Intervention de Claire Legras

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des Armées :

La décision ne correspond pas du tout à la position défendue par le Gouvernement et je ne vous cacherai pas qu'elle nous a surpris. Nous estimions notre position solide sur le plan juridique. Notre argumentaire reposait sur trois éléments : d'abord, il existe un principe général d'irresponsabilité de l'État pour les faits de guerre, d'ailleurs bien reconnu par la jurisprudence du Conseil d'État ; ensuite, les accords d'Évian créent une véritable césure qui implique qu'il revient à l'État algérien d'assumer pleinement toute obligation concernant des ressortissants du nouvel État algérien–, principe, ici aussi, endossé par la jurisprudence ; enfin, il me semblait que la solidarité nationale, par essence, unissait des nationaux, tandis qu'ici le Conseil constitutionnel retient plutôt une conception territoriale de la solidarité nationale. Reste que cette décision revêt l'autorité de la chose jugée et que nous en tirerons les conséquences.

Il nous faudra donc toiletter le code mais il nous faudra également – et ce n'est pas chose facile, Monsieur le député – apprécier l'impact de cette décision. Nous sommes cinquante-cinq à soixante ans après les faits, or il est proposé une pension aux personnes victimes d'une blessure incapacitante liée aux événements d'Algérie et, si la personne est décédée, il est prévu que les ayants cause héritent de cette pension. Comment les ressortissants algériens concernés, tant de temps après les faits, pourront nous prouver que leur blessure est bien liée auxdits événements ? Il sera sans doute très difficile d'apporter cette preuve, il faudra aussi que s'appliquent les exceptions prévues par la loi selon laquelle une personne qui aurait participé directement ou indirectement à la commission ou à l'organisation d'attentats ou de faits de violence, ne pourra pas bénéficier du dispositif. Il n'y a pas de jurisprudence en la matière ; or qu'est-ce que la « participation indirecte à l'organisation de faits de violence », qu'est-ce qu'un fait de violence qui ne serait pas un fait de guerre ? Nous allons bien sûr appliquer cette décision mais il va falloir je pense organiser, au moins pour certains dossiers, un temps d'instruction à caractère historique.

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