Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis, comme à chaque occasion, très heureux d'être parmi vous ce matin, à l'heure où se dessine un virage important pour nos armées, en particulier pour les aviateurs à la tête desquels j'ai l'honneur de me trouver depuis un peu plus de deux ans maintenant.
Au moment de prendre la parole devant votre commission, je voudrais commencer par rendre hommage à nos blessés, à nos disparus, ainsi qu'à leurs familles. J'ai ainsi une pensée émue pour nos frères d'armes de l'aviation légère de l'armée de terre, tombés en service aérien le 2 février dernier. Alors que je m'apprête à évoquer avec vous ce projet de loi de programmation militaire qui nous réunit ce matin, ce drame nous rappelle qu'avant toutes les considérations techniques d'une loi de programmation, il y a des hommes et des femmes qui ont fait le choix de servir – un service dont on sait qu'il peut aller jusqu'au sacrifice de leur vie pour la protection des Français. C'est tout de même, me semble-t-il, ici la seule vérité qui compte.
Je connais votre soutien à nos armées, et votre attachement aux hommes et aux femmes de l'armée de l'air qui opèrent tous les jours, en première ligne, sur le territoire national, depuis nos territoires outre-mer, au sein de nos dispositifs pré-positionnés, ou encore sur les nombreux théâtres d'opération où la France est actuellement engagée. Je connais l'appui de votre commission et la qualité des travaux qu'elle conduit pour faire face aux enjeux sécuritaires auxquels notre pays et confrontés, et je tenais, en introduction, à vous en remercier.
L'élaboration d'une loi de programmation militaire constitue toujours un moment important pour notre communauté de défense. Elle permet de mettre en cohérence les moyens militaires avec l'ambition décidée par le président de la République. Je crois utile de commencer par rappeler ici l'importance, pour la défense, de ce principe de programmation pluriannuelle des ressources que la Nation entend lui consacrer. J'y vois tout d'abord un engagement de la Nation, que le passage par la loi permet d'incarner. J'y vois également la reconnaissance du temps nécessaire à la construction d'un outil de défense, celui du temps long imposé par la construction patiente de capacités militaires de très haut niveau, reposant autant sur les hommes que sur les équipements, et qui doit, pour ces raisons, échapper aux aléas du temps court des gestions budgétaires. Ce rapport au temps d'une loi de programmation militaire, c'est également un regard confiant posé sur notre avenir, car les choix qu'elle emporte conditionnent notre sécurité, et par conséquent la prospérité de notre Nation pour les décennies à venir, car il n'y a pas de prospérité sans sécurité. J'y vois enfin et avant tout l'annonce d'un choix souverain, adressé autant aux Français qu'au monde entier, à nos alliés, à nos partenaires, mais aussi à nos rivaux et à nos adversaires.
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit en définitive d'un moment important, où la France fait le choix des moyens qu'elle souhaite mettre à disposition de ses soldats pour garantir sa sécurité aujourd'hui et demain.
Je commencerai par vous dire que les différents postes que j'ai occupés au cours de ma carrière m'ont conduit à plusieurs reprises à participer à la construction de lois de programmation militaire, depuis l'officier traitant en état-major jusqu'au chef d'état-major. Ainsi, je dois en être à ma cinquième LPM. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, je ne participe pas à la construction d'une loi de programmation militaire de déflation. Je tenais à le souligner. Aussi, je ne vous cacherai pas ma satisfaction à l'égard des travaux de programmation dont nous examinons le résultat aujourd'hui. Ils traduisent la volonté du président de la République d'une remontée en puissance de notre système de forces.
Les aviateurs ont pleinement conscience de l'effort que la Nation consent aujourd'hui à sa défense. Ils sauront mobiliser leur capacité d'adaptation pour exploiter au mieux les ressources qui leur sont confiées, car ces ressources inscrivent l'armée de l'air sur la voie de la régénération et de la modernisation, et permettent aux hommes et aux femmes de l'armée de l'air de regarder l'avenir avec confiance.
Avant de vous présenter les différents éléments de l'armée de l'air, mais aussi la façon dont la LPM traduit l'ambition décidée par le président de la République à la suite de la revue stratégique conduite à l'automne dernier, il me semble important de revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi. J'évoquerai enfin de quelle manière j'entends mettre en oeuvre dans l'armée de l'air cette loi de programmation militaire sur laquelle vous allez vous prononcer.
Pour préserver un système d'armée complet, ainsi que notre base industrielle et technologique de défense, dans un contexte de très forte contrainte budgétaire, la loi de programmation actuellement en vigueur avait fait le choix d'une série de compromis difficiles : réduction temporaire de capacités, report de modernisation ; vieillissement de nos équipements et de nos infrastructures ; diminution des stocks de rechange et de munitions ; limitation de l'activité aérienne, etc. Les importantes déflations d'effectifs, débutées avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), se poursuivaient et étaient associées à un vaste plan de restructuration.
À ce contexte est venue s'ajouter une forte pression opérationnelle, successivement : les opérations Serval, puis Barkhane, au Sahel, l'opération Sangaris en République démocratique du Congo (RCA), l'opération Chammal au Levant, puis l'opération Sentinelle, en appui des forces de sécurité intérieure sur le territoire national, à la suite des attentats de 2015. Sont venues s'ajouter également les missions aériennes, fréquentes, en Libye ou sur la façade Est de l'Europe, dans le cadre des missions de réassurance de l'OTAN, ou encore les nombreuses missions d'assistance humanitaire réalisées partout dans le monde. Et je dois également mentionner ici les actions de soutien aux exportations du Rafale, qui résultaient directement de nos choix de programmation et dont la charge, pour l'armée de l'air, s'apparente à une nouvelle mission à part entière.
Cette pression opérationnelle s'ajoutait au socle de nos missions permanentes de dissuasion nucléaire, de protection de l'espace aérien national, d'appui au service public, ou de présence et d'influence partout dans le monde. L'arme aérienne dispose en effet de cette force qui lui apporte l'agilité de son système de combat, permettant de basculer instantanément ses moyens d'une mission à l'autre, d'une région du monde à une autre, pour y faire flotter le drapeau français. C'est pour cette raison que j'insiste aussi sur ces missions de présence ou d'influence dont on parle peu.
Pour faire face à ce niveau d'engagement élevé dans la durée, l'actualisation de la LPM en 2015, puis les décisions du conseil de défense en avril 2016, ont permis d'apporter une première réponse. Cette inflexion budgétaire, indispensable à la protection des Français, a été confirmée et amplifiée grâce à la loi de finances pour 2018 que vous avez votée. Mais c'est également au prix d'efforts d'adaptation sans précédent, et j'insiste sur ce point, que les aviateurs, dans cette période, ont toujours été au rendez-vous de ces opérations sans exception. Même si tout cela ne s'est pas vu, l'armée de l'air a mobilisé ses forces vives pour faire face, dans la durée, à ces évolutions de contexte. En un mot, nous nous sommes réformés.
Nous avons ainsi pris de très nombreuses dispositions en interne. Je pense à la remise à plat de la protection de nos installations, aux efforts considérables pour améliorer la régénération de nos équipements et optimiser nos flux logistiques. Je pense aux rééquipements dans l'urgence d'appareils stockés, à la reconstitution de nos stocks de munitions, à la montée en puissance dans des temps records de la capacité Reaper ou C-130J. Je pense aussi à la réarticulation de notre dispositif « chasse » en opération extérieure à la fin de l'été 2016, pour ne citer que quelques exemples des adaptations que nous avons conduites.
Ces missions ont été réussies, tout en continuant à diminuer drastiquement nos effectifs depuis dix ans, à fermer des emprises, à chercher de nouvelles voies d'optimisation, comme la formation des pilotes de chasse, par exemple, ou à engager résolument l'armée de l'air sur la voie de l'innovation grâce au lancement de plusieurs chantiers innovants.
Je vous le dis très franchement, tout cela n'a pas été simple. Ce n'est pas un satisfecit. Je cherche avant tout à vous faire prendre conscience des capacités d'adaptation exceptionnelles dont les aviateurs ont fait preuve. Je salue leurs efforts, et je voudrais vous faire prendre conscience également de leurs qualités humaines et de leur sens des responsabilités dans cette période. Je reviendrai sur les enjeux concernant les aviateurs.
Cette situation a toutefois généré une usure et des déséquilibres dans notre modèle. Je vous les avais présentés lors de notre dernière rencontre, pour éclairer les enjeux de cette loi de programmation. Il convient aujourd'hui de restaurer la soutenabilité de nos engagements opérationnels tout en accélérant la modernisation de nos équipements.
À l'automne dernier, la revue stratégique a dressé une analyse éclairée de la situation internationale, celle d'un monde plus imprévisible, plus instable et plus violent. « Nous sommes entrés dans une ère de grande turbulence », disait récemment le président de la République. Pour faire face au terrorisme islamiste, la menace qui, ainsi que l'a dit notre ministre, « pèse aujourd'hui le plus directement sur notre territoire », pour faire face également au retour des stratégies de puissance conduites par certains États et au risque de prolifération nucléaire, la revue stratégique a identifié les défis à relever pour notre système de défense.
Pour relever ces défis, sur lesquels je ne reviens pas, le président de la République a arrêté une « Ambition 2030 » pour nos armées. Il a ainsi décidé du maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré, capable d'agir dans la durée sur l'ensemble du spectre des missions, dissuasion, protection, connaissance et anticipation, prévention et intervention – condition de l'autonomie stratégique de la France. Cette ambition suppose une remontée en puissance franche, complétée par des coopérations internationales. Elle se fixe 2030 comme horizon.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement pour l'armée de l'air ? C'est d'abord disposer à cet horizon d'une composante nucléaire aéroportée crédible, exploitant ses atouts spécifiques comme la précision, l'agilité, la capacité de pénétration, ou le caractère démonstratif qui permet le dialogue dissuasif. C'est aussi assurer, contre tout type de menace, la posture permanente de sûreté aérienne, qui sanctuarise depuis plus de cinquante ans notre espace aérien national et ses approches.
Tout en assurant la continuité de ces deux missions fondamentales pour la sécurité de notre pays, il s'agit également d'être capable d'intervenir en permanence, sous faible préavis et dans la durée, partout où la situation l'exige. Cela suppose d'une part de disposer d'une capacité d'appréciation autonome de situation — je vous invite à constater la place centrale qu'occupe dans ce domaine le renseignement aéroporté — puis de projeter, de soutenir et d'assurer la mobilité de nos forces loin du territoire national, à partir de nos bases aériennes de métropole ou prépositionnées. Cela exige par ailleurs un équilibre et une cohérence entre nos différentes flottes d'aéronefs ou systèmes : chasseurs, avions de ravitaillement en vol, avions de transport stratégiques et tactiques, avions radar, hélicoptères, drones, avions de surveillance de tout type, systèmes de commandement, moyens de transmission ou de détection, systèmes sol-air, etc.
Dans le domaine aérien, cette ambition repose donc sur un dispositif permettant d'agir sur l'ensemble du spectre des missions aériennes. Les opérations que nous conduisons démontrent ce besoin. C'est ici que se fonde ce besoin d'un modèle d'armée complet.
Cette ambition repose aussi sur une modernisation de nos équipements permettant de faire face à l'évolution des menaces. Je vous avais décrit, lors de mon audition du mois d'octobre dernier, les aptitudes-clefs propres à l'arme aérienne, indispensables à mettre en oeuvre.
Il s'agit surtout d'être capable d'acquérir, puis de conserver la supériorité aérienne, ce que nous, aviateurs, appelons la maîtrise de l'air, parce qu'elle est un préalable à toutes les opérations militaires, qu'elles se déroulent sur terre, en mer ou dans les airs. Il s'agit là d'un fait historique et d'une réalité opérationnelle. Or l'évolution des conditions d'engagement de nos aéronefs en Syrie illustre une évidence : celle d'espaces aériens de plus en plus contestés. Il y a deux semaines, un avion de chasse russe a été abattu. Le week-end dernier, un F16 israélien a été descendu ! Et je pense bien connaître l'excellent niveau opérationnel de l'armée de l'air israélienne.
Je crois simplement que nos adversaires ont compris l'avantage que nous tirions de notre puissance aérienne. Cet avantage a été démontré tout au long des crises auxquelles nous avons eu à faire face depuis près de trente ans. Depuis la première guerre du Golfe, l'aviation a apporté un atout stratégique, voire décisif, dans toutes les opérations que nous avons conduites, encore récemment face à Daech. Aujourd'hui, ces adversaires développent des stratégies de déni d'accès aux espaces aériens de plus en plus robustes. Cette tendance s'étend désormais au niveau des théâtres en raison de la dissémination de ces capacités mise en oeuvre par des acteurs régionaux. Cette contestation grandissante des espaces aériens fragilise progressivement notre capacité à entrer en premier sur les théâtres d'opérations, une aptitude intrinsèquement liée aux capacités de notre aviation de combat. J'observe également que cette contestation s'étend désormais au milieu spatial. Nous avons ici un enjeu de défense majeur pour les années à venir : conserver la maîtrise de l'air et notre aptitude à entrer de façon autonome sur un théâtre d'opérations.
Comme pour les autres armées, cette ambition repose également sur notre capacité à soutenir, seuls ou au sein d'une coalition, des opérations intenses et qui durent. La revue stratégique a parfaitement identifié cette problématique. L'exemple du Levant, où nous conduisons encore aujourd'hui une campagne aérienne de longue haleine, au sein d'une large coalition, illustre cette aptitude. Elle exige de disposer d'un réservoir de force suffisant. Cela ne concerne pas que les équipements. J'ai déjà eu l'occasion de parler à cet égard, de façon un peu technocratique, « d'épaisseur organique » suffisante. Un terme dont je revendique modestement la paternité et dont je me félicite qu'il ait fait école !
Il s'agit d'hommes et de femmes suffisamment entraînés, de capacités de régénération adaptables, de stocks de munitions, d'une logistique et d'une infrastructure adaptées sur nos bases aériennes, etc. Cette aptitude repose aussi sur la capacité à opérer et à conduire des opérations aux côtés de nos alliés. Le domaine aéronautique est de ce point de vue naturellement ouvert ce qui a permis aux forces aériennes occidentales d'atteindre un niveau de coopération élevé. C'est pourquoi entretenir un haut niveau d'interopérabilité avec nos alliés et partenaires est évidemment essentiel.
Il s'agit enfin de renforcer la permanence des actions aériennes pour être capables d'occuper les espaces aériens, mais aussi la connectivité, les capacités de recueil d'informations de nos systèmes dont la vocation est nativement – j'insiste sur ce point – le travail en réseau compte tenu des spécificités du système de combat aérien, pour acquérir une supériorité informationnelle sur nos adversaires et garder un temps d'avance dans la planification et la conduite de nos opérations. Je ne développe pas davantage ces thèmes que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous.
L'ensemble de ces éléments de contexte ou d'aptitudes à détenir constitue à mon sens la grille de lecture pour apprécier ce projet de loi de programmation militaire que je m'apprête maintenant à vous exposer pour ce qui concerne les forces dont j'ai la responsabilité.
Après des années de déflations qui ont usé notre dispositif et généré des lacunes, je considère ce projet de LPM comme une inflexion historique de l'effort consacré à la défense.
La loi de programmation militaire fait aujourd'hui le choix d'accélérer la régénération et la modernisation de nos forces. Tout comme elle fait le choix d'un effort ciblé sur l'évolution de nos contrats opérationnels, et qui s'appuie sur les enseignements tirés de nos engagements ces dernières années : deux à trois théâtres d'opérations simultanément, une dépendance vis-à-vis des capacités alliées dans le domaine du renseignement aéroporté et du ravitaillement en vol, un emploi soutenu de l'aviation de combat.
L'atteinte de ce nouveau niveau d'ambition se traduit dans cette LPM par une augmentation importante de l'effort budgétaire. Sur la période 2019-2023, les ressources des armées augmenteront ainsi de près d'un quart par rapport à la LPM en cours, avec un effort marqué au profit des équipements, de la modernisation et de la préparation de l'avenir de 34 % supplémentaires.
Sur le périmètre du budget opérationnel de programme (BOP) « Air », composé principalement des crédits d'entretien programmé des matériels, l'augmentation en moyenne annuelle de crédits budgétaires entre les deux LPM est de l'ordre de 25 % sur la période 2019-2023.
Cet effort illustre une remontée en puissance équilibrée sur les deux axes que sont la réparation et la modernisation de nos forces.
L'atteinte de cette ambition repose bien évidemment sur une exécution stricte de la loi de finances pour 2018, qui conditionnera les conditions d'entrée dans cette loi de programmation militaire. Elle repose également sur une mise à disposition conforme des ressources tout au long de la LPM. C'est pourquoi je me félicite des mécanismes de sincérisation, qui auront tendance à réduire les risques pesant sur l'exécution de cette LPM. Je pense notamment, à la réduction progressive du report de charge, au financement des surcoûts des opérations extérieures et à une meilleure prise en compte des charges induites par le soutien aux exportations de défense. J'observe également que les ressources de la loi de programmation ne reposent pas sur le recours à des recettes exceptionnelles.
Sur la base de cette trajectoire financière, la modernisation des équipements de l'armée de l'air aura sensiblement progressé en 2025. Je vous avais fait part lors de notre dernière rencontre de mes priorités, en particulier l'aviation de combat, et le besoin d'améliorer notre niveau d'autonomie vis-à-vis de nos alliés dans les domaines du ravitaillement en vol et du renseignement. J'observe que les travaux de programmation s'inscrivent dans cette perspective et font effort sur l'ensemble des cinq fonctions stratégiques auxquelles contribue l'armée de l'air. Les mesures que je m'apprête à vous décrire envoient donc un signal positif de remontée en puissance du système de combat de l'armée de l'air, dans la continuité du budget 2018 qui illustre et amorce cette modernisation, ainsi que je vous en avais fait la démonstration lors de notre précédente rencontre.
Concernant la composante nucléaire aéroportée, dont le renouvellement a été décidé par le président de la République, cette modernisation se poursuivra tout au long de la LPM, avec dans un premier temps, le passage au tout Rafale à l'été 2018, date à laquelle seront retirés du service les Mirage 2000N, et dans un deuxième temps, la rénovation du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) et l'arrivée du standard F4 du Rafale dans les forces.
Parallèlement, les études portant sur le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée qui doit intervenir après 2030 et notamment celles portant sur le missile ASN4G, successeur du missile ASMPA, se poursuivront. Ces études visent à permettre au président de la République de faire un choix d'ici 2021 sur les différentes options envisageables afin de garantir la pérennité, donc la crédibilité de cette composante.
Les forces aériennes stratégiques bénéficieront également du renouvellement des ravitailleurs C135 avec la montée en puissance de la flotte de MRTT Phénix.
Concernant les capacités de ravitaillement en vol, la LPM prévoit l'accélération des livraisons d'avions ravitailleurs Multi Role Transport Tanker (MRTT) et une augmentation de la cible à 15 appareils, soit une hausse de 25 % du format. Vous vous souvenez certainement que j'avais appelé votre attention sur cette question qui constituait une préoccupation majeure compte tenu des risques excessifs que faisait peser l'âge de la flotte C135. C'est pourquoi je me félicite de ce choix.
Il renforcera non seulement notre dissuasion, mais permettra également de redonner de la cohérence à nos capacités d'intervention et de projection. Je rappelle que ces 15 MRTT remplaceront progressivement les C135, mais aussi nos avions de transport stratégique puisqu'ils disposent de cette polyvalence.
Le premier de ces nouveaux appareils sera livré au deuxième semestre de cette année sur la base aérienne d'Istres. D'importants travaux d'infrastructure y sont actuellement conduits pour permettre l'accueil de cette capacité très attendue. Les équipages et mécaniciens ont déjà entamé leur transformation.
Dans le domaine du renseignement aérospatial, l'armée de l'air bénéficiera d'un très net renforcement de ces capacités, gage d'une meilleure capacité d'anticipation et d'appréciation de situation.
Deux systèmes de drones Reaper de moyenne altitude et longue endurance (MALE) seront livrés en 2019, en complément des deux déjà en service. Nous serons alors en mesure d'armer deux théâtres simultanément, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Dans le même temps, les études menées en coopération avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie sur le drone MALE européen se poursuivront avec pour objectif la livraison du premier système à l'horizon 2025. Au-delà des capacités de renseignement, ce programme permettra de renforcer l'autonomie collective de l'Europe sur ce segment clef.
À l'horizon 2030, les capacités drones MALE de l'armée de l'air auront été ainsi multipliées par quatre par rapport à celles détenues actuellement. Je pense que cela mérite d'être souligné.
Au même horizon, l'armée de l'air disposera également de huit avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) et de trois aéronefs de renseignement électromagnétique, il s'agit du programme de charge universelle de guerre électronique (CUGE), en remplacement des deux Transall Gabriel, dont le retrait de service est programmé au plus tard en 2025 compte tenu de l'âge de cette flotte. Je salue ici également les efforts consentis à ces moyens de surveillance aéroportés essentiels à nos opérations : quadruplement de la flotte ALSR, augmentation de 50 % de la cible CUGE.
Pour être complet s'agissant des moyens de surveillance, j'ajoute enfin que le domaine de la surveillance de l'espace exo-atmosphérique verra la modernisation des moyens de veille des orbites basses avec les radars GRAVES et SATAM – acronymes respectifs de « grand réseau adapté à la veille spatiale » et de « système d'acquisition et de trajectographie des avions et des munitions ».
Drones, ALSR, CUGE pour le renseignement d'origine électromagnétique : les efforts considérables consacrés à ces capacités démontrent l'importance du renseignement aéroporté. C'est un fait, il est toujours plus facile d'observer de haut ! Tout ceci répond de manière très concrète à la volonté de renforcer nos capacités de renseignement et ce faisant notre autonomie stratégique. J'observe incidemment que ces capacités de renseignement réduiront notre dépendance aux capacités alliées tout en contribuant également au renforcement de la fonction prévention.
Le renouvellement de notre aviation de transport tactique se poursuivra avec la poursuite de la montée en puissance des flottes A400M et C130J, ainsi que la rénovation de nos C130 H. Vingt-cinq A400M et quatre C130J auront été livrés en 2025. J'ajoute que les deux derniers C130J livrés l'année prochaine disposeront d'une capacité de ravitaillement en vol, qui sera particulièrement utile à la composante hélicoptère de nos opérations spéciales. Vous connaissez l'importance que j'attache à cette amélioration pour accroître les possibilités d'action et l'agilité de nos forces spéciales air. Nos équipages d'hélicoptères sont déjà qualifiés, mais nous sommes aujourd'hui dépendants de moyens de ravitaillement alliés, ce qui présente une difficulté compte tenu de la sensibilité des missions dont il s'agit.
Je me réjouis par ailleurs que la loi de programmation initie également le remplacement des C130H, dont l'exploitation est prévue jusqu'à la fin de la prochaine décennie.
La remontée en puissance de nos capacités de transport aérien tactique repose aussi sur l'amélioration de la disponibilité de l'A400M et l'amélioration rapide de ses fonctionnalités tactiques. Cet avion a montré toute sa plus-value lors de la crise de l'ouragan Irma, en ralliant les Antilles en dix heures de vol sans escale. Il s'agit d'une capacité unique qui nous permet de penser différemment la réactivité de nos forces puisque nous sommes capables de projeter sur un autre continent des moyens et des forces sur tout théâtre depuis la métropole en moins de 24 heures.
Je vous avais fait part de ma préoccupation concernant la faible disponibilité de la flotte A400M. J'attends des efforts de la part de l'industriel pour que le plan d'action global que l'armée de l'air a initié porte rapidement ses fruits.
Sur le segment des hélicoptères de manoeuvre de l'armée de l'air, le renouvellement de nos capacités interviendra d'ici la fin de la prochaine décennie avec une commande en 2023. S'agissant en particulier des Caracal, la commande de l'appareil détruit en opération est envisagée en 2018, en attendant le regroupement programmé de cette flotte que son faible nombre rend, à mon sens, nécessaire.
S'agissant du segment des hélicoptères légers, je parle ici du projet d'hélicoptère interarmées léger (HIL), le calendrier pour l'armée de l'air nous donne le temps de la réflexion.
L'aviation de combat connaîtra : la reprise des livraisons de Rafale, pour 27 appareils ; la commande d'une nouvelle tranche de trente Rafale en 2023 afin de compenser le retrait programmé des Mirage 2000-5 après 2025 ; l'entrée en service d'un nouveau standard Rafale ; la modernisation de 55 Mirage 2000D ; le lancement des travaux de renouvellement de la composante nucléaire aéroportée.
Vous connaissez la priorité que j'accorde à ce domaine ; la description du contexte que j'ai faite permet de la justifier. L'ensemble de ces dispositions permettra d'atteindre un format modernisé de 185 avions de combat polyvalents au-delà de 2030.
Notre modèle d'aviation de combat repose en effet sur la pleine exploitation de la polyvalence du Rafale, qui permettra à terme de rejoindre le format cible de 185 avions de chasse. C'est pourquoi nous conserverons un format supérieur, d'environ 210 appareils dans les années à venir.
Afin de renforcer l'efficacité opérationnelle de notre aviation de combat, un effort sera également fait sur les munitions : remontée vers les stocks objectifs de munitions air-sol ; rénovation à mi-vie des missiles de croisière SCALP — acronyme de « Système de croisière conventionnel autonome à longue portée » — ; mise en service du missile air-air longue portée METEOR dont la cible sera augmentée ; commande des premiers missiles air-air MICA NG.
L'effort portera aussi sur les équipements de mission. C'est indispensable pour renforcer la cohérence de notre aviation de combat. Les livraisons de nouvelles nacelles de désignation laser TALIOS débuteront en fin d'année 2018 et un complément d'équipements pour le Rafale sera également commandé, comme des antennes actives supplémentaires par exemple.
Concernant l'aviation de combat, cette loi de programmation militaire sera enfin, et surtout, marquée par les ambitieux travaux visant à étudier l'architecture puis à lancer le développement du futur système de combat aérien dans le cadre d'une coopération européenne. Il s'agit d'un vaste chantier, d'un chantier d'une importance majeure en raison du contexte, car la question du futur de notre aviation de combat, comme je le répète souvent, est un sujet stratégique pour notre défense et, plus largement, pour notre pays. L'aviation de combat constitue en effet un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité.
J'observe que les aviations de combat interviennent de façon décisive dans toutes les crises et pèsent sur les rapports de force entre les puissances. Le développement de stratégies de déni d'accès illustre cette situation que les derniers événements en Syrie et de façon générale au Moyen-Orient ne font que confirmer.
J'observe également que tous les grands pays actuellement investissent massivement dans des capacités de dernière génération. Portés par une ambition stratégique, la croissance économique ou en réaction à un réflexe obsidional, de nombreux États accélèrent le développement de leurs capacités aériennes. Je pense évidemment aux Américains, mais également aux Russes, aux Chinois, aux pays du Moyen-Orient. La Russie accélère la modernisation et le renouvellement de sa flotte et alignera en 2030 près de 1 000 avions de chasse de nouvelle génération. Plus près de nous, plusieurs de nos partenaires européens se sont déjà engagés alors que des opportunités existent pour fédérer les besoins restant encore à couvrir chez les autres.
La France a un rôle à jouer dans cette compétition. La relance des investissements dans ce domaine nous permettra de tenir notre place dans cette compétition stratégique, aux côtés de nos partenaires européens. Aussi je me félicite que le projet de LPM prenne la mesure des enjeux liés au futur de notre aviation de combat et initie ses travaux essentiels, autant pour nos opérations, notre sécurité, pour la place de notre industrie de défense, que pour le rang que nous entendons tenir et conserver. Les enjeux dans les espaces aériens que je vous ai décrits justifient cette priorité.