Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 20 février 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

J'ajoute que de nombreuses critiques nous proviennent des rangs scientifiques, accusant la réforme de privilégier les lettres et les sciences humaines, tandis que, chez les tenants de ces dernières, on nous reproche exactement l'inverse. Les élèves conservant peu ou prou le même nombre d'heures d'enseignement, il est probable que la vérité soit au milieu, ce qui est au fond l'équation politique dans laquelle nous nous inscrivons. Nous avons beaucoup réfléchi pour parvenir à une situation équilibrée, dans laquelle les lycéens soient en situation de faire des choix parmi des disciplines, dont aucune ne fait l'objet d'un ostracisme particulier. Bien au contraire, il s'agit d'en tirer le meilleur suc, ce qu'entend traduire la révision des programmes.

Madame Victory, vous vous inquiétez du risque d'éclatement d'un système décloisonné, où les possibilités de choix sont élargies. Je n'y crois pas. Il s'agit d'un système qui offre une liberté très attendue par les lycéens, et je m'engage à tout faire pour que sa mise en place aboutisse au contraire à une plus grande égalité, autrement dit à ce que tous les lycées de France puissent proposer le même socle commun et que les différences qui pourraient apparaître au niveau des matières optionnelles jouent en faveur des lycées défavorisés.

Vous m'avez également demandé pourquoi on ne réformait pas ensemble la voie professionnelle, la voie technologique et la voie générale. C'est en réalité notre intention mais nous avons choisi d'adopter deux approches distinctes. Dans le cas de la filière générale et de la filière technologique, nous sommes partis de la réforme du baccalauréat, car c'est là que se situe le principal point de friction. Nous estimons donc qu'en faisant évoluer le baccalauréat, nous ferons évoluer le lycée, en « dégrippant » en quelque sorte le système. Dans le même temps, nous fondons la réforme de la voie professionnelle sur la remise, après-demain, du rapport Calvez-Marcon. Nous ne partirons pas du bac, puisque le bac pro est déjà un bac très intégré, qui repose pour l'essentiel sur le contrôle continu. L'évolution se fera donc d'abord par une transformation du lycée, le but étant de créer davantage de passerelles entre les trois filières professionnelle, technologique et générale. Ces trois filières doivent, dans notre esprit, être considérées aussi nobles les unes que les autres. Le défi est immense, mais nous n'avons jamais été aussi près d'y arriver. Quoi qu'il en soit, nous menons une réflexion simultanée sur les trois filières, dont notre calendrier tient compte.

Madame Descamps, l'harmonisation des évaluations du contrôle continu doit permettre d'empêcher les inégalités entre établissements. L'éducation nationale maîtrise ce savoir-faire et ces techniques d'harmonisation, ce qui n'exclut pas de les faire progresser encore ; je crois en effet que la correction harmonisée des examens peut connaître un saut qualitatif grâce en particulier aux nouvelles technologies dont nous disposons.

Madame Faucillon, je voudrais compléter ma réponse sur nos objectifs en matière de nombre de bacheliers, en indiquant que nous maintenons une session de rattrapage – contrairement d'ailleurs à l'une des préconisations du rapport Mathiot –, ce qui prouve bien que nous n'entendons barrer la route à personne. C'est en tout cas le signal que nous envoyons aux lycéens.

Madame Rist, l'évaluation de l'oral au cours de la scolarité est centrale, ainsi que je le laissais implicitement entendre dans mon propos liminaire. C'est dès la maternelle que les capacités de nos élèves à s'exprimer, à argumenter et à écouter doivent être développées. Nous allons travailler pour cela sur tous les aspects de l'école, qu'il s'agisse de l'accompagnement personnalisé, des activités périscolaires et activités culturelles – je pense par exemple au théâtre, qui va faire l'objet, avec Françoise Nyssen, d'un travail spécifique d'encouragement dans nos établissements.

De nouveaux modes vont ainsi permettre à l'oral d'être plus présent au sein du système éducatif. Cette évolution va de pair avec celles qui doivent intervenir au sujet de l'enseignement des langues vivantes.

Il semble que l'apparition dans le débat public de l'idée consistant à donner une plus grande place à l'oral ait provoqué un déblocage psychologique, qui incite de plus en plus de personnes à s'exprimer sur ce point, en indiquant quel intérêt représente pour elles cette évolution, et de quelle manière elles ont l'intention de l'accompagner. De mon point de vue, cet impact psychologique sera aussi important que les impacts techniques de la réforme pour l'amélioration du français écrit et oral au cours des prochaines années.

J'ai déjà répondu à certaines de vos interrogations, madame Rubin, notamment celles portant sur les SES. Je dois dire que je ne peux être d'accord avec certaines des expressions que vous avez employées. Comment peut-on affirmer que la culture générale se réduit comme peau de chagrin, alors que l'organisation que nous proposons vise précisément à l'inverse ? Quand vous dites « bienvenue à l'école de l'utilitarisme », je ne vois pas trop quel sens vous donnez à ce dernier mot, mais en tout état de cause il me paraît malvenu. Enfin, quand vous dites « fini, le droit à l'erreur » et nous reprochez d'enfermer les élèves dans des couloirs de spécialités, vous décrivez exactement le contraire de ce que nous faisons, puisque nous supprimons les couloirs qui existent aujourd'hui pour aller vers un système où l'élève dispose d'un droit à l'essai, à l'erreur et au choix. Nous prenons le lycéen au sérieux en lui permettant ainsi de se responsabiliser, mais aussi de changer éventuellement de choix.

Enfin, je crois que Pierre Mathiot et moi-même avons répondu à vos craintes relatives au découpage entre les sciences économiques et les sciences sociales.

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