Cette présentation est une première en commission des finances. La mission que j'ai l'honneur de présider et que rapportera Bénédicte Peyrol compte sept membres issus de chaque groupe parlementaire, les autres participants étant Jean-Paul Mattei, Lise Magnier, Valérie Rabault, Éric Coquerel et Fabien Roussel.
Les derniers travaux sur ces sujets remontent à 2013. La mission présidée par Éric Woerth et rapportée par Pierre-Alain Muet s'était attachée à décrire en détail les mécanismes d'évasion et d'optimisation fiscales et avait formulé de nombreuses propositions, certaines traduites dans la loi de finances pour 2014. Il est apparu non seulement utile, mais aussi nécessaire, de lancer une nouvelle mission sur ces sujets car nous avons connu de nombreuses évolutions depuis 2013.
Tout d'abord, les révélations médiatiques se sont multipliées : Panama Papers, Paradise Papers et autres. En outre, des travaux internationaux, notamment ceux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le cadre du projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS) ont déjà produit des résultats concrets, telle la convention multilatérale du 7 juin 2017, ainsi que des avancées en matière de transparence et d'échanges d'informations.
Les initiatives européennes se sont multipliées : directive établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite « ATAD » (Anti-Tax Avoidance Directive), relance opportune du projet d'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), qui intègre une prise en compte spécifique des questions liées à l'économie numérique, des pistes pour taxer les géants du Net, une meilleure appréhension des paradis fiscaux ou encore un encadrement des intermédiaires fiscaux.
Les réformes nationales sont parfois allées dans le bon sens – c'est le cas de l'évolution législative aux Pays-Bas –, parfois dans un sens plus inquiétant, comme la réforme fiscale américaine ou les conséquences potentielles du Brexit sur la fiscalité.
Nous nous trouvons donc au coeur d'un momentum propice à des avancées ambitieuses pour apporter à nos concitoyens une réponse volontariste et efficace aux comportements dommageables qui conduisent certains à échapper à leurs obligations fiscales.
Nous avons décidé d'axer les travaux de la mission sur l'évasion et l'optimisation internationales auxquelles se livrent les entreprises en matière d'impôt sur les bénéfices. La fraude proprement dite – violation délibérée et intentionnelle des normes –, n'est pas dans le spectre de la mission dans la mesure où elle est déjà bien fléchée et fera prochainement l'objet d'un projet de loi.
Comment imposer les multinationales du numérique – Google, Amazon ou Airbnb – qui n'ont pas de présence physique et exploitent les lacunes d'un système fiscal dépassé ? Comment valoriser des transactions, notamment lorsqu'elles portent sur des actifs non comparables ? Comment lutter contre les sociétés offshore et la localisation artificielle de bénéfices sous des cieux fiscaux cléments, loin du lieu de création de valeur ? Comment éliminer l'exploitation des conventions fiscales pour bénéficier d'avantages indus par des montages sophistiqués ? Comment garantir l'obtention de données fiables et leur exploitation utile ? Comment assurer à notre administration des moyens adéquats et une organisation optimale pour mener à bien ses missions ? Quels sont ses besoins ?
C'est pour apporter des réponses à ces questions et proposer des outils concrets que la mission conduira ses travaux, par le biais d'auditions les mardi et jeudi matin, voire de déplacements. Elle associera l'ensemble des acteurs et spécialistes de la question : OCDE, Union européenne, cabinets ministériels, administrations fiscales française et étrangères, services de contrôle, responsables informatiques, juges, cabinets de conseil, avocats, universitaires, directeurs fiscaux d'entreprises – tous ceux dont le point de vue et l'expérience favoriseront l'émergence d'une vision claire du sujet et de suggestions utiles.
Ces travaux pourront faire l'objet de bilans intermédiaires. La mission a prévu de rendre ses conclusions entre fin juin et mi-juillet.