M'étant déjà exprimé dans une audition précédente, je ne reviens pas sur les approches à privilégier pour progresser dans ce dossier complexe où s'entrelacent des dimensions politiques, opérationnelles, technologiques, budgétaires, industrielles et internationales.
Les études relatives au futur missile de croisière et au remplacement de la flotte d'AWACS – acronyme de Airborne Warning and Control System, soit « système de détection et de commandement aéroporté » –, qui seront lancées dans cette LPM, devront également s'inscrire dans cette approche système, en cohérence avec les travaux sur ce dispositif de combat aérien futur qu'elles viendront compléter.
Les équipements sont une chose importante pour une armée technologique comme l'armée de l'air. Mais ils n'ont évidemment aucun sens sans les hommes et les femmes qui les mettent en oeuvre.
À cet égard, l'activité et le fonctionnement sont des domaines sensibles, car ils ont un impact immédiat sur le niveau de préparation des forces et sur le moral du personnel. La préparation de nos forces est garante de ce qui distingue l'armée de l'air française et, de façon générale, nos armées. Elle apporte cette « épaisseur opérationnelle » qui fait la différence sur le terrain et l'admiration de nos partenaires. Nous pouvons légitimement en être fiers. Au coeur du moral du personnel se situe le sentiment de pouvoir réussir sa mission ; cela est d'une extrême importance. Voilà pourquoi l'activité des forces est si importante.
L'activité aérienne de l'armée de l'air augmentera tout au long de la loi de programmation d'environ 2,6 % par an, avec un effort particulier sur l'activité transport et de surveillance et de reconnaissance. Cette tendance permettra de rejoindre progressivement les normes d'activité en vigueur.
Qu'il s'agisse de l'aviation de chasse, de l'aviation de transport ou des hélicoptères, nous avons programmé une activité aérienne réaliste et adaptée, qui tient compte du potentiel technique de nos flottes et de la remontée progressive de la disponibilité de nos aéronefs.
Cette programmation s'appuie également sur un retrait partiel de la flotte C160 Transall dont les coûts d'exploitation deviennent excessifs compte tenu de l'âge de ces aéronefs. Cette disposition permettra une bascule d'effort pour favoriser la montée en puissance des flottes A400M et C130.
Cette programmation s'appuie enfin sur la modernisation de la formation des équipages chasse, permise par l'arrivée cette année des premiers PC21 sur la base aérienne de Cognac, synonyme d'une profonde manoeuvre de restructuration qui verra d'ici 2021 l'arrêt de l'activité Alpha Jet et la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne de Tours. La question du remplacement de nos Alpha Jet se pose à terme. Je me félicite que cette LPM lance d'ores et déjà les études relatives au remplacement de cette flotte à l'horizon 2030. Les premiers retours d'expérience concernant l'emploi des PC21 nous seront utiles pour orienter ce chantier.
À partir de ces éléments, j'estime atteignable l'objectif d'une recapitalisation de l'ensemble des savoir-faire critiques à l'horizon de 2023.
Dans ce contexte, vous comprenez l'importance du chantier lancé par la ministre des Armées relatif au maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs du ministère. L'amélioration de la disponibilité et surtout une meilleure efficacité de la dépense me paraissent des conditions indispensables à l'atteinte de ces objectifs de remontée d'activité.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer devant votre commission sur ce sujet important. Les axes dont je vous avais parlé rejoignent ceux identifiés dans le cadre de ce chantier.
La situation dans laquelle nous nous trouvons résulte d'une multitude de facteurs : opérationnel, organisationnel, industriel, choix de programmation ainsi que d'une inadéquation dans les LPM précédentes entre les ressources consacrées et les besoins d'activité, opérations comprises.
Aussi je salue l'augmentation sensible des ressources consacrées à l'entretien programmé des matériels dans ce projet de LPM. Avec une augmentation de 33 % en moyenne de ces crédits, nous nous mettons en mesure de corriger la situation.
La création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et les évolutions décidées récemment par la ministre des Armées constituent le pendant organisationnel de ces efforts budgétaires visant à rationaliser le MCO aéronautique. La DMAé, aura la responsabilité de poursuivre les travaux initiés par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). Je pèserai de tout mon poids pour accompagner, à mon niveau, cette réforme ambitieuse décidée par notre ministre afin qu'elle porte les fruits attendus. C'est évidemment indispensable.
C'est indispensable pour permettre à nos équipages d'exploiter la pleine polyvalence de leurs appareils. C'est indispensable pour augmenter notre capacité de formation de jeunes équipages, dans le contexte d'une forte concurrence du secteur privé à laquelle sont confrontées de nombreuses armées de l'air en matière de ressources humaines. C'est indispensable pour le moral du personnel. Cette question m'offre la transition pour vous parler des effectifs.
Vous connaissez mon point d'attention en la matière. La situation dans laquelle se trouve l'armée de l'air résulte des excès des déflations des deux lois de programmation militaire précédentes. Je vous le rappelle : l'armée de l'air, à elle seule, a absorbé 50 % des déflations du ministère de la LPM en vigueur. J'ai donc besoin de réparer ces excès en portant une attention aux spécialités que cette situation a placées en difficulté : personnel mécanicien et naviguant, forces spéciales, contrôleurs aériens, spécialistes du commandement et contrôle ou du renseignement, de la sécurité protection, des systèmes d'information, en particulier.
Il faut également couvrir dans le même temps les besoins nouveaux résultant des choix de cette LPM : MRTT, A400M, C130J, drones MALE, ALSR, CUGE, mais aussi renforcement des forces de présence et de souveraineté, cyber, spatial, OTAN, chaine d'organisation territoriale interarmées de défense.
Il s'agit de réduire les tensions issues de ces déficits humains pour maîtriser les conséquences qui en résultent sur la capacité de l'armée de l'air à durer, à fidéliser son personnel et, in fine, à garantir une attractivité suffisante : en un mot, les capacités opérationnelles de demain. L'enjeu est tout simplement de maîtriser les équilibres du modèle de ressources humaines de l'armée de l'air.
Le projet de loi de programmation militaire prévoit une augmentation des effectifs du ministère de 6 000 postes sur la période 2019-2025, dont la moitié sur la période 2019-2023. Il s'agit là encore d'une inflexion remarquable en comparaison des LPM précédentes, alors que l'État cherche à réduire dans le même temps les effectifs de la fonction publique. J'y vois également la reconnaissance des tensions dont je vous avais fait part. Aujourd'hui, le travail se poursuit au sein du ministère pour ventiler cette ressource entre les différents employeurs. En outre, vous savez que Mme la ministre a décidé de lancer une revue des effectifs au sein du ministère.
En fonction des arbitrages rendus et du séquencement des augmentations d'effectifs dont l'armée de l'air bénéficiera, je serai en mesure de dire quels sont les leviers d'action qu'il sera nécessaire de mobiliser en interne et que je pourrai être amené à proposer à notre ministre. En toutes hypothèses, je poursuivrai la recherche de toutes les solutions envisageables afin de desserrer la contrainte RH. Le travail se poursuit au sein de mon état-major.
Après les rationalisations effectuées ces dernières années, j'ai bien conscience, toutefois, que ces marges de manoeuvre interne sont désormais limitées. C'est pourquoi j'ai aussi besoin de davantage de souplesse en gestion – je pense au dépyramidage, au contingentement des tableaux d'avancement, etc. – pour fluidifier les processus RH. L'augmentation des effectifs officiers constitue par exemple un point d'attention, compte tenu des spécificités du modèle RH de l'armée de l'air et du cumul de sollicitations et de responsabilités qui s'exercent sur cette population.
Sur le volet de la condition du personnel enfin, je me félicite des efforts déjà réalisés : plan d'amélioration de la condition du personnel militaire (PACP) ; parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), etc., ainsi que le plan « Famille » dont je salue l'initiative prise par notre ministre. Avec les commandants de base aérienne qui sont mobilisés, je mettrai en oeuvre ce plan qui répond aux attentes des aviateurs. En outre, de nouvelles mesures ciblées en faveur des spécialités les plus fragiles pourraient s'avérer nécessaires, dans l'attente de la mise en place de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).
Il faut comprendre que la condition du personnel est un tout. La perception par le personnel de ses conditions de vie et de travail dépend en effet de nombreux facteurs : la rémunération, bien sûr, et la reconnaissance que l'institution leur témoigne en compensation de sujétions spécifiques ou l'équité de traitement, mais aussi leur rythme de travail, l'équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle, la qualité des infrastructures mises à leur disposition, la qualité de leur préparation opérationnelle, le sentiment d'avoir les moyens de réaliser sa mission et d'être correctement soutenu pour se consacrer pleinement à ce pourquoi ils se sont engagés. Tout ceci joue aussi pleinement sur le moral.
C'est pourquoi l'augmentation des ressources consacrées à l'infrastructure et aux soutiens aura également un effet positif. Je me félicite de la même manière du travail lancé par le chef d'état-major des armées afin de mieux organiser l'activité des soutiens sous les ordres des responsables des missions opérationnelles, et donc pour l'armée de l'air des commandants de base aérienne.
Pour l'ensemble de ces raisons, cette LPM à « hauteur d'homme », fait de la condition du personnel un enjeu central de l'efficacité de notre système de combat. J'en suis pleinement satisfait car je sais combien les aviateurs et leurs familles y seront sensibles. Je sais aussi combien leur moral contribue à leur efficacité au combat.
En définitive, je considère l'enjeu des ressources humaines de l'armée de l'air comme le plus important des années à venir : il faut en être convaincu, elles sont la clef de nos capacités opérationnelles et elles distinguent l'armée de l'air française.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi de programmation militaire est ambitieux pour nos armées, et pour l'armée de l'air en particulier. Il porte la double ambition de redonner aux aviateurs les moyens de réussir leur mission dans la durée et de préparer l'avenir pour permettre demain à la France de tenir son rang en continuant à exploiter, à son avantage, les atouts décisifs de la troisième dimension. En ce sens, il constitue une réponse adaptée à l'ambition définie par le président de la République, et il envoie un message très positif aux hommes et aux femmes qui ont choisi de servir leur pays.
Cette LPM représente un effort sans précédent de la Nation pour son armée, un effort dont j'estime qu'il m'oblige, et tous les aviateurs avec moi. Comme je le disais au début de mon intervention, l'armée de l'air a déjà démontré sa capacité de mobilisation pour s'adapter et se moderniser. Soumise à une forte contrainte budgétaire, elle n'aurait pas pu réaliser les opérations conduites ces dernières années, sans le plan stratégique « Unis pour faire face », qui a initié sa modernisation en capitalisant sur la mise en place de plateaux d'innovation et le recours aux technologies du numérique – je pense par exemple à des projets novateurs comme Smart Base sur la base aérienne d'Évreux, ou Air Warfare Center (AWC) à Mont-de-Marsan.
Si j'estime que ce plan a atteint ses objectifs, je pense aussi qu'il nécessite aujourd'hui d'être revu, car nous entrons dans une nouvelle phase, celle de la perspective d'une remontée en puissance, et non celle d'une nouvelle déflation, pour laquelle il avait été conçu. Il y a là une différence fondamentale, qui nécessite un changement d'état d'esprit, un nouveau souffle et finalement une nouvelle philosophie. Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette LPM nécessitera de piloter simultanément de nombreux chantiers dont il faudra assurer la cohérence, car nos capacités en opération dépendent de l'avancement cohérent de ces chantiers – régénération, modernisation, remontée de l'activité, effectifs, infrastructures, transition numérique, simplification –, qui viendront s'inscrire dans les grands chantiers du ministère : MCO aéronautique, modernisation, innovation, plan familles, etc.
Je sais aussi que la dynamique qui s'amorce demandera de la persévérance, car les cycles sont longs. C'est vrai pour le MCO, mais aussi pour les ressources humaines ou encore pour les équipements. On ne répare pas vingt ans de sous-investissement et de déflation en quelques mois : c'est pourquoi, pour accompagner au mieux la dynamique positive portée par cette LPM dans une démarche volontariste, responsable et innovante, comme nous l'avons toujours fait, je lancerai dans les prochaines semaines un nouveau plan stratégique, afin de préparer l'arrivée des nouvelles capacités et garantir cette cohérence entre les nombreux chantiers de modernisation que je vais engager ou qui sont engagés au niveau ministériel. Je pense en particulier au chantier de l'innovation initié sous l'impulsion de notre ministre – un domaine, comme vous le savez, auquel j'accorde une grande importance.
Il me paraît surtout essentiel de donner un cap, une vision claire de l'avenir aux aviateurs, pour qui cette remontée en puissance suscite une attente forte. Les hommes et les femmes de l'armée de l'air seront à la fois l'enjeu, le coeur et le moteur de ce nouveau plan stratégique, qui accompagnera la remontée en puissance de notre outil de défense. Vous pouvez compter sur ma détermination et l'énergie des aviateurs.
De l'énergie, les aviateurs n'en manquent pas, croyez-moi ! Nos succès en opération, mais également les efforts considérables d'adaptation réalisés ces dernières années, reposent sur leurs épaules et sur celles de leurs familles. Je connais bien leur sens du devoir, leur force morale, leur capacité à surmonter les épreuves, leur enthousiasme aussi et leur volonté d'aller de l'avant, qu'il faut nourrir et ne pas décevoir. Toute leur énergie est tournée vers la réussite de la mission, tel est le véritable ressort de leur motivation. Soyez assurés de leur engagement à servir la France, tout simplement.
C'est pourquoi je n'ai aucun doute sur leur capacité à relever les défis exaltants qui se présentent à nous, portés par une LPM de renouveau et à hauteur d'homme qui leur permet de regarder l'avenir avec confiance.