Vous avez raison.
J'ai aussi été très marqué par la culture de sûreté dans mon poste précédent – j'étais directeur général de la Compagnie nationale du Rhône : la France a connu des drames très graves, en particulier celui du Drac, qui ont conduit à l'instauration d'une culture de sûreté hydraulique très forte, et vous savez que le Rhône est le fleuve le plus puissant de France, avec de nombreuses crues. On retrouve les mêmes bases dans la culture de sûreté nucléaire, les conséquences d'une dérive étant peut-être encore plus importantes dans ce domaine, bien qu'une comparaison soit difficile à établir.
Je rejoins totalement ce que M. Mongin vient de dire. La culture de sûreté nucléaire représente un travail quotidien, mené par tous, du plus haut au plus bas de l'organisation, et c'est notre meilleure protection contre d'éventuelles dérives dans l'exploitation. Nos conceptions sont très robustes, ce qui a été prouvé : après Fukushima, des audits externes ont montré que les installations nucléaires belges font partie des plus robustes en Europe. Au-delà de cette question, il y a des processus, qui sont suivis, et des êtres humains qui sont tous les jours concentrés sur leur travail et qui prennent pleinement conscience de l'importance des règles et de la gestion de cette source d'énergie très puissante qu'est le nucléaire.
Tous les dispositifs sont en place, à commencer par une formation très poussée, puisqu'elle représente plus de 7 % du temps de travail. Elle a lieu sur des simulateurs qui sont des copies conformes de nos installations, par tranches : tous les cadres, les ingénieurs et les opérateurs sont formés à des situations particulières sur ces simulateurs. Par ailleurs, il y a ce que j'appellerais un code de la route à respecter dans les centrales nucléaires, c'est-à-dire les spécifications techniques. Nous travaillons chaque jour à les faire respecter, et nous pouvons démontrer que nous avons récemment amélioré nos performances dans ce domaine.
Comme l'a souligné M. Mongin, nous nous faisons aider. Un comité de sûreté nucléaire a été mis en place au sein d'Engie Electrabel, sous la présidence de M. Mongin : nous sommes assistés par deux experts français qui nous ont rejoints en tant que conseils externes : M. André-Claude Lacoste, ancien patron de l'Autorité de sûreté nucléaire française, et M. Yannick d'Escatha, ancien directeur général adjoint d'EDF, ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, et membre du conseil administration d'EDF en tant que représentant de l'État. Le comité de sûreté nucléaire nous aide, avec l'appui de ces deux experts, à nous améliorer sans cesse et à continuer à clarifier les règles qui doivent être respectées. Nous nous faisons aussi aider sur un plan très pratique, par exemple avec l'arrivée d'un nouveau directeur pour le site de Tihange, Jean-Philippe Bainier, qui a précédemment dirigé des sites d'EDF, notamment celui de Dampierre, où il y a historiquement eu quelques soucis ou interrogations en ce qui concerne la culture de sûreté. Il nous aide à améliorer nos performances à Tihange.
Comme l'a indiqué M. Mongin, l'autorité de sûreté nous suit au quotidien. Elle dispose de spécialistes de la culture de sûreté, qui analysent et évaluent nos actions, ainsi que les améliorations apportées.
Vous avez évoqué la question du sabotage : nous avons effectivement connu un acte grave de malveillance dans l'unité 4 du site de Doel, en 2014. Cet incident était économiquement grave, mais je tiens à souligner qu'il n'a pas eu lieu dans la partie dite nucléaire de notre installation – c'est la partie dite thermique qui était concernée. La turbine à vapeur s'est trouvée sans huile de dégraissage, ce qui a causé de graves dommages matériels. L'enquête est toujours en cours, et je ne suis donc pas autorisé à faire des commentaires.
Nous avons pris la mesure de la situation en instaurant un certain nombre de mesures de sécurité supplémentaires. À titre d'exemple, nous avons considérablement augmenté le nombre de caméras dans les installations, les équipements sont davantage verrouillés, nous avons zoné nos installations – dans certaines zones, les employés ne sont plus autorisés à entrer seuls, suivant le principe dit des « quatre yeux » –, les modalités d'accès et de contrôle ont été renforcées, et tous nos employés ont été formés et sensibilisés à la culture de sécurité – et pas seulement celle de sûreté. Ce ne sont que quelques exemples.
La question de la sécurité a fait l'objet d'une évolution relativement récente, je pense qu'on peut l'avouer : elle était moins présente dans les décennies antérieures, mais ce sujet nous est malheureusement tombé dessus, comme dans le reste de la société en général. C'est devenu un vrai enjeu et une vraie priorité pour les opérateurs de centrales nucléaires responsables.