comme pour les acteurs locaux. Nous voulons donc créer une procédure unique qui harmonisera et simplifiera ces dispositifs hétérogènes et qui permettra la mise en oeuvre conjointe de toutes ces dérogations. C'est l'objet de l'article 34 du projet de loi, qui suppose un important effort légistique.