Quel cruel et absurde dysfonctionnement de notre République : selon les saisons, on secourt ou on expulse – sans résoudre les problèmes.
En 2016, plus de 15 000 expulsions ont été exécutées, dont près du quart en Seine-Saint-Denis. Derrière des chiffres, se cachent le plus souvent ce qu'on appelle avec pudeur les accidents de la vie : précarité, chômage, problème de santé.
Après l'expulsion, ces familles passent de chambre d'hôtel en chambre d'hôtel, vivent dans la promiscuité chez des proches, ou bien encore dorment dans leur voiture.
Chacune et chacun ici mesure les conséquences d'une telle situation sur la scolarisation des enfants mal logés ou éloignés de leur école.
Au-delà du caractère inhumain de ce que vivent ces familles, prenons la mesure du manque à gagner, en termes de valeur et de compétences humaines, que représente cette situation pour notre pays.
Or il n'y a pas de fatalité : une grande majorité des expulsions peut être évitée, ce qui permet de garantir le droit à un toit. Il faut bien sûr agir sur les revenus des familles, la sécurisation de l'emploi et donner aux services sociaux les moyens de prévenir les situations difficiles. Toutefois, force est de constater que les processus sociaux en place dans les préfectures sont trop lourds et insuffisamment réactifs face à l'urgence actuelle. Il est temps de travailler à de nouveaux dispositifs plus efficaces et plus protecteurs pour les locataires comme pour les bailleurs, afin d'éviter l'échec, le drame que représente toujours une expulsion.
C'est avec cette visée humaniste, monsieur le Premier ministre, que je vous demande de décider, pour cette année, d'un moratoire sur l'exécution des expulsions locatives.