Intervention de Jean-Cyril Spinetta

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Cyril Spinetta :

Mes arguments concernant les petites lignes n'ont manifestement pas été convaincants puisque toutes vos interventions concernaient ce sujet.

Permettez-moi de vous lire la première recommandation de mon rapport : « Confier à SNCF Réseau la réalisation, avant l'élaboration des prochains contrats de plan État-région, d'un état des lieux de la partie la moins utilisée du réseau présentant, ligne par ligne, l'état de l'infrastructure, le besoin de rénovation et le bilan socio-économique des investissements. L'élaboration de la méthode d'évaluation sera confiée à France Stratégie, et les évaluations feront l'objet d'une contre-expertise du Commissariat général à l'investissement. » Ce travail serait bien sûr transmis au Parlement.

Vous voyez que je n'ai jamais proposé de fermer les petites lignes. Je n'ai ni l'autorité ni la compétence pour le faire. Je crois en revanche qu'il est raisonnable d'effectuer ces bilans socio-économiques afin que l'argent public soit affecté là où sont les priorités en matière de ferroviaire.

J'ai vécu un an dans le Cantal, monsieur Bony, je connais donc assez bien la situation. C'était il y a longtemps, mais j'y retourne souvent, et j'ai des souvenirs précis. Si des études socio-économiques font apparaître que beaucoup de ces petites lignes – et je suis convaincu que c'est le cas pour nombre d'entre elles – jouent un rôle essentiel en matière d'égalité d'accès au territoire, compte tenu d'une climatologie qui peut être différente selon le département considéré, et des diverses facilités d'accès au réseau routier, il n'y aura pas de sujet. La dimension humaine et la dimension d'égalité d'accès au territoire sont, par nature, totalement prises en compte par ces études socio-économiques.

J'ai été interrogé sur les discussions en cours entre le Gouvernement et les régions à propos des petites lignes. Je ne dispose d'aucune information. J'ai remis mon rapport, et il appartient maintenant au Gouvernement de conduire les concertations nécessaires avec les régions, avec les organisations syndicales, avec les dirigeants de la SNCF, et d'arrêter ses choix. Cela dit, l'un d'entre vous parlait de lignes ferroviaires acheminant « quelques dizaines de voyageurs par jour ». De telles situations me font m'interroger. Le transport ferroviaire, « système conçu pour le transport de masse », comme le disait le professeur Robert Rivier, est-il fait pour transporter quelques dizaines de personnes ?

En raison de mes origines, j'ai habité quelque temps à Bastelica, petit village de la Corse rurale. Il n'y a jamais eu de chemin de fer dans ce village où le service public de transport de personnes et de marchandises était assuré par des bus. L'idée que le ferroviaire est le seul service public légitime de transport est totalement contraire aux réalités de notre pays. Aujourd'hui, personne ne s'étonne qu'un service public essentiel et absolument utile comme le transport scolaire soit assuré par des bus.

Un seul mode de transport n'a pas l'exclusivité du label « service public de la mobilité des personnes ». Tous les modes y contribuent. J'ai placé en tête de mon rapport une citation de M. Raoul Dautry, l'une des légendes du transport ferroviaire qui n'est donc pas suspect de la moindre hostilité à son encontre. Je vous en livre un extrait : « chaque pays devra loyalement, honnêtement, dans le seul intérêt de la Nation, supprimer ses transports inutiles et coûteux, les concurrences ruineuses pour tous et faire à chaque port, à chaque voie ferrée, à chaque route terrestre ou aérienne la juste place qui lui revient ». Je me suis inspiré des recommandations de M. Raoul Dautry pour rédiger le rapport que j'ai remis au Gouvernement.

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