Intervention de Pierre Mongin

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Pierre Mongin, directeur général adjoint du groupe Engie :

L'organisation du groupe fait qu'il est difficile de répondre à une telle question. Il se trouve qu'Engie a publié ses résultats annuels ce matin même, qui sont excellents. Le groupe a retrouvé une croissance organique de 5 % sur ses marges, malgré des désinvestissements massifs et une transformation complète du groupe – nous avons abandonné des productions très rentables à court terme, notamment charbonnières, pour nous projeter dans le monde de demain en matière d'énergie et devenir les champions de la transition énergétique.

Pour ce qui est du Benelux, la situation est plus compliquée. Notre holding historique à Bruxelles, Electrabel, englobe des activités qui se trouvent en dehors du Benelux. Ses comptes sont publiés une fois par an, après approbation par le gouvernement belge. En effet, notre capacité de paiement des futures dépenses de démantèlement est supervisée. La santé financière de l'entreprise est placée sous étroite surveillance des autorités gouvernementales, notamment de la commission des provisions nucléaires. Ainsi que le prévoit la loi, Electrabel est suivie en permanence par des agences de notation. Le niveau de financement en cash des opérations nucléaires est déterminé en fonction de la note. Si celle-ci devait être dégradée, Electrabel aurait à relever son niveau de réserves.

Les chiffres d'Electrabel pour 2017 ne seront publiés qu'au mois de juin. Ce que je peux vous dire, c'est que le chiffre d'affaires est de 30 milliards d'euros, sa dette globale de 10 milliards et qu'elle est classée BBB+. L'entreprise est parfaitement solide et sa surface suffisamment large pour assumer pleinement, sans risque ni inquiétudes, la totalité de ses obligations actuelles et futures. C'est ce que nous devons, en tant que groupe, au royaume de Belgique.

Si vous me demandez quelle est la situation économique, opérationnelle de l'électricité produite par nos centrales en Belgique, ma réponse sera quelque peu différente ! Le prix de l'électricité est trop bas. Après trois années consécutives de baisse, nous avons atteint un niveau limite en termes de rentabilité. Comme nous évitons toute forme de spéculation sur l'électricité et que nous couvrons la totalité de nos ventes futures deux ans à l'avance, nous sommes encore dans la tendance des trois années de prix les plus bas de l'histoire.

Cela explique que les résultats sur le Benelux soient moins bons que ceux des autres activités d'Engie, toutes en progrès cette année. Avec 220 millions d'euros de moins que l'année dernière, c'est l'un des rares secteurs en décroissance. La qualité des équipes belges et la dynamique sur les services compensent, en partie seulement, la situation difficile de la production nucléaire.

Nous sommes confiants dans le fait que le prix de l'électricité, pour des raisons d'offre et de demande, remontera. Ce qui est certain, c'est que le prix doit être suffisamment élevé pour couvrir les investissements. Pour obtenir que les réacteurs représentant 2 gigawatts soient prolongés de dix ans, nous avons dû sortir de notre poche 1,3 milliard d'euros, sur lesquels nous avons pris un risque de 100 %.

La question est la suivante : qu'est-ce qui peut déclencher la confiance chez les investisseurs pour qu'ils s'engagent dans l'activité nucléaire ? Aujourd'hui, le cadre régulatoire belge ne permet pas de sécuriser de manière suffisante des investissements sur une longue durée – même si l'on parle de dix ou vingt ans maximum. L'investisseur ne s'engagera pas sans être sûr que les prix de vente seront suffisamment élevés pour couvrir les marges qui permettent juste de rembourser le capital.

Pour les investissements massifs nécessaires aux prolongations de vie, il faudrait un cadre régulatoire semblable à celui qui existe en Grande Bretagne, le contrat de différence. Celui-ci ne permet pas de faire de grands profits quand les prix montent, car la différence est empochée par l'État, mais d'éviter de gros déficits lorsque les prix baissent, puisqu'ils sont compensés. C'est le système le plus sécurisant : avec ce « tunnel de prix », le marché se trouve un peu encadré par la puissance publique. L'Union européenne a considéré qu'il était parfaitement compatible avec les règles de concurrence.

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