Intervention de Claire Legras

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des Armées :

Monsieur Blanchet, ce que vous proposez va très loin. Vous voulez savoir s'il est possible de procéder à des croisements. Je vous confirme que nous ne renoncerons pas au prélèvement des empreintes digitales, qu'il s'agira de combiner avec les prélèvements biologiques – salivaires en l'occurrence – : la DRM a mis au point des moyens en ce sens.

Pourquoi nos forces armées sont-elles à l'étranger ? Elles s'y trouvent pour faire la guerre et leur mission n'est pas d'être une sorte de ligne avancée d'officiers de police judiciaire ou un auxiliaire de la police administrative – elles ne sont pas sur le terrain pour collecter du renseignement à des fins de sécurité intérieure.

Je ne peux pas vous donner beaucoup de détails sur le sort des données que nous prélevons sur les différents théâtres d'opérations. Tout ce que je puis vous dire est qu'elles sont consignées dans un fichier qu'un décret du 4 août dernier a nommé BIOPEX – décret sensible donc non publié, le fichier en question relevant de l'article 26 de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s'agit donc, comme j'ai pu le dire au président, d'un sujet de vigilance. Reste que ce décret a reçu un avis préalable de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et a été examiné par le Conseil d'État. Je tiens en outre à souligner que ses finalités restent bien strictement militaires, qu'il s'agisse du type de données prélevées et de leur destination.

Je comprends les propos de M. Furst sur les précautions que nous prenons concernant la biométrie. Elles sont en effet très importantes. Je suis pour ma part convaincue que la mesure proposée est celle qui a été demandée d'une seule voix par toute la chaîne opérationnelle du ministère des Armées – et je suis sûre qu'il en sera fait un usage limité et nécessaire. Elle m'apparaît par conséquent justifiée. Et l'on doit se soucier en permanence de l'équilibre juridique de ce qu'on fait sur les théâtres d'opération. Désormais, la Cour européenne des droits de l'homme se reconnaît une compétence extraterritoriale et estime que la convention européenne des droits de l'homme doit s'appliquer de manière concurrente à la loi spéciale du droit des conflits armés. Les Britanniques en ont fait l'expérience assez cuisante puisque tout leur dispositif de détention a été mis en cause devant le juge de Strasbourg. Il faut donc se préparer à une hypothétique contestation devant les juges des droits de l'homme et essayer de satisfaire par avance au raisonnement de pesée globale des intérêts que ferait le juge européen. Honnêtement, si j'avais le sentiment que nous étions très en deçà de ce que les armées demandent, je vous le dirais et nous nous serions battus pour que ce ne soit pas le cas. Or le dispositif tel qu'il est calibré leur convient.

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