Les défauts relevés sur le réacteur de Tricastin sont des défauts dits de sous-revêtement qui n'ont pas évolué : nous sommes en mesure de les contrôler et d'établir qu'ils sont restés stables, contrairement aux contrevérités publiées dans un livre récent. Ces défauts existent depuis la construction, ils ont été détectés et sont suivis régulièrement. La machine d'inspection en service est passée tous les dix ans : les défauts n'évoluent pas et sont globalement stables. Ils ne présentent donc pas de problème. J'ajoute qu'il n'existe aucun défaut dû à l'hydrogène dans nos centrales : sur ce point, tout ce qui est écrit dans un livre récent est complètement faux. Au contraire, c'est grâce à nos machines d'inspection et à nos méthodes que les Belges ont pu mettre en évidence des défauts dus à l'hydrogène dans leurs centrales – défauts que nous avions nous-mêmes éliminés dès le stade de la fabrication de nos propres centrales.
Toutes les informations relatives aux défauts de sous-revêtement sont publiques depuis l'origine ; nous communiquons sur ce sujet sans rien en cacher. Quant aux défauts liés à l'hydrogène, ils n'existent que sur certaines cuves belges – quoique parfois par milliers, il est vrai –, mais, encore une fois, ces défauts ont été mis en évidence grâce au passage de nos machines, les Belges n'ayant pas appliqué de méthodes aussi approfondies que celles que nous employons dès le départ.
Il va de soi que ces défauts ne présentent aucun risque similaire à Fukushima. Au fond, qu'est-ce que Fukushima ? Le réacteur s'est arrêté automatiquement. Or, dans un tel cas, il faut toujours évacuer la puissance résiduelle. Cela ne demande pas forcément beaucoup d'eau, mais il en faut. La perte de l'alimentation en eau et en électricité, comme cela s'est produit à Fukushima, vous met dans une situation extrêmement critique. Je me permets de vous conseiller la lecture du récit de l'accident par le directeur de la centrale, Masao Yoshida : dès les premières vingt-quatre heures après l'accident, il avait parfaitement conscience de ce qui allait se produire. Il a, de sa propre initiative – preuve qu'il s'agissait d'un exploitant responsable –, pris des décisions, allant jusqu'à désobéir à des ordres venus du Premier ministre, pour éviter un désastre supplémentaire. Dans un tel cas de figure, la priorité consiste à trouver de l'eau et de l'électricité dans les premières vingt-quatre heures, ce qui évite même d'atteindre le stade où le filtre à sable doit être ouvert – étant précisé que même en cas d'ouverture du filtre à sable dans nos installations, il ne se produirait pas de contamination à long terme du territoire. Le mieux, cependant, est de ne pas atteindre ce stade et, pour ce faire, de rétablir l'alimentation en eau et en électricité.
C'est la raison pour laquelle après Fukushima, nous avons décidé de créer une force d'action rapide nucléaire (FARN). En cas d'événement très improbable mais à fort impact – le « cygne noir » de Taleb –, et même s'il est par définition impossible de concevoir l'inconcevable, comme l'a rappelé un précédent directeur général de l'IRSN, il est néanmoins possible de prendre des mesures d'organisation en moyens et en hommes pour rétablir l'eau et l'électricité sous vingt-quatre heures et, ainsi, sauver toute situation. La FARN dont nous avons décidé la mise sur pied n'est pas composée de sous-traitants mais de personnels d'EDF qui connaissent nos installations et qui, en cas de problème extrême et à très faible probabilité, pourront se projeter sur le site concerné, rétablir l'eau et l'électricité et éviter un accident comme Fukushima.
La deuxième mesure de sûreté que nous prenons consiste à ajouter « en dur » sur chaque site des moyens supplémentaires et diversifiés en eau et en électricité qui soient capables de résister à des agressions encore supérieures. À l'heure actuelle, l'électricité de nos centrales est fournie par les lignes externes et avec deux moteurs diesel ; nous équipons donc chacun de nos réacteurs d'un diesel de secours différent installé sur des plots capables de résister à des séismes d'une puissance incomparable. L'eau, quant à elle, provient ordinairement des stations de pompage, dans la mer ou dans un fleuve. Dans des circonstances extrêmes, les besoins en eau ne sont pas très importants ; nous dotons donc chaque site de moyens d'alimentation en eau diversifiés. Sur les sites qui se trouvent en pied de falaise comme Penly ou Flamanville, l'eau proviendra du plateau – et les dispositions sont déjà prises. Dans d'autres centrales, nous forons un accès à la nappe phréatique pour pomper l'eau afin, en cas d'accident grave, de refroidir les réacteurs.
Le déploiement de ces moyens supplémentaires de sûreté en eau et en électricité devrait être achevé en 2021 – soit une date somme toute assez proche compte tenu du défi technique et industriel que représente l'installation de cinquante-huit moteurs diesel de secours de plusieurs mégawatts et de moyens d'alimentation en eau sur chaque réacteur.
J'en viens à la sécurité. S'agissant des piscines, nous avons mené un certain nombre d'essais – que je ne pourrais hélas détailler que devant des parlementaires habilités à accéder à des informations classées confidentiel défense – concernant l'absence de conséquence de tout tir provenant d'armes utilisées par des terroristes. Travaillant avec le PSPG et le GIGN, nous avons une idée assez claire des types d'armes que des terroristes pourraient utiliser. Nous avons donc fait des tests à des épaisseurs et sur des métaux représentatifs de nos installations : nous sommes confiants quant à l'absence de conséquences de tels tirs sur les piscines.
Il est vrai, monsieur Saulignac, que les mille gendarmes ne sont pas toujours tous présents simultanément : certains sont en congé, d'autres en roulement ; disons que plusieurs dizaines de gendarmes sont présents sur chaque site. Pour nous, l'essentiel est de calibrer en permanence un nombre de gendarmes suffisant face à chaque cible potentielle : nos gendarmes ne sont pas là pour courir après les individus qui parviendraient à entrer, mais pour se positionner sur les cibles potentielles. C'est en fonction du nombre de cibles potentielles que l'on établit le nombre de gendarmes devant être présents en permanence – c'est-à--dire vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept – sur nos sites pour faire face à ce type de menaces.
La surveillance périmétrique, madame Cariou, est prise en compte dans le plan de 750 millions d'euros dont je vous parlais plus tôt et dont l'objectif est de renforcer deux domaines : améliorer la détection dans la ZAC, encore insuffisante à notre avis, et mieux protéger et retarder dans la ZPR en complétant les dispositions existantes. Tout cela est prévu par le plan de 750 millions d'euros qui est en cours de déploiement, 150 millions ayant déjà été investis à ce jour. Si vous l'interrogiez, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité vous répondrait sans doute que le plan d'EDF est le plan d'opérateur le plus avancé et le plus efficace – c'est en tous cas ce qu'il nous dit régulièrement.
Effectivement, monsieur Aubert, j'ai reçu M. Gadault à deux reprises ; la deuxième fois, je me suis engagé à répondre à toutes ses questions pendant une heure, mais il a mis plus d'une demi-heure à régler les caméras qu'il avait apportées afin de me filmer… C'est ce qui explique que l'entretien n'a en fait duré qu'une vingtaine de minutes, car j'ai moi aussi des obligations et j'ai ensuite dû me rendre à une autre réunion. En général, les journalistes qui m'interrogent font preuve d'un peu plus de professionnalisme…
Quant à la question de l'indicateur de sûreté, elle n'est pas simple. Nous y réfléchissons souvent avec d'autres opérateurs dans le cadre des réunions de l'Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO). Nous avons identifié plusieurs indicateurs importants, mais il est très difficile de mettre au point un indicateur intégré. Deux paramètres sont tout de même essentiels : le premier est le nombre d'arrêts automatiques de réacteurs parce que le mécanisme de protection a été sollicité pour une raison ou pour une autre, qui est symptomatique du niveau de sûreté atteint – le nombre de sollicitations de cette nature était de 53 il y a dix ans, soit moins d'une par réacteur et par an, alors qu'il n'est plus que de 22 aujourd'hui, c'est-à-dire moins de 0,5 par an. Deuxième indicateur utile : le taux d'indisponibilité fortuite, c'est-à-dire le nombre de pannes conduisant à l'arrêt d'un réacteur. Là encore, ce taux est passé de 5 % il y a dix ans à moins de 2 % aujourd'hui.