Le maintien en condition opération opérationnelle (MCO) de nos avions et de nos hélicoptères est un chantier pour lequel la ministre des Armées a pris des mesures fortes avec le remplacement de la structure intégrée du maintien en condition opérationelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Vous m'avez interrogé de nombreuses fois sur le taux de disponibilité de nos hélicoptères et de nos avions : il est très hétérogène, variant de 22 % à 70 %, mais il est indéniable que nous rencontrons des problèmes avec les hélicoptères. Nous pensons que la mise en place de la DMAé permettra de simplifier le paysage, notamment en matière contractuelle, et d'obtenir une meilleure efficience globale.
Le fonctionnement du MCO des bateaux par le service de soutien de la flotte (SSF) a inspiré des réflexions ayant conduit à la réforme proposée par la ministre. Le mariage entre les compétences de la marine, fondées sur la connaissance opérationnelle des équipements, et celles de la direction générale de l'armement, fondées sur une expertise technique et une expertise contractuelle, a abouti à de bons résultats : maîtrise des budgets et excellente disponibilité des bâtiments. La DMAé va reproduire cette alliance entre experts des armées et experts de la DGA et nous espérons qu'elle aboutira à un résultat comparable.
En ce qui concerne les avions de patrouille maritime, notre sujet de préoccupation immédiat est la rénovation des Atlantique 2, laquelle concernera dix-huit avions. Le premier sera prêt en 2019. Un prototype très prometteur vole déjà à Istres et nous pensons que ce nouvel avion sera très efficace, aussi bien au-dessus de l'Atlantique Nord pour chasser les sous-marins qu'au-dessus de la terre – Syrie, Irak, Sahel.
Pour la mise en oeuvre du plan « Famille », je souhaite qu'un rôle important soit donné au commandement de terrain. Les modalités du soutien moral et de l'aide apportée aux familles dans leur vie quotidienne ne doivent pas être décidées par un échelon central à Paris. Je le sais pour avoir moi-même achoppé sur cet écueil. Lorsque j'ai demandé qu'une crèche soit créée dans l'arsenal de Toulon où travaillent 20 000 personnes, il m'a été répondu qu'il s'agissait d'une très mauvaise idée car la plupart des marins n'habitent pas Toulon, où le coût des loyers est trop élevé, mais à une trentaine de kilomètres. La bonne solution consistait à passer des accords avec les municipalités où ils résident. Notons qu'à Brest la situation est totalement différente puisque beaucoup de marins habitent en ville. Il importe donc de privilégier des dispositifs locaux de proximité afin de prendre en compte les spécificités locales relatives à la garde des enfants, au logement et à l'emploi des conjoints, dont le taux de chômage est très élevé, en particulier chez les plus jeunes. Nous avons ainsi mis en place des cellules d'accompagnement à Brest, à Toulon et à Cherbourg.
Sommes-nous allés trop loin dans la réduction des équipages ? Je le confirme. Les augmentations de personnel prévues dans la LPM permettront-elles de retrouver une marge de manoeuvre ? Je le pense, compte tenu du renouvellement des équipements. Des augmentations d'effectifs permettront de combler certains déficits. Au cours des deux dernières LPM, le temps de formation a été réduit de l'ordre de 20 % et il y a des domaines où les effets ont été durement ressentis. Nous voulons réinvestir dans la formation, en agissant au stade des écoles mais aussi en réorganisant l'ensemble de la marine. Le remplacement de vieux bâtiments aux équipages nombreux par de nouveaux bâtiments aux équipages plus réduits nous permettra de dégager des marges de manoeuvre, dont je vous donnerai le détail lorsque je vous présenterai mon plan stratégique à l'automne.
En matière d'infrastructures, la loi de programmation militaire permettra à la marine de répondre aux besoins d'accueil des nouveaux sous-marins nucléaires d'attaque de classe Barracuda dans le respect des exigences de sûreté, qui imposent des travaux de mises aux normes extrêmement lourds qui s'étaleront jusqu'en 2030. Pour accueillir les nouvelles FREMM, nous avons besoin de nouveaux pontons car elles réclament une consommation électrique élevée. En outre, nous devons revoir tous les réseaux d'alimentation électrique et d'adduction d'eau des bases navales de Brest et de Toulon : ils remontent au plan Marshall et occasionnent fuites et incidents.
S'agissant de l'Europe de la défense, j'ai parlé de nos liens avec les Italiens, avec les Britanniques, et des opérations européennes auxquelles nous participons – Atalante dans l'océan Indien, Sophia en Méditerranée centrale. Au large de l'Afrique de l'Ouest, certaines opérations méritent d'être mieux coordonnées avec les Espagnols et les Portugais pour faire face à la piraterie et au phénomène de pêche illicite susceptible d'affecter la sécurité alimentaire de cette partie du continent.
Qu'il s'agisse de l'industrie, de l'entraînement, des opérations, les Européens sont nos partenaires quotidiens.
J'en viens aux aires de biodiversité. La surveillance de la biodiversité est l'une des missions que recouvre l'action de l'État en mer au même titre que le sauvetage en mer, la lutte contre la pêche illicite, la lutte contre les trafics illégaux ou la prévention et la lutte contre les pollutions. Celle-ci regroupe les moyens de plusieurs administrations – la marine nationale, les douanes, les affaires maritimes, la gendarmerie – qui sont coordonnés par les préfets maritimes de Brest, Toulon et Cherbourg ainsi que par les préfets outre-mer, qui disposent d'un conseiller ad hoc.
Dans la loi de programmation militaire, les éléments déterminants pour assurer ces responsabilités sont le renouvellement de nos moyens de patrouille outre-mer et en métropole ainsi que le déploiement de drones, qui vont nous permettre d'accroître la superficie des zones surveillées.
J'ajouterai un dernier outil, qui n'est pas mentionné explicitement dans la LPM mais que nous utilisons très régulièrement : les satellites, qui nous aident à orienter nos interventions. Nous nous appuyons sur un système de surveillance maritime dénommé Trimaran, mis au point par Airbus, qui permet de collecter toutes les images satellitaires d'une zone en particulier puis de les concaténer afin de disposer du panorama le plus large possible. Pour les Kerguelen, la chose est plutôt aisée : sept bateaux disposent d'une autorisation de pêche, et si un huitième est détecté, c'est qu'il s'agit d'un braconnier. Pour une zone beaucoup plus fréquentée comme au large de la Corse, par exemple, il faut non seulement connaître la position des bateaux mais aussi pouvoir discriminer les comportements anormaux. Dans ces cas, l'observation in situ mais aussi le recours au big data et à l'intelligence artificielle permettent de distinguer parmi les milliers de pistes obtenues grâce aux flux internationaux ou à notre propre chaîne de sémaphores, le bateau ayant un passé de pollueur, de pêcheur illégal ou bien de trafiquant. Ce sera l'une des innovations importantes dans les prochaines années.
Quant aux câbles sous-marins, nous connaissons leur localisation et c'est un élément que nous prenons en compte dans la surveillance qu'exercent nos avions de patrouille, nos bâtiments et nos sous-marins. Cela dit, comme ils traversent des océans entiers, nous ne pouvons pas les surveiller dans leur intégralité en permanence. Par ailleurs, les atteintes physiques qu'ils pourraient subir seraient détectées par les opérateurs qui en ont la charge.