Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du mardi 13 mars 2018 à 15h00
Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, de 1853 à 2018, en passant par 1946, 1988 et 1998, l'histoire de la Nouvelle-Calédonie est faite de dates importantes, comme des rendez-vous pris avec le temps, un temps long – comme l'est aussi celui de l'histoire – pour réussir à construire dans la durée.

Alors que je m'exprime à cette tribune, cet après-midi, il est très tard en Nouvelle-Calédonie ; plus exactement, c'est le matin, très tôt. Lorsque le jour se lèvera là-bas, dans quelques heures, j'espère que nous aurons su exprimer massivement, pour les Néo-Calédoniens, notre adhésion à ce projet de loi organique. Nous témoignerons ainsi de notre soutien collectif à la construction d'un territoire tel que les Calédoniens l'auront choisi. Les députés du groupe La République en marche, en tout état de cause, voteront ce projet de loi organique à l'unanimité.

Je remercie mon groupe pour m'avoir confié l'immense honneur de prendre la parole sur ce texte, bien que je ne fasse pas partie – reconnaissons-le – de ceux qui s'expriment habituellement depuis dix, vingt ou trente ans, sur le dossier calédonien, sur le statut de ce territoire et sur ses multiples enjeux.

Des travaux que je mène depuis plusieurs mois et du déplacement sur l'archipel que nous avons fait il y a trois semaines avec d'autres membres de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, je retiens une chose essentielle, que je crois déterminante pour nos débats, actuels et futurs : pour construire durablement l'avenir, nous devons faire mémoire et transmettre l'héritage du passé aux générations suivantes. Il ne faut surtout pas les écarter de cet apprentissage.

Tel est le regard neuf que je porte sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Je l'exprime ici avec beaucoup d'humilité et en même temps avec responsabilité : je garde à l'esprit que par nos travaux, nous marchons dans les pas d'illustres personnages, des hommes et des femmes engagés, il y a longtemps déjà, dans un même combat pour écrire le destin commun de la Nouvelle-Calédonie. Certains y ont sacrifié leur vie. Permettez-moi de leur rendre hommage – à ceux qui sont encore ici comme à ceux qui ont disparu – et d'associer à cet hommage tous ceux qui le souhaitent sur ces bancs.

Notre devoir est immense et dépasse tous les clivages politiques : il consiste à ne pas s'écarter de la route balisée par les accords historiques de Matignon-Oudinot puis l'Accord de Nouméa, qui ont permis des décennies de concorde et de développement du territoire. Il consiste aussi à ne pas oublier ce long cheminement, jalonné d'affrontements d'une violence parfois extrême, mais traversé aussi par une volonté forte, triomphante, de réconcilier toutes les populations. Ces lendemains fraternels, nous les avons promis à tous les jeunes Calédoniens.

Je garderai longtemps en mémoire les échanges spontanés, directs, que nous avons eus avec une partie d'entre eux : collégiens, lycéens et étudiants à l'université. Certains sont animés d'une grande espérance et se projettent facilement vers des lendemains prometteurs ; d'autres sont plus effrayés par leur avenir ; mais tous ont l'envie de vivre ensemble.

Je crois profondément à l'émergence d'une nouvelle génération calédonienne unie dans la pluralité, rassemblée dans la diversité. C'est là tout l'enjeu symbolique de ce texte où se croisent le droit, la politique – dans l'idée du vivre-ensemble – et l'histoire, entre tradition et modernité, dans la perspective du référendum qui se tiendra à l'automne prochain.

Ce texte est la traduction fidèle de l'accord politique conclu à l'occasion du XVIe Comité des signataires de l'Accord de Nouméa le 2 novembre dernier. Il ne modifie pas les contours du corps électoral tel qu'ils ont été décidés en 1998, mais propose une procédure exceptionnelle d'inscription d'office sur les listes. D'abord, seront inscrits sur les listes électorales générales « tous les électeurs qui, n'étant pas déjà inscrits sur une liste électorale, ont leur domicile réel dans une commune de la Nouvelle-Calédonie ou qui y habitent depuis six mois au moins ». Ensuite, seront inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation les « électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux dès lors qu'ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans ».

L'objectif de ces mesures est essentiel : faire en sorte que les presque 11 000 natifs calédoniens – qu'ils soient de statut coutumier ou non – qui n'étaient pas inscrits sur les listes électorales le soient automatiquement, afin que la consultation soit la plus large possible. Le projet de loi organique prévoit également de créer des bureaux de vote décentralisés pour faciliter l'accès aux urnes, de répartir le temps d'antenne et de mieux encadrer le vote par procuration.

En nous efforçant, par ces dispositions, de rendre le résultat du scrutin incontestable, nous favorisons les conditions d'un référendum apaisé dans quelques mois. C'était une promesse importante du Gouvernement, que je tiens ici à saluer pour son action et son engagement : il a fait de la Nouvelle-Calédonie une priorité et s'est mobilisé, chaque fois que c'était nécessaire, pour aider au dialogue, pour inciter à la concertation, pour proposer des compromis.

Tel est le rôle de l'État : être le garant des accords conclus, demeurer le partenaire de la Nouvelle-Calédonie, et devenir un arbitre impartial dans le processus par lequel elle choisira sa destinée. Garant, partenaire et arbitre : c'est par ces termes que le Premier ministre a décrit les différentes missions de l'État. Il a su regarder le passé avec franchise et évoquer l'avenir avec confiance et vigilance. Grâce à son impulsion, dans la lignée de ses prédécesseurs – dont l'actuel président de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls, rapporteur du présent projet de loi – , les populations de cet archipel pourront décider de leur avenir commun.

Ce choix passera par le référendum d'autodétermination qui est – nous le savons tous – inéluctable. Qu'il soit espéré ou craint, il est en tout cas très attendu. Quoi qu'il en soit, comme l'immense majorité des intervenants s'accorde à le dire, ce n'est pas un couperet, ni une fin en soi, mais un pont qu'il faut enjamber – comme le disait le rapporteur – vers la nouvelle page que les Néo-Calédoniens devront écrire, avec l'aide de la France s'ils le souhaitent. Il leur faudra concrétiser ces fameux « jours d'après » : c'est un pari difficile, mais possible. Les Calédoniens, à n'en pas douter, seront à la hauteur du défi, parce qu'ils ont le sens de la mémoire et de l'essentiel.

Par notre vote, aujourd'hui, nous ouvrons cette perspective. Par notre vote, aujourd'hui, nous témoignons notre confiance envers la construction pacifique de la Nouvelle-Calédonie. Pour que demain là-bas, dès l'aube, il n'y ait pas de rupture, et que l'espoir continue d'y vivre.

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