Je suis extrêmement frappé par la capacité des êtres humains à oublier. C'est une façon de se protéger. Une autre dimension, bien plus problématique, c'est le déni, où, relativement consciemment, on organise un discours selon lequel le risque n'existe pas et on continue donc comme avant. Derrière cette approche, il y a évidemment des intérêts corporatistes à l'oeuvre pour continuer à construire, étendre les zones urbanisables, faire ce que l'on appelle, sans trop s'interroger sur le sens qu'on donne à ce mot, du développement – développement sans doute à très courte vue et très monothématique. Dans mon département, certaines communes, comme La Faute-sur-Mer, comptent de 70 à 90 % de résidences secondaires. Voilà ce que l'on appelle le développement. Le déni sert à cela. Il sert à ces gens qui tirent profit de ce modèle de développement. Tant qu'il n'y aura pas de réaction forte, et je ne vois pas de qui elle viendra, si ce n'est de l'État, pour dire que ce modèle n'est pas tenable, on continuera dans cette direction très problématique.
Je souscris pleinement à l'idée qu'il faut veiller sur la loi « Littoral » comme à la prunelle de nos yeux. Tous les sondages montrent que les Français, à 90 % et plus, sont attachés au respect de cette loi, mais une dimension du texte n'a pas été suffisamment cultivée, à savoir la notion de capacité d'accueil. On ne peut pas remplir les territoires côtiers sans limite et sans poser la question des ressources naturelles nécessaires pour que les gens puissent vivre correctement, ne serait-ce que la ressource en eau. Un des effets du changement climatique est, on le sait, que cela va conduire à une raréfaction, parfois drastique, de la ressource. À Saint-Martin, dans les Antilles françaises, le tourisme s'est développé dans ce petit territoire sans eau douce, ce qui a impliqué la construction d'une très coûteuse station de dessalement de l'eau de mer, et Irma a détruit la station : c'est, comme je le disais, catastrophe sur catastrophe.
Certains choix d'aménagement du territoire relèvent de l'aveuglement. Ce n'est pas par manque d'information. On ne veut tout simplement pas voir.