Je tiens tout d'abord à remercier les orateurs pour leur soutien au texte, qui, comme l'a souligné M. Philippe Gosselin, est une photographie de l'accord conclu par les membres du comité des signataires. Je veux aussi remercier Mme Naïma Moutchou qui, à l'occasion de son premier déplacement en Nouvelle-Calédonie, a parfaitement appréhendé les enjeux de ce territoire, et rappelé les défis qu'il nous revient de relever.
Nous rendrons évidemment compte rendu de notre déplacement à la mission d'information. Sous la houlette de la présidente de la commission des Lois, et avec Mme Naïma Moutchou, nous avons visité le Camp Est, prison de Nouméa, où nous avons découvert des situations indignes de la République.
M. Philippe Gosselin connaît bien et depuis longtemps la Nouvelle-Calédonie. Il fait partie de ces élus qui de longue date ont accompagné le processus. Il me semble très important, comme d'autres l'ont fait, de rappeler le destin commun qui lie ce territoire à la France, malgré les moments douloureux de leur histoire. Il faut rappeler avec force que la République est grande lorsqu'elle reconnaît la diversité mais ne pas craindre non plus d'affirmer aussi ses préférences, comme l'a fait M. Eric Ciotti.
Il est important que, sur ce dossier, nous cheminions ensemble. Nous laisserons aux historiens le soin de dire pourquoi ce territoire si lointain, hier à quatre ou six mois de bateau, aujourd'hui à près de vingt-quatre heures d'avion, et qui compte moins de 300 000 de nos compatriotes et concitoyens, revêt une telle importance. Celle-ci est liée à l'histoire d'hier, mais aussi à l'histoire plus récente, ainsi qu'à sa place importante dans la région où il se trouve.
Je tiens aussi à remercier M. Philippe Dunoyer qui, mieux que quiconque et en tout cas mieux que moi, a rappelé les enjeux de chacun des articles de ce projet de loi, ainsi que la symbolique de ces 10 900 personnes non inscrites sur les listes électorales. Il a rappelé quelle était la place des procurations, pratiquement sans équivalent ailleurs – si tel était le cas en métropole, les élus que nous sommes serions légitimement inquiets.
Il a résumé les défis de la Nouvelle-Calédonie comme le nombre d'habitants de Lifou qui vivent à Nouméa ou dans le grand Nouméa, plus nombreux que sur l'île elle-même. Cela montre que les signataires, avec le Premier ministre, ont recherché chaque fois des solutions concrètes susceptibles d'être mises en oeuvre. Merci encore pour sa détermination et sa volonté d'apaisement. Car il a rappelé l'urgence, après l'adoption, que j'espère conforme, de notre texte, de la prise des décrets d'application afin de mettre en oeuvre le processus permettant la meilleure organisation possible du scrutin.
Je remercie M. Thierry Robert de son soutien et d'avoir employé cette formule juste : « une Constitution au sein de la Constitution ».
Je veux aussi rappeler à M. Paul Molac que la spécificité de la Nouvelle-Calédonie est certes d'être inscrite dans la Constitution, mais avec la volonté que cela ne concerne que la Nouvelle-Calédonie. J'ai rappelé en Nouvelle-Calédonie même que la Corse, ce n'est pas la même chose ; je n'ai pas osé dire : la Nouvelle-Calédonie et le pays Basque, la Nouvelle-Calédonie et la Bretagne, ça n'est pas la même chose... Je ne dis pas cela pour faire un bon mot, mais parce que ni politiquement, ni historiquement, ni socialement, ni juridiquement, ça n'est la même chose.
Il m'a d'ailleurs été reproché, en Nouvelle-Calédonie, de ne pas avoir suffisamment défendu l'idée que la Nouvelle-Calédonie serait pleinement une région, un territoire français métropolitain, comme la Corse. C'est qu'il existe dans l'archipel un droit coutumier, la reconnaissance de la décolonisation, le droit à l'autodétermination.
Pour ma part, je crois aux États-nations. Peut-être suis-je dans l'« ancien monde » (Sourires), mais il me semble que ce vieux monde des États-nations, notamment en Europe, constitue encore aujourd'hui la base de nos démocraties, et d'une certaine manière de notre civilisation et de notre avenir. Je crois très important d'apprécier clairement ce qu'est la Nouvelle-Calédonie, sa spécificité, son histoire et sa place dans la Constitution.
Nous aurons bien sûr, madame Lorho, l'occasion de revenir sur vos amendements. Je ne pense pas qu'il y ait une régression de la France dans cette partie du monde, bien au contraire, la puissante progression de la Chine en Asie et en Océanie nous oblige, avec d'autres pays, à être présents. Mais cela dans la modernité : la Nouvelle-Calédonie entretient des relations diplomatiques et économiques avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Indonésie, la Nouvelle-Guinée ; bref avec tous les territoires de la région y compris les anciennes colonies britanniques et françaises. Le fait que la Grande-Bretagne, très présente dans cet espace, ait décidé de se retirer de l'Union européenne fait de nous la seule puissance de cette Union présente en Océanie.
Nous n'avons que peu abordé les enjeux essentiels du nickel. J'ai l'immodestie de considérer que les décisions que j'ai prises alors que j'étais Premier ministre ont sauvé la filière et ses usines à travers les dispositifs de soutien, notamment grâce à la mesure de défiscalisation, directe ou indirecte qui a porté sur une somme de 1,5 milliard d'euros environ.
Je pense que, quel que soit le choix des Calédoniens dans quelques mois, nous conserverons une influence et une présence. Quant à la légitimité du scrutin, elle sera celle de la participation, et pour que celle-ci soit forte, il faut que le débat – ce que soulignait David Habib – soit éclairé. À cet égard, je ne doute pas que la présence d'Édouard Philippe il y a quelques mois, ce qui a été le cas de chaque Premier ministre depuis 1988, ait été importante. Ce sont souvent eux, les chefs du Gouvernement, qui président le comité des signataires.
Vous avez raison d'être fier d'être socialiste, cher collègue. (Sourires.) Mais je rappelle que, depuis 1988, tous les Présidents de la République – François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et aujourd'hui Emmanuel Macron – et tous les Premiers ministres ont joué un rôle positif afin de favoriser la paix, le dialogue et la mise en oeuvre des accords de 1988 et 1990. De cela, nous pouvons tous être fiers ; l'expression des différents groupes politiques aujourd'hui en donne une belle démonstration.
L'État, cher David Habib, doit être neutre à travers ses organes : le haut-commissaire, le haut-commissaire délégué, et l'ensemble de son organisation. Cette neutralité doit garantir la pluralité du scrutin et la meilleure information possible afin que le vote, qui aura probablement lieu le 4 novembre prochain, soit le plus légitime possible.
Les forces politiques locales, représentées au Congrès, doivent concourir à la présentation d'une consultation visant à la pleine souveraineté, et pas uniquement les élections provinciales, qui auront lieu quelques mois après. C'est là que réside l'enjeu fondamental, nous l'avons rappelé les uns et les autres, sur place.
Je tiens à vous remercier, madame Obono, pour le soutien que vous apportez à la loi organique ainsi qu'à ce processus. Vous avez raison de rappeler qu'il s'agit d'un processus de décolonisation qui se déroule sous le regard des Nations unies, qui seront présentes. Au demeurant, processus de décolonisation ne veut pas dire indépendance, mais il n'en constitue pas moins un acte unique dans notre histoire moderne.
Ce processus fait la force des accords passés, et le scrutin qui aura probablement lieu le 4 novembre prochain est très important. Il faut non seulement éclairer les citoyens de Nouvelle-Calédonie sur les enjeux de ce vote, mais il faut que nos compatriotes de métropole et des autres territoires ultramarins le soient également. Car la Nouvelle-Calédonie signifie quelque chose dans l'esprit et le coeur des Français.
Pour ce qui est du calendrier, monsieur Viala, le comité dit « du G10 » s'est mis d'accord sur la date, qui doit désormais être approuvée par le congrès. Parmi les deux dates possibles, le 28 octobre et le 4 novembre, cette dernière semble faire l'unanimité – même si, en Nouvelle-Calédonie, les accords sont susceptibles d'être défaits peu de temps après avoir été conclus, ce qui du reste n'est pas propre à la Nouvelle-Calédonie… Si le congrès ne se saisit pas rapidement de la question, le Gouvernement national, dans les prochaines semaines, devra prendre ses responsabilités.
Une réunion du comité des signataires est prévue pour la fin du mois de mars et devrait avancer sur la formulation de la question. J'ai lu tout à l'heure que le texte de la question se trouvait dans l'Accord de Nouméa ; or il ne répond pas forcément à la nécessité d'être binaire, simple. Reste qu'il convient de demeurer le plus près possible de l'Accord de Nouméa. Et il faut avoir présent à l'esprit qu'il ne s'agit que d'une étape : si on considère que c'est une fin – un mur… –, alors toutes les tensions vont se raviver. Il appartient donc au Président de la République, au Gouvernement, aux acteurs locaux, à nous-mêmes, de préparer le jour d'après et j'ose dire les semaines et les mois d'après.
Il m'est difficile d'évoquer les différents scénarios. David Habib a rappelé que deux autres consultations étaient prévues. C'est l'intelligence de ceux qui ont écrit ces accords il y a quelques années. Oui ou non, en cas du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République, s'engage-t-on dans un autre processus ? Je mets pour ma part en garde contre le fait qu'on ne peut pas envisager une autre solution que ces deux rendez-vous sans trouver les bases d'un accord. Il faudra donc de toute façon avancer avec la volonté, j'y insiste, de trouver un tel accord.
Vous me permettrez, et ce seront mes derniers mots, de citer un extrait d'un beau texte d'un responsable kanak, l'indépendantiste Élie Poigoune, président de la Ligue des droits de l'homme en Nouvelle-Calédonie, et qui fait partie du comité des sages mis en place par le Premier ministre, comité animé par l'ancien maire de Nouméa : « Une fois le résultat [du référendum] connu, notre devoir à tous est de l'accepter et de le respecter. Les uns seront les vainqueurs et les autres les perdants. Cette situation doit être considérée comme un point de départ pour de nouvelles aventures communes. Les vainqueurs doivent se garder des postures d'arrogance qui écrasent l'autre, et considérer leur victoire avec humilité et conscience des responsabilités qu'elle implique. Elle sera d'autant plus grande et plus belle qu'ils sauront faire preuve de bienveillance et de compréhension envers leurs adversaires. Ceux qui auront perdu doivent accepter le verdict des urnes, ne pas se considérer comme des exclus, des rejetés mais au contraire comme des partenaires dans cette nouvelle vie politique. La vie doit continuer dans la paix et le respect des uns et des autres dans ce nouveau cadre démocratique. Personne ne pourra remettre en cause le résultat, personne ne pourra remettre en cause le droit à l'autodétermination, personne ne pourra interdire à certains de se réclamer comme indépendantistes ; mais il est évident que ce résultat sonnera comme une étape majeure pour la Nouvelle-Calédonie et qu'il faudra, à ce moment-là, construire sans doute un autre scénario, une autre étape et, là, chacun, Gouvernement, Parlement, partenaires de Nouvelle-Calédonie, seront responsables et face à l'histoire. »
Je ne doute pas que ces mots, comme les nôtres aujourd'hui, empreints, je crois, d'une très grande responsabilité, permettront d'avancer. Chacun a une opinion sur ce que la Nouvelle-Calédonie doit construire pour son avenir. J'ai exprimé la mienne, ce qui est normal à l'occasion de la préparation d'un référendum, mais ce sont les Calédoniens qui vont voter et la philosophie du texte que je viens de vous lire devra imprégner, quoi qu'il arrive, l'esprit de chacun.