Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) :

Suite à l'accident de Fukushima, la France a, comme les autres pays, pris un certain nombre de mesures visant à renforcer la sûreté des installations. Il s'agissait en premier lieu de se prémunir contre ce qu'on appelle les agressions externes, comme ce qui s'est produit à Fukushima, c'est-à-dire contre un séisme ou une inondation de très grande ampleur.

Dans cette perspective, l'objectif de la démarche « noyau dur », d'ailleurs proposée par l'Institut, était triple : prévenir la survenance d'un accident grave ou à tout le moins limiter ses effets ; prévenir les rejets radioactifs à grande échelle ; faciliter la gestion de crise, pour éviter ce qui s'est produit à Fukushima, où les opérateurs japonais ont eu du mal à intervenir sur le site après l'accident.

Cette démarche comporte trois phases. La première, qui est aujourd'hui achevée, a consisté à mettre en place des moyens mobiles supplémentaires, pour amener l'électricité et l'eau sur les sites : à Fukushima, en effet, le séisme a détruit les pylônes, et l'inondation a noyé les circuits électriques. A également été détruite la source froide indispensable pour refroidir les réacteurs, d'où la nécessité de prendre également des mesures pour garantir le maintien de l'alimentation en eau froide des systèmes de refroidissement.

Dans le cadre de cette première phase, la France a également créé une force d'action rapide nucléaire (FARN), constituée d'équipes dédiées positionnées en permanence sur plusieurs sites EDF et prêtes à se projeter en appui des équipes locales en cas d'accident sur un site.

La deuxième phase est encore en cours. Elle concerne essentiellement la mise en place du diesel ultime secours (DUS), c'est-à-dire l'installation de très gros appareils capables de résister aux agressions extérieures pour fournir de la puissance électrique après un accident. Je ne dispose pas d'un état des lieux site par site, mais la couverture du parc en DUS devrait normalement être achevée fin 2018.

La seconde mesure importante de cette deuxième phase et la mise en place de centres de crise durcis : dans leur malheur, les Japonais ont en effet eu une chance, c'est qu'ils disposaient, sur le site de Fukushima, d'un centre de ce type, qui n'existe pas dans toutes les centrales mais a permis en l'occurrence aux équipes d'avoir un point de repli où travailler et se reposer.

La troisième phase est assez spécifique à la France et se compose de mesures qui n'ont pas nécessairement été adoptées par les autres pays. Il s'agit d'abord d'installer sur les sites une source froide alternative permettant de refroidir le réacteur en cas d'accident. Il s'agit ensuite de protéger l'intégrité de l'enceinte afin d'éviter les fuites radioactives : si un accident empêche le combustible de se refroidir, sa température va augmenter au point qu'il peut fondre et passer au travers de la cuve du réacteur ; l'énergie dégagée est alors tellement importante que, si elle n'est pas évacuée, la pression va augmenter jusqu'à abîmer l'enceinte, ce qui est la chose à éviter absolument. EDF doit donc mettre en place des dispositifs ad hoc, selon un calendrier qui s'organisera en fonction des visites décennales, jusqu'en 2030.

À ce dispositif en trois phases, il faut également ajouter une série de recherches en cours à l'IRSN, l'Agence nationale de la recherche (ANR) ayant décidé de financer plusieurs programmes expérimentaux destinés notamment à étudier le refroidissement du combustible en réacteur et en piscine. Nous construisons actuellement à cet effet sur l'un de nos sites, une piscine à l'échelle 16e. Nous achevons également une étude sur l'ingestion de comprimés d'iode. Jusqu'à l'accident de Fukushima, en effet, la doctrine était que des cachets d'iode étaient distribués de manière préventive à la population, l'autorité responsable indiquant le cas échéant, en cas d'émanations radioactives, à quel moment prendre ces cachets, dont l'effet est d'éviter que l'iode radioactif ne se fixe sur la thyroïde. Or l'accident de Fukushima a montré que les rejets radioactifs pouvaient se prolonger au-delà de quelques heures, ce qui pose la question des dosages d'iode. Nous sommes donc en train de travailler sur les effets d'une prise répétée de comprimés d'iode.

En ce qui concerne enfin le coût global de ces mesures, cela ne relève pas directement de mon champ de compétences, et je ne saurais donc répondre à votre question.

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