Monsieur le député, les autorités de sûreté se parlent d'autant plus que les technologies de leur pays sont proches, ce qui est le cas entre la Belgique et la France. Il n'y a pas de raison que les critères qui présideront à la décision de prolonger ou non la vie d'une centrale diffèrent.
De mon point de vue, cette décision est purement liée à la question de la sûreté. Certes, des considérations économiques ou politiques interviennent – il est, par exemple, parfaitement légitime qu'un pays décide de changer ses modes de production électrique –, mais les critères qui devront déterminer en dernier lieu s'il est possible de prolonger une centrale sont des critères de sûreté ; il n'y en a pas d'autres.
La sûreté est au fondement de toute décision, et, à mon avis, les autorités de sûreté belge et française ont le même niveau d'exigence. Il se trouve que j'ai l'occasion de rencontrer de temps en temps le responsable de l'autorité française, qui a autrefois travaillé avec moi : il a la même rigueur et les mêmes exigences que son homologue belge. Finalement, si les conditions politiques et économiques sont réunies, seul le critère de sûreté permettra de dire si l'on peut prolonger la vie d'une centrale nucléaire, et pour combien de temps.
Nous devons nous préparer aux démantèlements qui auront lieu un jour. Il nous faut acquérir une bonne connaissance des premiers démantèlements qui se déroulent en France. Nous savons qu'il faudra démanteler en Europe – l'Allemagne a déjà fait des choix en la matière. Il faut donc essayer de faire des économies d'échelle afin de réduire le coût de ces opérations, et parvenir à les traiter en série, de façon industrialisée. Le groupe Engie, avec ses filiales, se positionne sur cette activité. Aujourd'hui, ces technologies sont bien maîtrisées, même si les opérations en question sont coûteuses et longues.
L'issue du débat sur le pacte national belge sur l'énergie déterminera le sort des centrales nucléaires à partir de 2025. Leur prolongation est l'option la plus probable, mais ce n'est pas encore décidé.
J'ai été préfet coordonnateur de Tricastin, et je trouve votre remarque sur les CLI très juste : elles jouent un rôle extrêmement utile pour dédramatiser les situations. Le fait est que l'on n'entre pas facilement dans une centrale, et que l'on n'y amène pas facilement les enfants des écoles. Ce n'est pas qu'il y ait le moindre danger, mais les exigences de sécurité publique ne le permettent pas. C'est un peu dommage, car cela donne le sentiment que cet objet qui prend beaucoup de place dans le paysage est un peu mystérieux. Il est donc nécessaire de faire un gros effort d'information en direction des populations environnantes : il faut expliquer ce qu'est la centrale, mais aussi comment on y vit, comment on y travaille, quelles sont les pratiques de sécurité au travail… Lorsqu'il y a le moindre incident, il faut être totalement transparent.
Electrabel a commencé des démarches en ce sens puisque nous avons constitué une sorte de CLI informelle avec les maires des communes proches. Elle mène des actions sur le modèle des commissions françaises. Il serait très utile que nos équipes et notamment M. Philippe Van Troeye, qui dirige les opérations en Belgique, aillent voir une CLI et le détail de son organisation. Nous avons beaucoup à apprendre de cette méthode pour la bonne compréhension de la centrale par son environnement.
Quelles alternatives énergétiques ? Il y a évidemment le renouvelable. Notre entreprise est tournée vers le renouvelable, et nous sommes déterminés à en faire plus. L'offshore constitue une solution massive de fabrication d'électricité, même si elle est encore compliquée et un peu chère – les prix baissent actuellement. En capacité, l'offshore représente l'équivalent des centrales nucléaires.
Il y a aussi l'éolien, plus interstitiel, le solaire, notamment sur les bâtiments, et, surtout, l'efficacité énergétique. Elle constitue la première des réponses : commençons par faire des économies ! Enfin, nous savons qu'en Belgique, il faudra produire de l'électricité à partir du gaz : il faudra reconstruire des centrales à cycle combiné gaz turbine (CCGT). Elles seront indispensables à l'équilibre du système, parce qu'il n'y a pas du soleil et du vent en permanence. Nous pensons que huit turbines à gaz supplémentaires seront nécessaires au fur et à mesure du remplacement des centrales. Ce ne sera pas tant pour la production de base, pour laquelle on pourra compter à très haut niveau sur le renouvelable, mais pour l'ajustement de la pointe. Le gaz reste de très loin la meilleure solution : il est non polluant et il émet deux fois moins de CO2 que le charbon. Le gaz est toujours une énergie fossile, mais, en termes climatiques, il est extrêmement performant par rapport au charbon.