Je vais commencer par l'étude d'impact : l'idée est de fournir au Parlement un document solide, étayé et bien construit, et de pouvoir recourir à des experts et à des modèles économétriques pour disposer de toutes les conclusions nécessaires sur la mise en oeuvre de l'accord. Je suis ouvert à une association qui doit être naturelle et spontanée avec vous, à un dialogue sur le cahier des charges, mais au bout du compte c'est le Gouvernement qui est responsable de la production de l'étude d'impact.
La Constitution dispose que l'initiative des lois appartient concurremment au Parlement et au Gouvernement : en l'occurrence, c'est un projet de loi de ratification qui sera déposé, avec une étude d'impact, et il reviendra au Parlement d'estimer si cette étude d'impact est complète ou non. Il est important de s'assurer ensemble que les éléments d'information que vous souhaitez y figurent, mais je ne peux pas dire mieux. Il y a une responsabilité gouvernementale et une responsabilité parlementaire. Quitte à être « disruptif », faut-il organiser une sorte de « hackathon » pour se mettre d'accord sur les éléments qui doivent figurer et sur la manière d'y arriver ? (Sourires.)
Il y a en tout cas une volonté de dialoguer et de prendre en compte les éléments dont vous avez besoin pour vous prononcer, car c'est vous qui le ferez en dernier lieu. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais je voulais faire preuve dès aujourd'hui de la meilleure volonté possible. En matière de méthodologie, il faudra s'outiller pour avoir des éléments objectifs. On voit circuler beaucoup de chiffres sur l'impact de l'accord, mais certaines parties ont des intérêts, par définition. Les éléments produits à destination de la représentation nationale doivent être objectivés : il ne doit pas s'agir d'un copié-collé d'éléments venant de parties qui ont des intérêts particuliers. Nous représentons, vous comme nous, l'intérêt général. Une bonne méthodologie est importante.
Sur le plan sanitaire, je le répète : ce qui est interdit sur le territoire européen n'y entrera naturellement pas. Contrairement à ce qu'affirme M. Dupont-Aignan, il n'y aura pas d'hormones de croissance. C'est faux. Il faut arrêter de faire commerce d'éléments mensongers. Il y a des audits, des contrôles et des normes : on les fait respecter. Nous sommes des États ayant la capacité de le faire. Il ne faut pas alarmer le consommateur en répandant de fausses peurs. Il n'y aura pas de saumon OGM en France, ni de boeuf aux hormones. Il faut le dire. Jouer avec les peurs des citoyens et des consommateurs ne fait pas honneur aux fonctions que nous exerçons. Il y a un souhait partagé par tous de faire respecter, de manière très ferme, nos préférences et des choix de société que nous avons assumés.
Il y aura un suivi spécifique de tous les volumes d'importation pour les filières sensibles. C'est valable pour l'éthanol et le sucre, comme pour le boeuf. Au niveau national, nous avons décidé de nous doter d'un observatoire des prix et des quantités afin d'assurer un suivi fin sans dépendre uniquement des données venant de l'Union européenne. En cas de déstabilisation avérée, nous pouvons tout à fait activer des clauses de sauvegarde dans le cadre de l'OMC. Il faudra avoir recours au droit international si besoin est.
Quant à la filière du boeuf, j'ajoute que nous savons aussi être en conquête. Je peux vous montrer un graphique sur le commerce de viande bovine au sein de l'Union européenne entre 2010 et 2016 : la courbe bleue, qui représente nos exportations, est en forte hausse à partir de 2015. Nous savons faire profiter le monde entier de notre production. Il ne faut pas rester en retrait, mais accompagner ces filières. Comme nous avons des exigences fortes dans un certain nombre de domaines, la question de la compétitivité se pose, mais on voit bien que la France et l'Europe ont des atouts à faire valoir. Il ne faut pas avoir peur : nous avons des productions de qualité qui peuvent gagner à l'international.
Le bien-être animal est un sujet que nous avons mis sur la table dans les discussions avec le ministre de l'agriculture canadien. Nos interlocuteurs sont d'accord pour avancer : ils travaillent d'ailleurs sur un plan national.
S'agissant du MERCOSUR, la France plaide avec force auprès de la Commission européenne, avec onze autres États membres, pour la prise en compte de nos sensibilités agricoles. Nous avons dit à la Commission qu'il n'y avait pas lieu de se précipiter. S'il y avait l'idée de pousser les États membres dans un traquenard en les obligeant à endosser un accord politique trop rapidement, on irait au-devant de graves difficultés. Pour éviter toute déstabilisation de la filière bovine, par exemple, il faut travailler sur des conditionnalités efficaces, des mécanismes de sauvegarde crédibles et une segmentation assez fine des lignes sensibles. C'est un sujet relayé à tous les niveaux, par nous-mêmes, par le Premier ministre auprès de Jean-Claude Juncker, mais aussi par le Président de la République. Cela fera l'objet d'une attention de tous les instants dans les semaines à venir. Par ailleurs, nous avons des intérêts offensifs à faire valoir. Le MERCOSUR, qui est un marché très fermé et n'a passé aucun autre accord de libre-échange à ce jour, peut recéler des opportunités. Mais cela ne doit pas conduire à faire peser un risque de déstabilisation excessif sur nos filières agricoles.
J'ai pu toucher du doigt le sujet de la reconnaissance mutuelle des professions réglementées lorsque je me suis rendu au Québec et au Canada. Au Québec, par exemple, les ordres ont parfois un peu de mal à mettre en oeuvre des accords existants. Le gouvernement de la province souhaite faire respecter toutes les équivalences, mais l'organisation institutionnelle fait que les ordres disposent d'une relative indépendance. Un travail a été entamé, mais tout n'est pas dans la main du gouvernement. Avec les mécanismes de suivi du CETA, un certain nombre de comités se mettront en place au premier semestre 2018, et je ne manquerai pas de vous tenir informés des progrès qui seront réalisés.
Sur le délai de dépôt du projet de loi de ratification, le moment sera venu lorsque nous aurons une étude d'impact solide et étayée. Cela ne se fait pas d'un claquement de doigts. Pour que vous ayez de quoi vous prononcer vraiment, il faut prendre le temps. Je crois qu'il ne faut pas s'enfermer dans un calendrier, mais surtout s'assurer de la qualité du contenu.
La nécessité de faire de la pédagogie autour des indications géographiques protégées (IGP) a été évoquée. C'est particulièrement important.