Avec joie : il y a beaucoup à dire.
Je réponds à la question sur les OPEX et le croisement des fichiers. Les armées n'ont pas à changer de mission en cours de route. Il y a de nombreux échanges entre les services de renseignement – direction du renseignement militaire, direction générale de la sécurité extérieure - et le parquet. Quand nous savons quelles sont leurs cibles, nous pratiquons des échanges d'informations utiles. Les terroristes dont vous parlez sont des personnes ayant vocation à être judiciarisées sur le sol national et, dans ce cas, nous parvenons à donner quelques éléments qui permettent d'orienter les enquêtes ou, plus largement, quand une personne est judiciarisée, quand la cible est bien connue, nous sommes saisis de réquisitions par les juges sur des documents classifiés et, dans ce cas, j'organise avec les armées le circuit de déclassification. Il n'y a pas de mutisme. Il est important que les armées fassent leur métier et ne soient pas des officiers de police judiciaire avancés – ils ne sont ni recrutés ni formés à cette fin.
Pour ce qui est du combat avec d'autres armées, je ne pense pas que nous courions de risque juridique. La biométrie n'est pas la pratique qui vient dans ce cas le plus à l'esprit. Je ne saurai vous en dire beaucoup puisque tous ces éléments sont étroitement classifiés, sinon que dans le cadre d'une coalition, on peut avoir des règles de ciblage, en opération, qui ne sont pas tout à fait les mêmes, si bien que, au regard du droit international, les interprétations ne sont pas toujours totalement identiques. Notre mission en tous les cas, est de diffuser le droit international humanitaire.
J'en viens à la décision du Conseil constitutionnel du 8 février. Je vous invite à lire le commentaire autorisé publié sur le site du Conseil qui rappelle qu'une loi de 1955, qui prévoyait l'indemnisation des victimes civiles de faits de violence et qui aurait dû, de par les accords d'Évian, conduire l'Algérie indépendante à indemniser des Français, n'a pas été appliquée. Désireux de pallier cette carence, le législateur est intervenu en 1963 pour indemniser les victimes civiles algériennes. Vous invoquez, Monsieur le député, le principe de réciprocité, or je ne suis pas sûre que l'occasion de l'appliquer se présentera. Nous avons très peu de victimes pensionnées relevant de ce dispositif : nous en réalisons à grand-peine le recensement et seules quelques centaines de Français ou Algériens – mais qui étaient des rapatriés politiques ou des supplétifs de l'armée française – sont concernés.
Vous êtes revenu, Monsieur le député Lejeune, sur le droit de vote des militaires… Je n'ai pas très bien compris votre question. Reste en effet que même les élus des petites communes peuvent être grands électeurs. La question se posera donc pour les militaires d'active qui seront élus. Nous avons dû trouver un point d'équilibre et, très franchement, je comprends que vous pensez pour votre part que celui que nous avons retenu est suffisamment large. Votre intervention montre en tout cas qu'au sein des armées et ailleurs on se soucie de la non-politisation des militaires.
Je ne pense pas, par ailleurs, que l'armement des drones pose de problème juridique particulier. Nous avons examiné la question au regard des règles du droit international humanitaire, nous en avons parlé avec la direction générale de l'armement (DGA), avec l'état-major des armées... Les problèmes juridiques sont liés aux contrats d'achat de ces matériels aux Américains et en particulier aux systèmes d'armement de nos drones. Il est ici question d'un aéronef doté d'une arme, non habité mais piloté à distance. La configuration juridique serait radicalement nouvelle s'il n'y avait aucune présence humaine. À moins que votre question ne concerne la mauvaise polémique – que j'ai constatée également au Royaume-Uni – concernant des exécutions dites extrajudiciaires, ciblées, de ressortissants français. Les choses ne se passent pas ainsi : encore une fois, les armées, quand elles font la guerre, ont un ennemi et si un Français combat au sein d'un groupe armé terroriste, il n'est pas particulièrement ciblé en tant que Français mais traité comme un combattant comme un autre. L'important est que les règles du droit international humanitaire, en termes de précaution et de distinction, soient appliquées quand on pratiquera des ciblages avec ces drones armés.