Je souscris totalement à cette analyse. Il faut laisser vivre les dunes. Elles n'ont pas forcément besoin de beaucoup d'interventions, d'ingénierie ou de recherches. Les personnels de l'Office national des forêts (ONF) ont acquis beaucoup d'expérience en la matière depuis quelques dizaines d'années. Comment protège-t-on une dune ? En la ménageant, en évitant la surfréquentation et en veillant à ce qu'elle puisse continuer à bouger dans son espace naturel d'évolution. La dune est un système complexe, composée de l'avant-plage, de l'estran et des autres dunes qui s'enchaînent les unes derrière les autres. Seules les situations très dégradées nécessitent une intervention, afin d'aider à la cicatrisation là où se sont produites les dégradations. L'intervention est simple : on évite la surfréquentation.
Dès les années soixante-dix, beaucoup de nos associations se sont battues avec énergie et avec certains beaux succès pour empêcher que les dunes ne soient dégradées par la surfréquentation, l'installation de parkings ou par diverses exploitations aboutissant à l'artificialisation du milieu. Nous nous sommes battus pour que les forêts dunaires soient préservées – c'est le point fort de la protection du littoral – et ne partent pas par lots successifs pour laisser place à des immeubles. En la matière, les anecdotes sont nombreuses…
Vous avez raison, monsieur Claireaux, ces combats sont compliqués et l'on ne se fait pas que des amis. Reste que, trente ou quarante ans après, le résultat est là. Il ne faut pas oublier le rôle clé que des associations et des bénévoles motivés et compétents ont joué pour préserver des milieux qui, sans cela, auraient été très certainement dégradés, voire détruits.
Monsieur Buchou, j'entends votre propos sur le coût des digues : cela n'avance pas et les procédures sont sans fin. Néanmoins, je ne suis pas sûr que le problème soit vraiment procédural. Il s'agit plus d'une question d'approche. Le sujet que l'on traite comporte deux volets : un volet prévention du risque et un volet protection. Il y a des plans de prévention et des programmes de travaux de génie civil visant à renforcer la protection. Or nous souffrons de cette perspective qui survalorise la protection : cela conduit à vouloir renforcer les digues sans se poser de questions. Il faut au contraire faire des choix stratégiques : où est-il vraiment indispensable d'agir, où peut-on lâcher du lest ? Ces choix doivent être imaginés à la bonne échelle. Trop souvent, les structures de type établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou syndicats mixtes travaillent dans un périmètre géographique limité, sans se préoccuper de l'impact négatif de leurs travaux sur les territoires voisins. Du fait de cette complexité, l'État est parfois amené à intervenir pour évaluer convenablement les risques dans un périmètre plus large. Les exemples de ce type sont pléthores sur le littoral…
La véritable question est celle de l'analyse stratégique, à la bonne échelle : que doit-on faire ? Que peut-on faire ? Que va-t-on faire ? C'est ce qui manque dans les démarches actuelles : on est encore trop enfermés dans des logiques territoriales et administratives inadaptées. La réflexion avance malgré tout. Ainsi, des stratégies locales de gestion du risque inondation commencent à émerger. Ces bons outils doivent aider à faire les choix stratégiques et à éviter les erreurs. Il s'agit de bien identifier les enjeux prioritaires, les lieux où il faut renforcer les mesures de protection – c'est parfois le cas, je ne le nie pas – et ceux, puisqu'on ne pourra pas tout faire, où il faudra lâcher du lest.
Il reste, vous avez raison, que ces travaux sont extrêmement coûteux et que la question du financement se pose. Dans le droit fil de ma remarque sur la survalorisation de la protection, au détriment de la prévention, on ne peut que constater – comme la Cour des comptes – que l'utilisation du fonds Barnier a fait l'objet d'une dérive : il n'a jamais été conçu pour construire des digues ! Il doit revenir à sa mission initiale : aider les personnes frappées par le recul. À défaut, nous serons confrontés à des problèmes budgétaires parce que le fonds Barnier ne pourra pas tout assumer. Une dérive est possible dans son utilisation, la protection étant survalorisée par rapport à la prévention.