Intervention de David Habib

Séance en hémicycle du mardi 13 mars 2018 à 15h00
Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Habib :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le Premier ministre et rapporteur Manuel Valls, il y a quelque chose d'artificiel à s'exprimer après Philippe Gomès qui vient, avec force et émotion, de nous rappeler les enjeux du référendum pour son territoire, comme l'avait fait Philippe Dunoyer la semaine dernière en commission. Pour autant, le vote solennel de la semaine prochaine ne se réduira pas à l'addition des voix des formations politiques de notre assemblée. Ce sont aussi les territoires que nous représentons, qui, par notre vote, mardi prochain, montreront à la Nouvelle-Calédonie que nous accompagnons sa démarche d'autodétermination.

Une vraie question se pose : qu'est-ce que la politique ? La politique, c'est à la fois unir et préparer. Unir les femmes et les hommes partout, en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs. Préparer, c'est anticiper l'avenir, c'est consolider la paix et permettre à celles et à ceux qui vivent sur le sol national de disposer d'une chance de s'exprimer. En votant ce texte, nous offrirons à la Nouvelle-Calédonie la possibilité de se déterminer, selon le principe de l'autodétermination que nous venons d'évoquer. Ce projet de loi organique, pour qu'il soit efficient et permette au territoire calédonien de s'exprimer réellement le 4 novembre, doit conduire à un scrutin indiscutable, équitable et sincère.

Ce caractère indiscutable du scrutin pose la question des listes électorales, laquelle n'est, quand on connaît les différents acteurs des problématiques calédoniennes, pas simple. Elle n'est pas la même en Nouvelle-Calédonie que partout ailleurs sur le territoire national. En 1972, Pierre Messmer, s'adressant à son secrétaire d'État aux DOM-TOM, écrivait ainsi : « À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. » Tel était l'état d'esprit à l'époque. Aujourd'hui, en faisant en sorte que le XVIe Comité des signataires de l'Accord de Nouméa prescrive des listes électorales indiscutables, nous apportons à l'ensemble des acteurs, qu'ils soient Calédoniens issus du peuple premier ou originaires d'Europe, la réponse attendue au regard de l'enjeu.

Un scrutin équitable, c'est un temps de parole équilibré et des bureaux de vote décentralisés pour permettre à chacun de voter. Favoriser un scrutin sincère, c'est viser à raréfier les procurations, comme il l'est proposé dans le projet de loi organique.

Par ailleurs, un projet de loi sincère, c'est un projet de loi qui engage l'État et qui doit être éclairé par le Gouvernement – nous y reviendrons, madame la ministre. Nous souhaitons que le Gouvernement s'exprime publiquement, afin de permettre à chacun, qu'il s'apprête à voter oui ou à voter non, de mesurer les enjeux de son geste, en disposant de l'ensemble des éléments. Le vote du 4 novembre doit être pleinement éclairé et intervenir en toute connaissance de cause.

Au-delà de l'échéance du scrutin, ce territoire se cherche et a besoin de réponses de la France. L'autodétermination est une question antérieure aux accords de Matignon et à l'Accord de Nouméa. Souvenons-nous que le statut Fabius-Pisani, mais aussi le statut Pons – le premier en 1985, le deuxième en 1986 – avaient déjà abordé cette question et fixé une date au 31 décembre 1987. Nous sommes au coeur des problématiques qui, pendant longtemps, ont été celles des pouvoirs publics en Nouvelle-Calédonie.

Ce territoire a su reconnaître l'effort réalisé depuis 1988 sur son sol. L'État a multiplié les actions pour permettre aux autorités locales de se saisir de leur destin. Les autorités calédoniennes ont en effet la main sur environ 70 % des sujets publics. Elles disposent de moyens financiers considérables, parfois enviés par d'autres territoires. Cela montre combien l'État français a été à la hauteur des demandes formulées par les Calédoniens.

Monsieur Manuel Valls, vous avez sauvé le nickel. L'Assemblée doit savoir que, lorsque vous étiez Premier ministre, vous avez permis à l'industrie calédonienne du nickel de surmonter les difficultés liées à la faiblesse des cours et aux capacités de production. Un effort considérable a également été réalisé en matière d'éducation. Enfin, et c'est essentiel, la paix a été ramenée sur ce territoire. L'État français a pleinement assumé sa responsabilité. Derrière la poignée de main de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou, il y a plusieurs premiers ministres et plusieurs présidents de la République, qui ont accompagné ce geste de paix, grâce à une mobilisation des pouvoirs publics.

Dans la mesure où l'État a, jusqu'à présent, fait cet effort, nous attendons du Gouvernement qu'il dise clairement, non pas en lieu et place des Calédoniens, quels sont les termes du débat et quelle est sa préférence. Avant que l'on ne me fasse grief de cette demande, sachez que tous ceux qui m'ont accompagné en Nouvelle-Calédonie, et qui appartiennent à votre majorité, ont également exprimé le désir que le Président de la République, lorsqu'il se rendra en Nouvelle-Calédonie en mai, éclaire par ses propos et l'indication de ses préférences le choix qui sera fait par les Calédoniens.

Aujourd'hui, nous arrivons au terme du premier processus défini par les accords de Matignon et de Nouméa. Trois référendums, comme cela est prévu en cas de refus, c'est trop. Ayons le courage de le dire. N'attendons pas la fin du processus pour interroger l'ensemble des parties. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'organiser de façon sincère, comme je l'ai rappelé, le premier référendum, mais aussi, dans l'hypothèse où le corps électoral viendrait à choisir une réponse négative – l'hypothèse doit être envisagée – , de reprendre, comme l'ont fait Michel Rocard et Lionel Jospin, le dialogue avec l'ensemble des acteurs, afin d'essayer de déterminer comment pourrait évoluer le statut calédonien.

Et en même temps, beaucoup des acteurs que j'ai rencontrés – dont certains, comme Philippe Dunoyer ou Philippe Gomès, originaires de mon département, sont des Béarnais vivant en Nouvelle-Calédonie – m'ont dit que vingt ans entre la signature de l'accord et le référendum, ce n'est peut-être pas assez pour que chacun mesure les enjeux. En effet, on a besoin d'un éclairage permettant à chacun de prendre position dans ce débat qui exige maturité et responsabilité. Voilà, madame la ministre, ce que le groupe Nouvelle Gauche souhaitait exprimer. Nous voterons bien évidemment ce texte conforme car, comme Philippe Gosselin l'a rappelé, il n'y a pas place pour la moindre réserve. Nous sommes face à un choix simple : accompagner le processus entamé avec les accords de Matignon et de Nouméa ou s'y opposer. Aujourd'hui, nous optons pour la première solution.

En concluant mon propos, après avoir mentionné en introduction le propre de la politique – préparer l'avenir et unir – , je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée respectueuse pour Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Leur capacité à se tendre la main a permis de sauver la communauté calédonienne. Si aujourd'hui, nous votons ce projet de loi organique, c'est parce que deux hommes ont eu le courage de se dire : il est temps de faire la paix, de discuter et de préparer l'avenir. Avec respect, humilité et la plus grande considération pour ces deux hommes, j'invite notre assemblée à apporter son concours massif et unanime à ce texte, comme nous l'avons fait en commission des lois, et à soutenir les initiatives prises par les uns et les autres sur place. Ce formidable territoire calédonien doit bénéficier de notre soutien et non subir notre autorité ou notre ingérence, pour décider pleinement des termes de sa souveraineté lors du référendum du 4 novembre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.