Nous voici au bout d'un long chemin douloureux, d'une histoire dont, pour finir, on aurait aimé qu'elle soit également possible sur d'autres territoires. Les Calédoniens de toutes origines ont véritablement ouvert un chemin très particulier. Nous les regardons avec fraternité, avec amour, pensant à ce que sera demain le destin qu'ils vont choisir. Cette histoire longue et douloureuse nous met à présent, selon la coutume, les vivants marchant avec les morts, devant la décision à prendre.
Qu'il soit permis de dire aux amoureux de la République qu'elle tient enfin sa revanche, car la colonisation fut le fait de l'Empire, qui s'était d'abord débarrassé de la République. Viennent ensuite, dans cette histoire terrible, les communards déportés par milliers, pauvres gens qui pleuraient, qui pour pouvoir rester, qui pour pouvoir emmener sa famille. Viennent ensuite les déportés de l'Algérie, après qu'on a partagé les terres, au détriment de ceux qui s'y trouvaient, et dont les descendants, les Berbères, ont leur tombe à Bourail. Et ainsi de suite, de génération en génération ! À présent, la République tient sa revanche. Par la liberté de la parole des peuples présents sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, elle va apporter la preuve de ce qu'elle est capable de faire pour le bien commun. La liberté : c'est elle qui institue le peuple.
Il faut qu'on sache, sur la Grande Terre, mais aussi à Bélep, à Ouvéa, à Tiga, à Maré – honneur au grand chef dont j'ai été l'ami, fondateur des Foulards rouges ! – , à Lifou, à Poum, à Hienghène, à Thio, à Koné, dans la tribu de Saint-Louis, à Bourail et à Nouméa, que la parole sera libre et respectée : nous tous ici, sur ces bancs, quoi qu'il arrive, nous faisons le serment de respecter la décision de ceux qui auront voté sur ces îles, sur cette terre. Nous la respecterons et nous serons alors quittes, pour notre part, de cette histoire douloureuse. Il ne nous restera plus qu'à tendre la main pour la fraternité.
Cela n'a pas toujours été possible. Quelques noms ont été cités. À moi, il n'en vient qu'un seul : celui du sage que fut Jean-Marie Tjibaou. Il savait à quel point le destin de la Nouvelle-Calédonie n'était possible qu'à condition qu'elle se donne elle-même les moyens de le maîtriser.
Et c'est avec émotion que j'aperçois dans les tribunes le visage de M. Paul Néaoutyine, qui représente un des espoirs de ce territoire et de sa capacité à s'auto-gouverner.
Mes chers collègues, tout a été dit. J'ai indiqué – parlant, je crois, pour tous – le serment que nous faisions.
À cette heure, entendez, vous autres Kanaks, que la parole de la France restera pour nous celle de Louise Michel, déportée sur votre terre, et qui, au moment où il fallait faire le coup de feu contre le grand chef Ataï, resta d'abord une institutrice, celle du peuple qu'elle refusait de combattre !