Monsieur le ministre d'État, nous vous remercions pour vos propos liminaires, qui montrent que nous partageons le sentiment qu'il y a urgence, comme cela a été récemment rappelé par l'appel des 15 000 scientifiques. Cette urgence se manifeste par la progression du nombre de réfugiés climatiques, notamment en raison des catastrophes naturelles, mais aussi par une inégalité planétaire de plus en plus criante, puisque les 10 % de pays les plus riches sont aujourd'hui responsables de 50 % des émissions de gaz à effet de serre – alors même que ce sont les pays les plus pauvres qui en font les premiers les frais, ce qui constitue une situation profondément injuste et dangereuse pour la vie humaine.
Comme vous l'aurez compris, nous sommes d'accord avec les convictions que vous exprimez. Cela dit, si elles ne se traduisent pas en espèces sonnantes et trébuchantes, elles ne permettront en rien de répondre à l'urgence réaffirmée en toutes occasions, de colloques en sommets, en passant par les questions d'actualité à l'Assemblée. Si, depuis la COP21, on entend constamment répéter qu'il faut trouver 100 milliards de dollars par an de financements climat à l'horizon 2020, force est de constater que cet objectif est loin d'être atteint : nous en serions à 67 milliards d'euros selon les estimations officielles, et même entre 18 et 34 milliards de dollars seulement selon les calculs de l'OXFAM. Ces 100 milliards de dollars étaient déjà promis, je le rappelle, lors de la conférence de Copenhague de 2009 ; ils l'ont été de nouveau à Paris, lors de la COP21, et tout récemment, à l'occasion de la COP23 qui s'est tenue à Bonn. Vous comprendrez que nous commencions à être inquiets sur la réalité de cet engagement, en tout cas sur le moment où il se réalisera, à plus forte raison dans ce contexte d'austérité imposée par votre gouvernement, qui soulève également des questions en matière d'aide publique au développement. Vous avez promis de la porter à 0,55 % du PIB – taux inférieur aux engagements antérieurs de la France –, mais nous n'en sommes toujours qu'à 0,37 % ; comment tout cela peut-il entrer dans les clous ?
Pour notre part, nous avons des solutions à proposer : une étude, produite dans le cadre de la COP23, a mis en évidence que les émissions de gaz à effet de serre issues de l'activité de 90 producteurs d'énergies fossiles et d'industries du ciment ont contribué à près de la moitié de la hausse de la température moyenne du globe. Nous pourrions faire d'une pierre deux coups en créant une taxe sur les transactions financières de ces grands groupes, ce qui permettrait de lutter contre l'évasion fiscale – car des groupes comme Total échappent en grande partie à leurs obligations fiscales –, mais aussi de réinvestir utilement les sommes ainsi récupérées. Malheureusement, ce raisonnement ne semble pas correspondre à la logique actuelle du Gouvernement.
Avec le traité de libre-échange CETA, on va accroître les échanges au moment précisément où il faudrait favoriser la relocalisation de l'économie – en France, mais également à l'échelle mondiale. Je me souviens de votre film Le Syndrome du Titanic, que j'avais trouvé formidable – je vous avais écrit pour vous féliciter : il mettait en évidence le lien entre la lutte pour la transition écologique et la loi du marché – ce qui renvoie à un autre très beau film. Après en être arrivé à de telles conclusions, dites-nous, monsieur le ministre d'État, comment on va faire pour trouver ces 100 milliards de dollars – somme d'ailleurs insuffisante selon l'ONU, qui estime qu'il faudrait 150, voire 250 milliards – et sortir de ces modèles de développement mortifères ?