Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 17h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Ils se caractérisent par ce que je viens de dire : ils sont de faible activité, ils ne produisent pas beaucoup de rayonnements ; mais ils sont à vie longue, leur radioactivité met beaucoup de temps à décroître. Ils constituent une catégorie intermédiaire, ils ne sont pas très nocifs à l'instant t, mais leurs effets durent longtemps. Les premières solutions envisagées sont plutôt en subsurface. Les déchets les plus nocifs sont de haute ou moyenne activité – donc nocifs à l'instant t – et à vie longue. Et par vie longue, on entend des centaines de milliers d'années.

Il n'y a aucun problème à imaginer des entreposages en subsurface pour le moyen terme – de l'ordre de la centaine d'années –, et les déchets d'une telle durée de vie sont déjà dans des zones de reposage, sous notre contrôle. Concevoir une installation industrielle à même d'accueillir ces déchets pour cent ou deux cents ans n'est pas un problème, c'est tout à fait possible. Mais toutes ces installations industrielles supposent un contrôle sociétal. Il faut faire de la maintenance d'ouvrage, car en subsurface, des ouvrages de béton entourent les déchets. Un minimum d'intervention humaine est donc requis pour vérifier que les murs et les colis tiennent, et il faut un personnel minimum pour éviter les entrées de personnes, malveillantes ou non. Il est possible d'imaginer cela à un horizon de cent ou deux cents ans, en ayant foi dans l'avenir. Mais à un horizon de cent mille ans, je défie quiconque de présenter un raisonnement qui tienne la route.

C'est pour cela qu'au niveau international, la solution définitive retenue est de s'appuyer sur les caractéristiques géologiques intrinsèques, qui ont une portée de cent mille ans. Toute autre solution aujourd'hui imaginable ne résiste pas à l'épreuve de ce temps long, intrinsèque à ces déchets.

Il y a un bémol à mes propos, c'est la réversibilité, qui a été constamment soulevée lors des débats à ce sujet. Rien n'interdit de penser que, d'ici une centaine d'années, une nouvelle technologie permettra de s'abstenir de ce stockage en traitant ces déchets pour qu'ils ne soient plus nocifs. Il n'est pas loufoque d'imaginer cela ; on ne sait jamais. Notre génération a le devoir de trouver une solution qui marche, mais on ne peut pas insulter l'avenir en refusant d'imaginer qu'une autre, meilleure, apparaisse.

C'est pourquoi la loi prévoit cette réversibilité, qu'il faut encore traduire en termes techniques précis. La loi prévoit que pour une période d'au moins cent ans, la réversibilité doit être assurée, et que l'on ne peut revenir dessus que par une nouvelle loi. C'est une position assez ferme, logique au regard des questions posées dans les enquêtes publiques, déjà nombreuses, sur le projet CIGEO.

Pour l'instant, la solution du stockage géologique profond est accessible techniquement et scientifiquement, mais il faut se donner la possibilité d'une vraie réversibilité sur un horizon de temps long. C'est notre vision.

Par ailleurs, en tant qu'autorité de sûreté, nous avons été amenés à rendre un avis début janvier sur les grandes options de sûreté du stockage. Elles sont bonnes dans l'ensemble, et l'un des points importants tient aux conditions géologiques de la zone : c'est une bonne argile. Le zonage est donc bon d'un point de vue technique – je ne me prononce pas sur l'acceptabilité locale du projet.

Globalement, le dossier est très bon. Un point technique nous pose problème, et il doit être réglé avant de descendre des déchets de cette nature : celui des déchets conditionnés dans du bitume. Il s'agit plutôt de déchets de moyenne activité, ce ne sont pas les plus nocifs – les résidus de combustible – mais des déchets de traitement, placés dans des fûts où l'on a coulé du bitume. C'est l'un des moyens de rendre ces déchets partiellement inertes, mais le bitume n'est pas inerte, il y a un risque d'inflammation une fois porté à température. Et un incendie dans un stockage est compliqué à gérer.

Nous avons imaginé deux voies : la première consiste à traiter ces déchets avant de les descendre, pour les rendre plus inertes qu'ils ne le sont actuellement. C'est celle que nous privilégions actuellement. Mais si cela s'avérait impossible, l'autre voie est de prévoir tout ce qu'il faut en matière de détection et de lutte contre l'incendie pour pouvoir intervenir très rapidement.

En tout état de cause, tant que nous n'aurons pas une position claire sur ce sujet, les déchets ne descendront pas.

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