La suppression des séries de la voie générale se traduira donc par un système beaucoup plus lisible, compréhensible par tout un chacun. L'amélioration sera loin d'être négligeable : nous aurons un socle commun et des disciplines de spécialité, qui se partagent les heures à peu près par moitié – hormis les heures d'option dont je parlerai dans un instant.
J'appelle particulièrement votre attention sur les « humanités scientifiques et numériques », matière qui recouvre rien de moins que la culture scientifique commune de nos élèves. Cette culture scientifique commune suppose une compétence numérique, avec tous les enjeux qu'emportent la création ou l'accentuation de la compétence de codage de nos élèves, et tout ce que cela signifie, d'un point de vue mathématique, sur l'algorithmique. Je signale donc à tous ceux qui s'inquiéteraient de la fin d'une compétence mathématique chez les élèves ayant choisi des spécialités littéraires que, dans le cadre de cette discipline – dont les contenus restent à définir dans le cadre de l'évolution des programmes qui se fera au cours des prochains mois – la compétence mathématique numérique restera présente.
Il y a aussi une mise en perspective des grandes évolutions scientifiques de notre époque. Je pense à la transition écologique ou à la bioéthique qui ont une très grande importance, en particulier pour les sciences et vie de la terre (SVT). Tous ces éléments doivent faire l'objet d'un programme spécifique qui permettra à nos élèves d'appréhender les transformations scientifiques, mais aussi d'accentuer leur raisonnement scientifique. Le programme est à faire et bien entendu, comme pour toute nouvelle discipline, cela pose la question des ressources humaines : qui va faire ces cours ? L'objectif est d'avoir des professeurs venus de disciplines différentes - mathématiques, SVT et physique-chimie sont particulièrement concernées.
Je ne vais pas énumérer les disciplines de spécialité, car ce serait fastidieux. Je signale tout de même qu'il y en a trois en première, et deux en terminale – quatre heures pour chacune d'entre elles en première et six heures en terminale. C'est extrêmement simple à comprendre. Cela permet de faire des choix en première puis d'accentuer son choix en terminale, voire de changer de spécialité entre la première et la terminale. La liberté et l'essai sont en effet deux notions importantes dans le parcours de l'élève.
Je veux également appeler votre attention sur la discipline consacrée au codage et au numérique, qui pourra être couplée à d'autres spécialités – par exemple les mathématiques, les SVT ou la physique. De la même façon, certaines disciplines, qui peuvent exister sous une forme ou une autre dans les séries actuelles, seront certainement revisitées sous des intitulés nouveaux. Je pense à celle qui s'intitule « Humanités, littérature et philosophie », dont le programme sera certainement très intéressant.
Ces disciplines de spécialité peuvent être complétées par des options, des enseignements facultatifs choisis par les élèves. C'est le moyen de confirmer certaines options existantes, auxquelles nous tenons beaucoup. Je citerai « Langues et cultures anciennes », une option de trois heures qui peut être choisie en complément des spécialités que j'ai mentionnées. Mais c'est vrai aussi de la troisième langue vivante, et d'autres enseignements.
Je voudrais encore insister sur la création de deux options nouvelles : « Mathématiques expertes » et « Mathématiques complémentaires ». La création de l'option « Mathématiques expertes » est une conséquence directe du rapport Villani, qui la préconisait : un élève qui a choisi mathématiques comme spécialité en terminale pourra ajouter aux six heures que cela représente trois heures de « Mathématiques expertes ». Cela représente un nombre d'heures de mathématiques supérieur à celui qui est dispensé aujourd'hui à un élève de la série S. L'objectif est aussi de remettre en selle les mathématiques dans notre pays.
Mais il y aura également trois heures de mathématiques dites « complémentaires ». Cette option pourra être prise par ceux qui n'auront pas choisi « Mathématiques » comme spécialité, mais qui ont besoin des mathématiques. L'exemple typique est celui des élèves qui prendront SVT et physique chimie en terminale parce qu'ils se destinent à des études de biologie ou de médecine et qui ont tout de même besoin de mathématiques, mais de mathématiques un peu spécifiques, adaptées à leur cursus – avec davantage de probabilités et de statistiques que de géométrie. Je le précise pour apaiser les craintes, exprimées notamment par les SVT, alors même qu'il n'est évidemment pas question d'affaiblir cette discipline dans la nouvelle configuration : si on ne choisit pas les mathématiques en spécialité, on pourra les retrouver en enseignement complémentaire, mais avec un contenu plus en adéquation avec son profil. Ces « Mathématiques complémentaires » pourront également être choisies, par exemple, par des élèves faisant des sciences économiques et sociales, dans lesquelles les statistiques et les probabilités tiennent aussi une place importante.
Bref, nous avons élaboré un système présentant une certaine cohérence entre les différentes offres, qui permet d'imaginer des parcours assez différents en couplant les disciplines.
Je terminerai en insistant sur la compensation des inégalités, autre enjeu de la réforme. Nous allons réaliser un travail technique tout au long des prochaines semaines, pour apprécier le nombre de duos de spécialités que nous pouvons offrir dans chaque établissement de France. En effet, quand vous couplez toutes les spécialités entre elles, vous obtenez un nombre de duos bien trop élevé pour pouvoir être offert dans chacun d'entre eux. Toutefois, nous devons pouvoir proposer une base commune de duos de spécialités dans toute la France. Nous aurons l'occasion de l'expliciter au cours des prochaines semaines.
Ce qui est important, c'est que nous pouvons faire de ce nouveau dispositif un outil de compensation des inégalités. On entend dire souvent que la réforme pourrait accentuer les inégalités en faveur des établissements qui sont déjà les plus favorisés : nous pouvons faire exactement l'inverse en permettant aux établissements les plus défavorisés de proposer un duo supplémentaire par rapport aux duos habituels. Tout établissement pourra donc proposer un duo original, qui n'existe pas nécessairement dans les autres établissements, et tout établissement en zone défavorisée sera en situation d'en rajouter encore une, ce qui le rendra plus attractif. Ainsi, nous mettrions en oeuvre dans les zones défavorisées ce que Pierre Mathiot appelle dans son rapport des « spécialités d'établissement ».
Pierre Mathiot avait pris comme exemple « Art et informatique ». Malgré son intérêt, un tel duo n'a pas vocation à être proposé dans tous les établissements de France – ce ne serait pas raisonnable. Il correspond néanmoins à certaines études et à des types de métiers. On peut donc l'offrir dans certains établissements, notamment dans ceux qui auraient besoin d'améliorer leur attractivité. Voilà qui montre que la souplesse introduite par cette réforme peut être mise au service d'une politique sociale. De la même façon, nous revisiterons l'accompagnement personnalisé pour qu'il ne soit pas indifférencié, mais plus particulièrement prononcé dans les lycées les plus défavorisés.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je n'ai fait que résumer cette réforme. Je vous apporterai d'autres précisions en répondant à vos questions.