Face à une guerre, on cherche toujours à savoir qui se bagarre contre qui. Même si c'est un peu infantile, on se demande aussi lesquels sont les méchants. Dans le cas qui nous occupe, j'ai l'impression que les réponses ne sont pas simples. Par définition, ceux qui font la guerre sont tous des méchants, comme je l'expliquais à mes enfants quand ils étaient petits
On regarde la carte que vous avez affichée. On entend l'appel humanitaire que vous formulez à juste titre pour les civils qui, comme toujours, sont les victimes. On se dit alors que le Yémen est entouré de pays riches : Oman n'a pas le revenu par habitant le plus faible du monde ; le Qatar, les Émirats arabes unis et l'Arabie Saoudite, n'en parlons pas. Au nom de la solidarité et de l'humanisme, les réponses matérielles devraient normalement arriver très vite aux victimes. Ce n'est pas le cas.
Madame Rasha Mohamed, j'ai cru que vous aviez lu ma fiche de questions parce que vous avez commencé à les poser. Qui arme qui ? Quels avions effectuent ces bombardements ? Qui vend ? Qui paie ? Pour qui ? D'où viennent les munitions ? Qui assure la maintenance de ces avions ? Il y a bien des gens et des forces qui financent quelque chose sur ce territoire-là.
Pour ma part, je pense que certains endroits sont choisis par les fabricants et les vendeurs d'armes comme zones de guerre pour tester leurs matériels. Comme vous l'avez dit, certaines des armes interdites partout dans le monde par des traités internationaux sont utilisées au Yémen. Pourquoi les trouve-t-on particulièrement là, dans une zone de non-droit où les observateurs n'osent plus aller et où vous avez encore le courage de mettre les pieds parce que des gens y ont besoin de vous ?
La France doit agir immédiatement pour que le blocus soit levé. Ce sont toujours les civils qui paient l'addition des blocus, partout dans le monde, que ce soit à Cuba, à Gaza ou ailleurs. Les blocus sont inhumains ; ils doivent être dénoncés. On dispose de moyens, y compris militaires, pour que le blocus soit levé au Yémen. On peut utiliser des porte-avions, parachuter des vivres. Comme je ne suis pas pour une solution militaire, je pense que la France doit agir à l'ONU où elle occupe une place privilégiée, pour que l'organisation n'en reste pas à une dénonciation de la situation au Yémen. C'est bien de prendre conscience de l'existence du drame humanitaire qui s'y déroule, mais il faut aussi agir de toute urgence et prendre des dispositions internationales pour sauver les populations.
Vous avez pris votre bâton de pèlerin pour faire le tour des humanitaires et essayer de convaincre les uns et les autres qu'il y a urgence. C'est quand même dommage que l'ONU ne se soit pas saisie du problème. Certaines forces sont capables de se coaliser très vite. Quand Saddam Hussein avait envahi le Koweït, il n'avait pas fallu longtemps pour le remettre dans ses quinze mètres, si vous me permettez cette métaphore rugbystique. Il me semble que l'ONU s'est un peu moins mobilisée pour le Yémen. Il faut que ce soit les humanistes et les intellectuels qui se lèvent et essaient de provoquer une réaction.
En tant que communiste, j'étais attentif à la fin des deux blocs, dans les années 1990. J'ai observé la réunification de l'Allemagne, celle du Yémen. Je n'ai jamais cessé de m'intéresser à l'évolution de ces deux pays. À un moment donné, de grandes quantités de pétrole ont été détectées au Yémen. Il semblerait que la découverte de ces ressources ait coïncidé avec le début de la dégradation de la situation dans ce pays. Ma lecture n'est peut-être pas bonne et je voulais vous demander votre avis sur ce point.
Vous avez montré la France du doigt, en soulignant son rôle au Conseil de sécurité des Nations unies et son rang parmi les vendeurs d'armes. Jean-François Mbaye, mon collègue du groupe La République en Marche (REM), a rappelé que le Président de la République s'est rendu en personne en Arabie Saoudite pour évaluer la situation. Pensez-vous que la France a déjà pris des décisions dont nous n'aurions pas encore connaissance dans ce domaine ?
Deux parties ont été citées : l'Arabie Saoudite qui joue un rôle direct et l'Iran qui intervient de manière plus indirecte. Dans cette commission des affaires étrangères, nous considérons que la diplomatie est essentielle. Pourrions-nous entendre des représentants de ces deux pays s'exprimer sur le sujet ? Il serait intéressant que chacun puisse donner ses arguments et son point de vue.