Intervention de Patrice Verchère

Réunion du mardi 13 mars 2018 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Avec cette loi de programmation militaire 2019-2025, la France a une nouvelle fois rendez-vous avec sa défense, donc avec ses armées et son industrie. L'objectif d'une LPM est d'assurer la sécurité et la défense des intérêts de notre Nation. La Cour des comptes, dans son référé du 19 juillet 2017 portant sur la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire 2014-2019 et les perspectives financières de la mission « Défense », souligne la fréquente absence de cohérence entre ambitions et moyens. Force est de constater que la loi de programmation militaire 2014-2019, à l'initiative de François Hollande et de son gouvernement, n'a pas été à la hauteur des enjeux. En effet, depuis 2014, les armées doivent faire face à un dépassement de 30 % de leurs contrats opérationnels, avec pour conséquence une attrition sans précédent du matériel et des hommes, qui ne disposent ni du temps ni des moyens nécessaires pour s'entraîner et parfaire leur formation, pourtant si utile au combat.

Face à cette tension, qui aurait dû nécessiter une réaction de votre part, la première mesure prise par Emmanuel Macron a été d'amputer le budget de nos armées de 850 millions d'euros – avec votre accord, Madame la ministre. Le dégel de 700 millions d'euros, décidé seulement quelques jours avant la fin de l'année dernière, pose un problème quant à sa réalisation effective. En effet, ne sachant toujours pas quels équipements ont été acquis entre le 28 et le 31 décembre 2017, nous ne pouvons qu'être sceptiques sur ce point. En dépit de vos déclarations et de vos explications successives, entre la suppression de 850 millions de crédits en juillet et les 700 millions de dégel – des crédits censés avoir été utilisés, sans que cela puisse être vérifié pour le moment –, 2017 aura été une année particulièrement difficile pour nos armées : cela vous a d'ailleurs valu, l'été dernier, une démission que l'on peut qualifier d'historique, celle du chef d'état-major des armées.

Le budget 2018 est une illustration complémentaire de votre intention de faire croire aux Français que le pouvoir d'achat de nos armées augmente considérablement, alors que vous avez en réalité amputé le budget de 850 millions d'euros et prélevé 250 millions d'euros pour financer les coûts des OPEX, et qu'un milliard d'euros de crédits correspondent en fait aux mesures adoptées par le Conseil de défense d'avril 2016 – le tout orchestré par une communication bien huilée. Dans un monde qui se réarme massivement, où nous devons faire face à des organisations terroristes islamistes ayant pour seul objectif l'asservissement des peuples libres comme le nôtre, cela nous paraît insuffisant.

Votre loi de programmation militaire 2019-2025 repose, quant à elle, sur une hausse budgétaire qui sera essentiellement portée par le prochain quinquennat. Si la LPM 2014-2019 s'est révélée notoirement insuffisante face aux nombreuses OPEX, avec les conséquences que l'on sait sur le niveau de préparation de nos armées et l'attrition du matériel engagé, la LPM 2019-2025 ne permet pas pour autant de rétablir la situation, compte tenu de sa trajectoire budgétaire programmée, qui reporte sur le quinquennat suivant l'essentiel de l'effort financier : 1,7 milliard par an à partir de 2019, et trois milliards par an à partir de 2023.

Cette manoeuvre, Madame la ministre, n'est pas à la hauteur des enjeux et de l'engagement de nos forces armées. Avec votre LPM, les armées financeront les OPEX, ce qui revient à renier une promesse de campagne faite par Emmanuel Macron aux Français, les yeux dans les yeux. Avec cette LPM, il renie cet engagement, puisqu'il est demandé à nos armées de financer les OPEX sur leur seul budget, ce qui représente 1,1 milliard d'euros dès le budget 2020 – selon certaines rumeurs, cela pourrait même se faire dès 2019. Une fois cette somme déduite de 1,7 milliard d'euros, il ne reste que 600 millions d'euros : nous sommes bien loin des promesses qui ont été faites !

S'il y a bien une augmentation du budget, cette augmentation est faible au regard du budget total de la défense. L'augmentation dont vous vous prévalez est survendue, l'effort principal étant repoussé après le quinquennat et dépendant de la conjoncture économique du moment. De facto, cela signifie pour nos armées autant de budget en moins pour financer le renouvellement, pourtant absolument nécessaire, de leur matériel, ainsi que leur préparation opérationnelle. Ces crédits, déjà insuffisants pour le renouvellement de notre armement conventionnel, devront en plus assurer à notre dissuasion nucléaire sa nécessaire modernisation. Si nous sommes évidemment favorables au maintien de notre dissuasion nucléaire dans ses deux composantes, comme nous l'avons toujours affirmé, force est de constater que l'effort budgétaire consacré à ce renouvellement s'élèvera à environ 25 milliards d'euros sur la seule période de 2019-2023. Cet effort absolument nécessaire diminuera, de fait, la capacité de nos forces armées à remplacer son armement conventionnel, compte tenu de la faiblesse des crédits que vous avez décidé d'attribuer à cette LPM.

De plus, l'adoption, fin 2017, de l'article 17 – ancien article 14 – de la loi de programmation des finances publiques, fait peser une grave menace sur l'exécution de votre LPM, notamment sur ses commandes. Cet article pose le principe d'une stabilisation du montant du reste à payer de l'État pour chacune des années 2018 à 2022 par rapport aux niveaux atteints en 2017. Si votre rapport annexé indique bien que la disposition concernée « ne contraindra pas les investissements du ministère des Armées », cette procédure et cette formulation ne conviennent pas à notre groupe. Les députés LR s'attacheront donc à mieux protéger nos armées lors des débats à venir car, en indexant de la sorte cette précision, sans l'intégrer aux articles de LPM, vous soumettez les commandes de nos armées au couperet de Bercy, et vous le savez très bien.

Nous regrettons également la cacophonie, pour ne pas dire l'amateurisme, qui règne au sein du pouvoir exécutif au sujet du service national universel (SNU). Dans leur rapport d'information publié le mois dernier, nos collègues Marianne Dubois et Émilie Guerel ont démontré que, quelles que soient les options qui seront retenues, ce projet présidentiel aura un coût budgétaire important. Les députés LR affirment haut et fort qu'ils s'opposeront à toute proposition qui amputerait une fois de plus le budget de nos armées et rendrait encore plus difficile la réalisation de la LPM.

En conclusion, Madame le ministre, si la LPM permettra de lancer le renouvellement nécessaire de notre dissuasion nucléaire, nous pensons qu'elle ne permettra pas de rétablir la situation de nos armées dans le cadre de leur engagement conventionnel avant 2025, laissant ainsi de fait au quinquennat suivant la charge de remettre à niveau un potentiel pourtant très largement affaibli par ces dernières années d'OPEX. Nos armées ont besoin en urgence de ces trois milliards d'euros. Votre LPM n'est donc pas à la hauteur des enjeux, ce qui est regrettable pour nos armées, engagées bien au-delà de leurs contrats opérationnels, mais aussi pour notre défense nationale, actuellement confrontée à de nouvelles menaces. Le groupe Les Républicains s'efforcera, au moyen de ses amendements, d'être force de proposition pour que cette loi de programmation militaire soit réellement utile à nos armées, à la défense des intérêts stratégiques de notre pays et à la protection de nos compatriotes.

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