Intervention de Olivier Gaillard

Réunion du mardi 13 mars 2018 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Gaillard, rapporteur pour avis :

. Quelle est la fonction d'une loi de programmation militaire (LPM) ? Lorsqu'on examine un texte, il est toujours utile de se rappeler sa raison d'être. La loi de programmation militaire, création gaullienne des années soixante, a été conçue comme un outil financier. Elle ne constitue pas une simple énumération de voeux. Elle doit s'inscrire pleinement dans le mécanisme budgétaire, en établissant une programmation pluriannuelle des dépenses de l'État en matière militaire.

La position d'infériorité de la LPM par rapport à la loi de finances annuelle, l'évolution de la conjoncture économique et budgétaire et les choix politiques relatifs au domaine militaire expliquent que les lois de programmation militaire souffrent de sous-exécution depuis des années. Elles sont devenues, par la force des choses, des lois de programmation de la survie d'un modèle d'armée de plus en plus en tension, les restrictions budgétaires étant couplées à une suractivité opérationnelle.

Malgré les baisses successives d'effectifs et de budget de la mission Défense, notre pays a continué à utiliser activement ses hommes et ses équipements militaires à des fins opérationnelles et stratégiques. Son modèle militaire ne stationne pas : il est éprouvé quotidiennement, en décalage avec l'évolution des effectifs et la modernisation des équipements.

C'est pourquoi cette LPM fait le choix d'une inflexion stratégique duale. Tout en étant « à hauteur d'homme », elle n'est pas sans ambition, au contraire. Il s'agira de disposer en 2030 d'un « modèle d'armée complet et équilibré ». Pour ce faire, elle répond aux besoins opérationnels immédiats – régénérer les hommes et les matériels, accélérer les programmes –, tout en améliorant la sincérité des budgets à venir et en fixant les grandes orientations dans le domaine de la dissuasion, du renseignement, de la lutte cyber et de l'innovation, pour préparer la défense de demain.

Rappelons que la loi de finances pour 2018 a augmenté de 1,8 milliard d'euros les crédits de la mission Défense. La LPM en constitue la suite logique, ses grandes trajectoires financières étant ascendantes jusqu'en 2025. L'effort de défense sera progressivement porté à 2 % du PIB, les budgets cumulés de la défense s'élevant à 295 milliards d'euros d'ici à 2025. Pour la période 2019-2022, les crédits de paiement augmenteront de 1,7 milliard par an.

Les efforts pour assainir la gestion et rendre les prévisions plus sincères sont aussi remarquables. Le report de charges sera ramené à environ 10 % de la dépense à l'horizon 2025. Lors de la loi de programmation précédente, la dotation affectée aux opérations extérieures (OPEX) s'élevait à 450 millions d'euros. Le budget 2018 l'a réévaluée à 650 millions. La LPM prévoit que cette dotation atteigne 850 millions en 2019 puis 1,1 milliard d'euros par an à partir de 2020. En cas de dépassement de ces provisions, les surcoûts demeureront couverts en gestion par le financement interministériel.

En outre, cette LPM marque une rupture avec les réductions d'effectifs qui ont tant mis à l'épreuve et épuisé notre modèle d'armée : 6 000 emplois supplémentaires sont prévus entre 2019 et 2025, dont 50 % seront consacrés à la cyberdéfense et au renseignement.

L'effort produit en faveur de l'entretien programmé du matériel doit également être souligné : 22 milliards entre 2019 et 2023, la programmation prévisionnelle s'élevant à 35 milliards pour la période 2019-2025 couverte par la LPM.

Enfin, comment ne pas saluer le soutien financier en faveur des militaires, trop longtemps négligés ? 530 millions sont fléchés vers les familles sur la période 2019-2025 – dont 300 millions déjà planifiés entre 2018 et 2022 à la suite des annonces du Plan famille.

Pour autant, il est impossible de supprimer tout aléa : la pleine satisfaction de l'objectif financier de cette programmation est donc suspendue à l'évolution du contexte macroéconomique et opérationnel. Cela étant, cette LPM se démarque par l'absence de pari sur des recettes exceptionnelles incertaines et par des provisions plus réalistes et plus robustes. Une loi de programmation reste malgré tout une loi de programmation : on ne peut en faire une loi de finances de six ans. Le cadre financier défini par une LPM, moins rigide que celui d'une loi de finances, a le mérite d'exister, avec des phases clairement définies et une première réactualisation seulement en 2021. Son équilibre général ne devrait ainsi pas être remis en cause par des réactualisations rapides, d'autant qu'elle est aussi conçue pour évoluer en cohérence avec la loi de programmation des finances publiques.

Certains éléments de programmation renvoient à des ambitions politiques dépassant le seul cadre national : ainsi la coopération européenne dans le domaine militaro-industriel. De cette coopération dépendront la courbe de croissance des dépenses militaires et la complétude de notre modèle d'armée.

J'invite la commission des finances à formuler un avis favorable, compte tenu de l'équilibre satisfaisant que le titre Ier de la LPM ménage entre les enseignements tirés de la revue stratégique et la restauration des comptes de l'État.

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