Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) :

Les non-conformités résultant de falsifications sont évidemment inacceptables. Cela dit, quand une cuve présente un défaut, toute la question est de savoir s'il est nocif ou non, et c'est précisément là que l'expertise de l'IRSN intervient. En 2016, on a découvert que les générateurs de vapeur équipant dix-huit réacteurs en France pouvaient présenter des anomalies similaires à celles affectant la cuve de l'EPR de Flamanville, ce qui a conduit l'ASN à demander l'arrêt ou le maintien à l'arrêt d'une douzaine de réacteurs.

Notre intervention en la matière n'a pas consisté en un contrôle de conformité, celui-ci relevant de la compétence de l'ASN, mais à apporter notre expertise sur le plan technique. Le fond primaire d'un générateur de vapeur est fabriqué à partir d'un lingot, c'est-à-dire d'une grosse pièce de métal en fusion. Les processus physico-chimiques survenant au cours du refroidissement de cette pièce aboutissent à ce que du carbone se concentre en certains points, entraînant des modifications des propriétés physiques de la pièce concernée, notamment celle de moins bien résister à la propagation d'une fissure. La bonne pratique en ce cas, consistant à supprimer les parties du lingot où le carbone se trouve en excès, n'a pas été mise en oeuvre, ce qui fait que les calottes hémisphériques formant les fonds primaires présentent aujourd'hui ce défaut.

Notre travail a consisté à vérifier, par des moyens de contrôles destructifs et non destructifs, que les méthodes utilisées par EDF étaient acceptables, et que les résultats présentés par EDF et Areva étaient cohérents. Pour que la concentration anormale en carbone pose problème, il faut trois éléments : premièrement, que les propriétés de la pièce métallique soient dégradées ; deuxièmement, que cette pièce présente un défaut à partir duquel une fissure est susceptible de se propager – car une fissure ne part pas de rien – ; troisièmement, un choc thermique – du chaud sur du froid ou l'inverse. Après avoir mesuré la concentration en carbone, nous avons effectué des calculs de thermo-hydraulique afin d'évaluer l'ampleur des chocs auxquels les pièces concernées sont soumises. Enfin, nous avons vérifié les résultats d'EDF sur la présence ou l'absence de défauts. L'ensemble de ces opérations nous a permis de conclure, dans l'avis que nous avons remis à l'ASN, que, moyennant la mise en oeuvre de mesures compensatoires, les conditions de fonctionnement au niveau de sûreté requis étaient réunies – j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un avis portant sur la conformité, mais d'un avis technique.

Pour ce qui est des mesures compensatoires, nous avons recommandé à l'ASN de demander à EDF de limiter, par un certain nombre de dispositions, la probabilité que se produisent des chocs thermiques. Par exemple, quand un réacteur s'arrête, il se refroidit selon une pente de baisse de température : sa température diminue de 28 °C par heure. Nous avons conseillé que cette baisse de température soit deux fois moins rapide, afin de limiter l'importance des écarts thermiques.

En notre qualité d'expert technique, je le répète, nous avons considéré le niveau de sûreté requis pouvait être assuré – un niveau moindre que si le générateur de vapeur était en bon état, mais suffisant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.