Intervention de Roger Genet

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 10h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Roger Genet, directeur général de l'ANSES :

Je ne veux pas monopoliser la parole et vais laisser mes voisins s'exprimer. Permettez-moi simplement quelques mots, en guise de chapeau à leurs réponses.

Il est exact que nous sommes confrontés, à l'ANSES et plus largement dans le milieu scientifique, à une question de formation et d'information du public. Il est toutefois évident que cela prend des proportions particulières sur les sujets de santé environnementale. Nous avons indéniablement besoin de médiateurs : il s'agit en effet d'exposer le résultat d'expertises sans trahir l'expression scientifique stricte et rigoureuse de nos avis, tout en employant un vocabulaire compréhensible par tous. Ces médiateurs sont non seulement les médias, mais aussi tous les relais de la société, dont les organisations de culture scientifique et technique, les associations, les ONG, les groupements professionnels. Nous nous employons ainsi à être présents partout et à dialoguer, même s'il nous arrive parfois de rencontrer quelques difficultés, lorsque nous recevons, par exemple, des organisations professionnelles qui, à peine sorties de l'entretien, publient des communiqués exprimant un désaccord avec nous, alors même que les discussions avaient été très cordiales et laissaient supposer que nous étions d'accord sur le sujet considéré. Nous nous trouvons ainsi confrontés à une forme de posture de la part des diverses parties prenantes. Il nous apparaît toutefois toujours positif, à moyen et long termes, de diffuser de l'information. Ceci nous prend beaucoup de temps et nous sommes pleinement conscients du déficit qui existe, aujourd'hui encore, dans ce domaine.

J'en viens à présent aux questions de risque. L'exemple d'Agrican montre effectivement que la santé des agriculteurs apparaît meilleure que celle de la moyenne de la population française. Il faut souligner qu'il s'agit d'une population extrêmement active, qui bouge beaucoup. Ceci ne signifie pas pour autant qu'il n'existe pas de facteurs de risque spécifiques, y compris liés à l'exposition aux produits phytosanitaires. Il est important de considérer l'ensemble des facteurs. Il est clair que l'on dispose, notamment sur cette question, d'un besoin de suivi de l'exposition professionnelle. Gérard Lasfargues, qui est PU-PH en santé au travail, interviendra plus précisément sur cette question.

De façon très générale, nous travaillons au niveau européen et international sur toutes nos grandes évaluations de risques, et questionnons en premier lieu, lorsque nous lançons une étude, nos agences partenaires. En effet, nous ne nous inscrivons pas, comme dans le domaine de la science, dans un contexte de compétition pour prendre des brevets et faire de l'innovation : nous sommes là pour approcher une certaine vérité, dans une situation d'incertitude. Nous examinons donc systématiquement les travaux déjà conduits par nos partenaires, le socle de littérature existant sur un sujet donné et travaillons à le compléter. Nous révisons par ailleurs régulièrement nos propres avis sur un certain nombre de sujets, comme l'effet des radiofréquences, en tenant compte des études menées par les autres et des publications les plus récentes. C'est la raison pour laquelle il est envisageable de tendre vers une harmonisation.

Ceci n'empêche pas que, parfois, sur des sujets comme celui du bisphénol par exemple, l'agence française soit très en avance et dispose, sur la base de travaux conduits par des équipes françaises, d'un niveau de conviction d'un risque perturbateur endocrinien. Dix ans après que nous nous soyons exprimés à ce propos, un vote unanime de tous les pays européens a eu lieu l'année dernière en faveur d'un retrait du bisphénol des tickets de supermarchés, des contenants alimentaires, etc. Nous pouvons donc parfaitement être promoteurs en termes d'alerte et conduire nos propres travaux. Le fait que nous ne soyons pas tous d'accord n'est pas nécessairement problématique. C'est la base même de la science : la bonne controverse fait progresser les connaissances et n'est pas antinomique avec la prise de décision, à partir du moment où l'on explique les éléments sur lesquels elle se fonde. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce qui constitue la différence d'appréciation entre le CIRC et les autres agences européennes sur la question du glyphosate. C'est en effet à partir de cette base de divergence qu'il faut comprendre et appréhender l'appréciation du risque, sachant que le désaccord portait sur le niveau de danger.

Les réponses aux questions que vous avez posées sont complexes. S'agissant des évaluations de risques, des produits réglementés et des différentes classes de produits réglementés, le rôle des agences nationales, européennes ou internationales n'est pas le même. Tout dépend des process. Toutefois, il est clair que nous sommes en contact régulier avec l'EFSA et l'ECHA, par exemple, avec lesquelles nous avons, deux fois par an, des réunions de direction au cours desquelles nous échangeons sur nos priorités, pointons les éléments sur lesquels nous souhaitons progresser ensemble, discutons de la présence de nos experts dans leurs panels. En effet, des agents de l'ANSES sont présents dans ces panels, à titre individuel, c'est-à-dire non en tant que représentants de l'Agence mais en leur qualité d'experts internationaux.

Nous nous employons à mobiliser tous les organismes de recherche en France puisque nous coordonnons un réseau qui réunit les organismes de recherche, les universités et les autres agences dans nos domaines d'expertise, pour faire en sorte qu'eux aussi répondent aux appels d'offres visant à envoyer des experts dans les panels européens. Cela permet, en effet, de faire avancer les questions avec une vision de la science française. Ce réseau, dénommé R31 dès notre décret fondateur de 2010, est relativement méconnu et précédait les alliances de recherche : il s'agit d'une coordination de l'ensemble des organismes de recherche, que nous réunissons trois fois par an. Nous avons, par exemple, beaucoup travaillé dans ce cadre sur les chartes de l'expertise, sur la déontologie, sur la mobilisation de l'expertise sur l'évaluation de risque, dans les domaines de compétences de ces organismes.

Françoise Weber va maintenant intervenir sur la question des produits réglementés et sur le lien avec nos agences partenaires au niveau européen (ECHA et EFSA), puis Gérard Lasfargues, sur le glyphosate et l'évaluation des risques.

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