Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous y sommes : nous, députés, sénateurs, magistrats, professeurs de droits, ministres, hauts fonctionnaires du ministère de la justice, praticiens, avocats et notaires ; nous tous, qui avons participé depuis plus de dix ans à ce long, très long, processus de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Nous y sommes. L'objectif de cette réforme était de moderniser notre code civil, de le simplifier, d'améliorer sa lisibilité, de renforcer son accessibilité et de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme.
Le vocabulaire est aujourd'hui simplifié, la notion de « cause » supprimée et les solutions jurisprudentielles consacrées : ainsi de la période précontractuelle, de la généralisation du concept de bonne foi de l'obligation d'information, de l'enrichissement sans cause, du pacte de préférence, de la réticence dolosive ou encore de l'exception d'inexécution. Il ne s'agit pas, ici, de procéder à une présentation détaillée des près de 300 nouveaux articles du code civil, ni de rouvrir les nombreux et interminables débats qui secouent la doctrine depuis plus de dix ans.
Je veux simplement saluer le travail de notre rapporteur à l'issue de cette CMP. L'essentiel a été préservé, à savoir la révision judiciaire du contrat à la demande d'une seule des parties en cas de changement de circonstances imprévisible. Cette disposition est l'une des innovations majeures de la réforme. En revenant sur une très ancienne jurisprudence de 1876 – l'arrêt « Canal de Craponne » – , l'imprévision permet au juge de se substituer à la volonté des parties pour rétablir l'équilibre contractuel.
C'est ainsi que, dans certaines circonstances strictement encadrées, le juge civil ne se contente plus de procéder à la simple interprétation du contrat et de la volonté des parties à son sujet. En cas d'événement imprévu, il peut désormais intervenir pour rétablir l'équilibre contractuel. Le Sénat y était opposé ; nous y étions favorables et la CMP nous a donné raison sur ce point. Rappelons, une fois encore, que cette innovation a fait l'objet d'une large consultation et d'un consensus de la doctrine comme des praticiens. Il appartiendra au juge, et en tout premier lieu à la Cour de cassation, d'accompagner et d'encadrer cette évolution.
Mais le travail, notre travail, n'est pas fini. Il nous faut maintenant, mes chers collègues, madame la garde des sceaux, nous attaquer au deuxième étage de la fusée : la réforme de la responsabilité.