Intervention de Dominique Minière

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 10h15
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique d'EDF :

Les résultats publics des évaluations complémentaires de sûreté sont clairs : en l'absence d'alimentation en eau et en électricité dans des réacteurs à eau pressurisée comme les nôtres, la fusion du coeur peut commencer environ quatre heures après l'incident. Cela étant, un début de fusion n'entraîne pas immédiatement l'augmentation de la pression dans l'enceinte et la nécessité, le cas échéant, de l'ouvrir : une telle situation se produit une cinquantaine d'heures après l'incident. Or, nous avons prévu une FARN capable d'intervenir pour ramener l'eau et l'électricité sous vingt-quatre heures sur un site au complet – sur les six tranches de Gravelines en parallèle, par exemple – afin de rattraper ce genre de situation. Lors de la conception du dispositif, nous avons supposé qu'en cas d'incident inconnu, plus personne ne se trouverait sur la centrale, que le personnel d'astreinte ne serait pas en mesure de s'y rendre et que l'ensemble des opérateurs se trouvant à proximité et susceptibles de prendre le contrôle de la centrale auraient été tués par l'événement ; la seule méthode consisterait alors à projeter une force préparée, entraînée et prête. Cette force ne peut venir que de nous, car nous sommes les responsables de la sûreté. Voilà pourquoi nous voulons qu'il s'agisse d'une force EDF. Et contrairement aux Japonais, nous profitons d'un effet de palier et de réacteurs identiques – situation plus facile à maîtriser que lorsque les réacteurs sont différents.

Je vous confirme donc ce qu'a dit le Premier ministre japonais : c'est bien au bout de quatre heures environ, comme indiqué dans les évaluations complémentaires de sûreté, que peut intervenir le début de fusion du coeur. En fait, tout se joue dans les premières quarante-huit heures : ramener de l'eau et de l'électricité, c'était l'obsession du directeur du site de Fukushima. Mais quand cela n'a pas été anticipé, pas préparé, quand vous n'avez pas de force d'action rapide, vous vous retrouvez obligé de vous débrouiller au dernier moment et vous vous trouverez dans une situation de fragilité encore plus grande. La gestion de la crise se prépare et se gagne en amont : c'est ce que nous avons fait en mettant sur pied la Force d'action rapide nucléaire. Mais nous allons un cran plus loin, en diversifiant les dispositifs d'approvisionnement en eau et en électricité et en renforçant encore davantage la défense en profondeur de nos centrales. Notre obsession est de ne jamais, jamais, être confrontés à un accident comme celui de Fukushima.

C'est d'ailleurs pour cela que nous nous impliquons dans l'organisation internationale WANO (World Association of Nuclear Operators) : nous avons mis en place une commission post-Fukushima, les effectifs de WANO ont été multipliés par cinq afin que toute centrale, dans le monde, soit fortement contrôlée. WANO est agréée par tous les opérateurs, qui s'autocontrôlent.

La faiblesse de la sûreté, c'est la faiblesse de son maillon le plus faible. On ne veut donc pas de maillon faible. Au-delà de ce qui s'est passé au Japon, la première conséquence de l'accident de Fukushima a été l'arrêt du nucléaire en Allemagne. Un accident nucléaire dans le monde, c'est un accident nucléaire partout dans le monde : tout le monde est impacté. C'est toute la différence entre le nucléaire et l'industrie chimique ou autre.

Pour ce qui est du risque lié une attaque du type des attentats du 11 septembre, nous avons évidemment regardé de près les dispositions à prendre – je ne peux entrer dans les détails – sur le plan technique, notamment en cas de feu de kérosène, ou sur le plan organisationnel.

Sur la menace terroriste, Mme Rauch a tout à fait raison : nous sommes là pour nous protéger du terrorisme. Et pour nous toute personne qui entre dans notre centrale est a priori un terroriste – sauf s'il appelle et se manifeste en brandissant de grandes pancartes Greenpeace. Moi, je sais ce que je fais : quand quelqu'un se présente, il est « criblé » par le COSSEN pour s'assurer qu'il a un badge et qu'il est autorisé à entrer. Mais je vous invite à poser la question à Greenpeace : procèdent-ils au criblage de leurs gentils manifestants qui entrent dans nos centrales ? J'espère que oui, mais honnêtement, je ne sais pas.

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