Je n'ai absolument pas ce sentiment. L'ASN est une autorité indépendante dont la mission est de veiller à la sûreté nucléaire et en aucun cas il est inscrit dans ses statuts qu'elle doive renoncer à des dispositions qu'elle jugerait nécessaire au titre de la sûreté du fait d'éventuelles contraintes économiques.
Cela ne signifie évidemment pas qu'elle ne doive pas, comme tout acteur assumant des pouvoirs de police, respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire proportionner les mesures qu'elle impose à l'exploitant en fonction de la situation qui la caractérise en termes de risques. Mais le dispositif a été conçu pour nous prémunir contre la confusion des rôles et les risques d'interaction entre les intérêts économiques et la sûreté nucléaire.
Si je compare aux autres domaines où j'ai pu exercer mon expertise, il me semble que nous avons réussi dans le domaine du nucléaire à créer une instance dotée de moyens importants et d'une vraie maîtrise technique, soutenue de surcroît par l'IRSN qui jouit, comme l'ASN, d'une véritable reconnaissance internationale.
L'ASN n'a aucun état d'âme à prendre des mesures parfois difficiles. J'en veux pour preuve la décision qu'elle a prise d'arrêter plusieurs réacteurs au début de l'hiver 2016, alors que se posait la question de l'approvisionnement du pays en électricité. Je peux témoigner que le risque de pénurie n'a en aucun cas pu remettre en cause sa décision.