Nous n'allons pas nous arrêter là : nous sommes en effet tout à fait conscients que le cadre que j'ai essayé de décrire, déjà rassurant bien que relativement méconnu, doit encore être renforcé, notamment en matière de transparence et de meilleure compréhension. Nous avons, pour ce faire, identifié trois pistes de progrès, déclinées en propositions que nous sommes en train de porter au niveau gouvernemental.
Le premier domaine est le renforcement de la recherche, de la production de connaissances et de données et de la reconnaissance de l'expertise dans la carrière des chercheurs. Je suis intervenu à plusieurs reprises sur ce thème au cours des derniers mois. Nous sommes ainsi porteurs d'une proposition de création d'un fonds inter-agences pour permettre de financer de grandes études destinées à venir en appui à l'évaluation de risques. Les États-Unis disposent, depuis les années 1985, d'un national toxicology program (NTP), cofinancé par la FDA, le NIH et l'Agence de l'environnement : ce sont ainsi quelque 150 millions d'euros en moyenne qui, depuis trente ans, sont consacrés au financement d'études transversales de grande ampleur, sur des domaines de forte incertitude comme les radiofréquences, les OGM ou les produits phytosanitaires.
Nous avons, en France, une vraie carence en matière de toxicologie et d'écotoxicologie : la communauté scientifique impliquée dans ces questions est trop faible. Même si les alliances AllEnvi et Aviesan ont pris des initiatives et fait des propositions dans ce domaine, nous rencontrons des difficultés à augmenter la taille de cette communauté. Il existe de réelles compétences sur le territoire national, comme à l'IRSET à Rennes, mais cela reste encore trop limité : il est très difficile de mobiliser les scientifiques sur ces domaines.
Ceci est également vrai au niveau européen. Même si ces questions de santé environnement sont intégrées en partie dans le programme Horizon 2020, elles occupent une place encore relativement faible par rapport aux enjeux sociétaux en matière de santé environnement et de santé au travail. La recherche dans ces domaines doit être amplifiée. Le fonds que nous proposons de créer serait cofinancé par les agences communautaires et les agences des États membres capables de réaliser de grandes expertises et, à l'instar du NTP aux États-Unis, nous permettrait de financer soit des travaux de confirmation sur des sujets de forte incertitude comme la génotoxicité du glyphosate, soit des études permettant d'anticiper des risques liés à des technologies ou des produits nouveaux avant qu'ils n'arrivent sur le marché. Il s'agirait d'accompagner l'innovation sur des sujets de forte incertitude : lorsque des produits sont sur le marché et génèrent de fortes réactions, nous manquons en effet d'arguments permettant de répondre à ces interrogations. Il faut donc que ces travaux soient effectués parallèlement au développement de l'innovation et non ultérieurement.
Le deuxième axe vise à progresser sur l'optimisation et l'harmonisation, au plan international, des processus d'évaluation de risques. Nous sommes ainsi porteurs d'un ensemble de pistes de réflexion sur l'intégration des approches de multi-expositions, l'amélioration des études de danger, les tests d'évaluation des effets des substances, la classification des dangers, l'harmonisation des référentiels.
Le troisième axe de progrès concerne évidemment le dialogue, la transparence, notamment en matière d'accès aux données publiques et privées, issues de la recherche publique ou des industriels. Des efforts doivent être accomplis pour reconquérir la confiance parfois perdue de l'opinion publique vis-à-vis de l'évaluation et de l'expertise, cela étant en partie lié à un sentiment d'obscurité par rapport aux données de base.