Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, avant d'en venir aux aspects financiers, je tiens à souligner que la loi de programmation militaire, cet outil de création gaullienne, a été conçue pour s'inscrire pleinement dans le processus budgétaire. On ne peut et on ne doit pas la résumer à de simples voeux. Son importance politique lui donne une portée qui conditionne l'avenir.
Avant d'aborder l'avenir, portons notre regard sur l'héritage des programmations et des budgets antérieurs. Les choix politiques dans le domaine militaire – la réduction du format et la professionnalisation des armées – expliquent la sous-exécution des lois de programmation depuis des années, qui condamne à la survie notre modèle d'armée en tension. Malgré les réductions successives des effectifs et les restructurations, notre pays a continué d'utiliser activement ses hommes et ses équipements à des fins opérationnelles et stratégiques.
C'est pourquoi cette LPM trace une remontée en puissance, au prix d'un engagement financier au profit des armées extrêmement important, dans un contexte de contrôle de nos dépenses publiques. Vous savez toutes et tous ce que cela signifie : un véritable choix politique et budgétaire en faveur de notre défense.
Un nouveau chapitre s'ouvre dans l'histoire de la programmation militaire et des budgets de la défense. Cette LPM fait le choix d'une inflexion stratégique duale. Tout en étant à hauteur d'homme, elle n'est pas sans ambition, au contraire, vous l'avez dit, madame la ministre. Elle a pour cap un modèle d'armée complet et équilibré en 2030.
Il s'agit de répondre aux besoins opérationnels immédiats : régénérer les hommes et les matériels usés par le temps. Mais le projet de loi fixe également les grands programmes d'investissement dans le domaine de la dissuasion, du renseignement, de la cyberdéfense et de l'innovation.
Rappelons que la loi de finances pour 2018 a prévu une augmentation de 1,8 milliard d'euros des crédits de la mission « Défense », qui trouve une suite logique dans les trajectoires financières ascendantes de la LPM. L'effort de défense sera progressivement porté à 2 % du PIB à l'horizon de 2025. Sur la période 2019-2022, les crédits de paiement seront en augmentation de 1,7 milliard d'euros par an. Pour les cinq premières années, entre 2019 et 2023, près de 198 milliards d'euros de crédits budgétaires sont prévus pour les armées, les crédits annuels, hors pensions, de la mission « Défense » passant de 35,9 milliards à 44 milliards.
Les efforts pour assainir la gestion et rendre les prévisions plus sincères sont aussi remarquables : le report de charges sera ramené à environ 10 % à l'horizon 2025.
Dans la loi de programmation précédente, la dotation affectée aux opérations extérieures s'élevait à 450 millions d'euros. Dans le budget 2018, elle a été réévaluée à 650 millions. La LPM prévoit qu'elle atteigne 850 millions en 2019 puis 1,1 milliard d'euros par an à partir de 2020.
Cette LPM marque aussi une rupture avec les coupes dans les effectifs, qui ont tant mis à l'épreuve et épuisé nos militaires, tout comme elles ont épuisé notre modèle d'armée : 6 000 emplois supplémentaires sont prévus sur la période 2019-2025, dont 50 % seront consacrés à la cyberdéfense et au renseignement.
Je soulignerai également l'effort notoire en faveur de l'entretien programmé du matériel : 22 milliards d'euros sur la période 2019-2023, soit 4,4 milliards d'euros par an en moyenne, pour une programmation prévisionnelle de 35 milliards d'euros sur la période 2019-2025. Cela représente un effort financier de plus de 1 milliard d'euros en moyenne annuelle par rapport à la LPM précédente.
Enfin, comment ne pas saluer le soutien financier programmé en faveur de la condition de vie militaire, trop longtemps négligée ? Sur les sept prochaines années, 530 millions d'euros sont prévus au profit des familles, dont 300 millions d'euros sont déjà planifiés pour 2018-2022, comme vous l'avez annoncé dans le plan famille.
Bien entendu, la pleine satisfaction de l'objectif financier de cette programmation est toujours suspendue à l'évolution du contexte macroéconomique et opérationnel. Il semblerait que nous entamions une année charnière après une période de crise économique et budgétaire. En tout état de cause, cette LPM se démarque par l'absence de pari sur des recettes exceptionnelles incertaines, et par des provisions plus réalistes, plus robustes.
Qui peut le plus peut le mieux, pourrait-on dire. Pour autant, une loi de programmation reste une loi de programmation, et l'on ne peut en faire une loi de finances pour six ans. La trajectoire posée par la LPM est forcément moins rigide, surtout sur la fin de la période de programmation. Cela étant, cette LPM n'est pas construite pour que son équilibre général soit bouleversé par des réactualisations. Elle est conçue pour évoluer de manière concomitante avec la loi de programmation des finances publiques.
Certains éléments de la programmation renvoient à des ambitions politiques qui dépassent le seul cadre national : la coopération européenne dans le domaine militaro-industriel, qui sera déterminante, assurément.
Sur le titre Ier du présent projet de loi de programmation, dont la commission des finances s'est saisie, j'émets un avis favorable, compte tenu de l'équilibre satisfaisant que les dispositions ménagent entre les enseignements tirés de la revue stratégique et la restauration des comptes de l'État.