En préambule, je vous remercie tous du travail que vous avez accompli ces dernières semaines. Le nombre des amendements déposés sur ce projet de loi témoigne de votre intense travail de fond. J'y vois le signe extrêmement positif que la représentation nationale s'est pleinement saisie du texte.
Quelques remarques appellent une réponse de ma part.
Je veux d'abord insister sur l'ampleur de l'effort budgétaire consenti par la nation au profit de nos armées : 198 milliards d'euros d'ici à 2023, soit une hausse de 23 % par rapport à la loi de programmation encore en cours d'exécution. L'effort total sur l'ensemble de la période de programmation s'élèvera quant à lui à 295 milliards d'euros, avec l'objectif de consacrer 2 % du PIB au budget de nos armées. Je reviendrai sur ces points, sur lesquels certains ont fait des commentaires auxquels je n'adhère pas.
Au-delà de ces moyens exceptionnels, nous avons pris des décisions. Ce n'est pas parce que des moyens sont là qu'il ne faut pas faire des arbitrages. Je les assume pleinement.
J'en rappellerai quelques-uns. Vous avez vous-mêmes salué le premier arbitrage que nous avons rendu au profit d'un projet de loi de programmation militaire « à hauteur d'homme ». Nous voulons en effet que les hommes et les femmes qui servent la défense nationale, et qui sont placés au coeur de la loi de programmation militaire, aient les moyens d'exercer leurs missions, mais aussi qu'ils puissent vivre mieux leur engagement et leur vie de famille. C'était attendu par l'ensemble de nos soldats... C'est pourquoi nous avons aussi accordé des moyens prioritaires aux petits équipements.
La loi de programmation militaire est donc bâtie sur un socle constitué d'une approche générale « à hauteur d'homme », du plan Famille et de l'effort en faveur des petits équipements.
J'assume en outre nos décisions sur le renouvellement des matériels. Beaucoup d'entre vous ont rappelé les choix faits par le passé. S'ils étaient parlementaires à l'époque, j'imagine qu'ils ont regretté devoir consentir, de manière raisonnée mais néanmoins dommageable, des réductions de capacité que nos armées ont lourdement payées.
C'est pourquoi, en renouvelant nos capacités au profit de nos trois armées –marine, armée de terre, armée de l'air – nous avons fait un choix majeur. Dans un contexte où les formats n'ont pas été augmentés pour éviter les saupoudrages inutiles, nous avons néanmoins sélectionné quelques cibles, très peu nombreuses, pour lesquelles nous avons dérogé à la règle, comme c'est le cas pour les avions ravitailleurs.
Troisième arbitrage auquel nous avons procédé : nous avons décidé de nous consacrer aux conflits de demain en investissant massivement dans le renseignement et dans la lutte pour l'espace cyber.
Évidemment, tout est sujet à discussion, et je conçois parfaitement que vous n'ayez pas tous exprimé des points de vue consensuels sur ces questions. Il y a néanmoins un terme, que je reprends totalement à mon compte et auquel nous devons tous réfléchir : celui de responsabilité. La LPM nous invite à la responsabilité, parce qu'elle va engager les moyens de la Nation qui nous sont consentis par le contribuable, sur une période longue et pour des montants très importants. Mais, et comme vous l'avez très bien rappelé, Monsieur le président, la LPM est aussi un exercice de responsabilité vis-à-vis de nos soldats et des personnels de la défense. À cet égard, si je peux tout entendre, je veux néanmoins relever certaines expressions que je ne peux accepter.
Ainsi, je ne peux accepter qu'on dise que la hausse des moyens budgétaires est faible. Personne, dans cette commission, ne peut vraiment le croire. C'est d'autant moins crédible que les moyens du ministère des Armées n'ont cessé de diminuer pendant quinze ans. J'ai eu l'honneur de vous présenter, il y a quelques mois, un projet de loi de finances pour 2018, qui opère une remontée très spectaculaire – qui sera poursuivie pendant toute la durée de la loi de programmation – des moyens et des effectifs de mon ministère. Je ne peux donc pas laisser dire que ces moyens sont faibles ou indigents.
Je ne peux pas non plus laisser dire que les provisions OPEX qui ont été prévues vont grignoter, voire consommer, l'essentiel de l'effort budgétaire consenti pendant cette loi de programmation. Vous avez dit, Monsieur Verchère, que lorsque l'on portait une provision à 1,1 milliard, et que l'on augmentait le budget d'1,7 milliard, il restait 600 millions.
Je vais me permettre de revenir sur vos propos car nous devons à nos soldats une vérité arithmétique. Les moyens supplémentaires consentis dans le cadre de cette programmation sont de 8,6 milliards. La hausse de la provision réalisée pour les OPEX sur la période 2019-2022 sera de 550 millions. Cela signifie que la consommation liée à l'augmentation de la provision OPEX est de 550 millions sur 8,6 milliards. Décidément, nous ne comptons pas de la même façon. À moins que l'un d'entre nous ne sache pas compter ?
L'instrumentalisation politique ne peut être de mise dans l'exercice qui nous réunit aujourd'hui s'agissant d'un sujet qui doit dépasser les sensibilités respectives des uns et des autres – et que je respecte. Il ne doit pas nous conduire à une pareille démagogie.
On peut avoir des interprétations différentes. Certains ont dit que l'objectif de 2 % était bon, mais pas autant qu'il aurait pu l'être parce qu'il ressemblait trop à celui fixé par l'OTAN. C'est une opinion, que je ne partage pas. L'OTAN a arrêté ce chiffre en 2006, puis en 2014. Ce n'est pas parce que d'autres que nous ont décidé de revenir dans le commandement intégré de l'OTAN que l'on a nécessairement appliqué cet objectif de 2 %. Voilà pourquoi, au moment où notre pays se fixe comme ambition de respecter ce pourcentage pour lui-même, parce qu'il considère que cela correspond aux besoins de ses armées, il ne me semble pas utile d'amoindrir cette ambition en rappelant que celle-ci correspond par ailleurs à des engagements souhaités par d'autres, et qui nous aideront peut-être à faire en sorte que la parole de la France, au sein de l'OTAN, porte plus haut et plus loin.
Il reste, comme vous l'avez dit, que ce texte nécessitera de votre part un examen scrupuleux et attentif, année après année, de l'exécution de la programmation. Vous me trouverez à vos côtés, prête à répondre à toutes les questions que vous ne manquerez pas de poser, et que je considère comme parfaitement légitimes.
Encore une fois, j'assume tous les arbitrages, qui aboutissent à un équilibre, à mon sens, très sain et très positif, entre la réparation des carences du passé et la préparation de l'avenir. Nous aurons l'occasion au cours des débats de préciser cet équilibre : l'expression de vos sensibilités respectives trouvera toute sa place.
Je suis prête à discuter avec vous des améliorations possibles à apporter. Je vous demande simplement de convenir avec moi de l'existence de cet équilibre, qui renvoie à des arbitrages, dont certains ont été délicats parce qu'ils emportent des conséquences lourdes pour nos finances publiques. À cet égard, je ne crois pas avoir consenti à beaucoup de suppressions et d'annulations. J'ai au contraire essayé de porter avec conviction, auprès du président de la République et du Premier ministre, les besoins dont nos armées se sont fait l'expression. En tout cas, j'ai la conviction que ce modèle d'armée répond à notre ambition commune : garantir la sécurité et la liberté des Français.