Je crois qu'il ne faut pas tout attendre de la LPM. La course à l'intelligence artificielle et l'acquisition de capacités en la matière ne sont pas uniquement une question de moyens financiers. C'est une affaire d'innovation : dans ce domaine qui évolue extrêmement vite, on doit donc penser autrement. Les processus habituels d'acquisition pour les programmes d'armement ne sont pas adaptés, car on ne va pas assez vite. L'idée est de faire autrement, d'où intelligence campus et le projet « Innovation Défense ». Une demande a été adressée à la DGA, et elle s'organise en conséquence. La nécessité de consentir des efforts est reconnue partout, y compris dans la Revue stratégique, et il faut maintenant avancer concrètement.
En réponse à la question relative aux freins, je pense que l'on n'a pas nécessairement besoin de légiférer sur tout ; ce sont parfois les mentalités qui doivent évoluer. Souvent, ceux qui nous contrôlent, ou nous donnent des avis, nous signalent un risque et nous recommandent de ne pas le prendre. Certains sont payés, au contraire, pour décider et pour prendre des risques, après les avoir évalués et en les maîtrisant. Pour ma part, je suis prêt à prendre des risques dans ce cadre. Je l'ai dit, le risque zéro n'existe pas.
La création de laboratoires communs correspond tout à fait au concept qui est à la base d'intelligence campus. La DGSE et la DRSD y seront associées : ce n'est pas seulement un outil développé par la DRM pour elle-même, mais pour la communauté du renseignement, au sens large du terme, c'est-à-dire au-delà du ministère des Armées. Dans un premier temps, le projet est porté par ce ministère, car il faut bien que quelqu'un le fasse. Si l'on se place tout de suite dans un cadre interministériel, on n'avancera pas, car plus on est nombreux autour de la table, moins on y arrive. C'est pourquoi le projet commence avec la DRM et ses partenaires au sein des services de renseignement du ministère des Armées. Nous ferons, bien sûr, bénéficier les autres services des résultats, mais nous ne voulons pas, pour l'instant, qu'ils donnent un avis sur ce que nous faisons ou sur la manière de procéder. À terme, il serait opportun que ce genre d'outils existe au niveau interministériel, mais nous n'avons pas intérêt à ce que ce soit le cas au démarrage.
Que faisons-nous en matière de recrutement, de formation et de fidélisation ? Nous ne rencontrons pas de problème de recrutement, car nous sommes assez attractifs, même si nous avons des concurrents en interne, au sein des services de renseignement : certains savent mieux rémunérer leurs agents que nous. Ils versent notamment des primes dites de « confidentialité » – comme si la DRM n'avait pas, elle aussi, des contraintes en la matière. C'est une des questions sur lesquelles nous travaillons dans le cadre du CNR-LT : nous regardons comment améliorer la mobilité interservices dont je parlais tout à l'heure, en revoyant un peu tous les statuts pour essayer d'arriver à un équilibre en matière d'attractivité. Cela contribuera aussi à une meilleure coopération interservices. En ce qui concerne la fidélisation, nous nous efforçons de travailler sur les difficultés que j'ai évoquées tout à l'heure. Notre vrai point fort réside dans l'intérêt du travail et dans les profils de carrière que nous pouvons proposer. Un spécialiste de la SSI ou des réseaux peut aller travailler dans une banque, mais ce sera toujours moins intéressant que chez nous.
Quelle est la contribution de la DRM à la contre-prolifération ? Tous les aspects que vous avez cités font partie de nos missions, lesquelles sont exercées en lien avec la DGSE. Dans le domaine de la prolifération nucléaire, par exemple, la capacité d'un pays dépend du développement de l'arme elle-même, mais aussi de sa miniaturisation – elle doit être suffisante pour que la charge entre dans un vecteur, en général un missile balistique. On doit donc suivre non seulement les programmes nucléaires, en particulier la capacité à produire la matière fissile, comme le plutonium, mais aussi les programmes balistiques, en s'intéressant à la portée et à la fiabilité des vecteurs. Il faut maîtriser toute une chaîne de savoir-faire pour obtenir une capacité nucléaire opérationnelle, et chacun de ces savoir-faire particuliers entre dans le cadre de la lutte contre la prolifération et le transfert de technologies. Un autre pan de notre travail est le soutien à notre propre dissuasion. Sa crédibilité dépend de la performance de notre armement, mais aussi des défenses. Il faut que nos armes arrivent à destination sans être détruites en cours de route. Nous comparons les évolutions avec les capacités de pénétration de nos propres missiles balistiques et de notre vecteur aérien, afin de déterminer si notre dissuasion est crédible et si la future génération le restera.
Quelle est l'articulation entre BIOPEX et les fichiers nationaux ? Je l'ai dit : il n'y a pas d'interconnexion, pour des raisons légales. À l'heure actuelle, si la DGSE ou la DRSD, par exemple, nous interrogent, nous leur répondons instantanément. S'il n'existe pas d'interconnexion physique, il y a en revanche un échange de renseignement fluide, en réponse à des requêtes.