Nous examinons un texte important, qui a une double dimension, à la fois éthique et juridique. Afin d'aboutir à un texte positif, nous devons trouver un équilibre dans la transposition de la directive du 8 juin 2016, notamment grâce aux marges de manoeuvre qui nous sont laissées.
Au nom du groupe Nouvelle Gauche, je tiens à saluer le travail réalisé au niveau européen pour se doter des outils nécessaires. La lutte contre l'espionnage industriel est indispensable : près de 20 % des entreprises ont déjà fait l'objet d'une tentative d'appropriation illicite de secrets d'affaires. À la différence de ses principaux concurrents, la Chine, les États-Unis ou le Japon, l'Union européenne ne disposait pourtant pas d'un cadre législatif spécifique et uniforme dans l'ensemble du marché intérieur. Il fallait donc avancer, en assurant un équilibre entre deux intérêts légitimes : celui des entreprises, qui veulent protéger certaines informations, et celui de l'opinion publique, qui a le droit d'être informée de certaines pratiques contestables – la vente de médicaments inutiles, l'existence de tarifications discriminatoires ou encore les pratiques d'optimisation fiscale. Le compromis qui a été trouvé, grâce à un important enrichissement du texte par le Parlement européen, est satisfaisant à cet égard, et il devra être correctement respecté dans notre transposition en droit français. Quelques améliorations sont en outre possibles, et j'espère que nous pourrons compter sur la volonté du rapporteur d'y travailler avec l'ensemble des parlementaires.
Ce texte pose néanmoins plusieurs questions. D'abord, il revient aux premiers détenteurs d'une information de démontrer qu'elle remplit les conditions nécessaires pour être protégée au titre du secret des affaires, notamment la valeur liée à son caractère secret. Il faut également trouver une conciliation entre, d'une part, le secret des affaires, d'autre part, la liberté de la presse et les alertes citoyennes. À la différence des dispositions introduites dans notre droit par la loi « Sapin II » de 2016, qui protège les lanceurs d'alerte en cas de dénonciation d'une menace grave pour l'intérêt général, il n'est ici question que d'une protection en cas de dénonciation d'actes répréhensibles ou illégaux. Il conviendra d'étendre la protection des lanceurs d'alerte en s'assurant que les actes légaux mais présentant une menace grave pour l'intérêt général sont aussi visés.
Par ailleurs, nous proposons de lutter contre les procédures « bâillons », c'est-à-dire les actions en diffamation abusivement engagées par des entreprises ou des particuliers contre des chercheurs ou enseignants-chercheurs dans le cadre de leurs activités professionnelles : nous devons aussi les protéger. L'amendement que nous avons déposé s'inspire directement des recommandations formulées par la « Commission Mazeaud » en avril 2017.
Nous demandons aussi que la loi protège les associations dans le cadre de leurs activités d'intérêt général. De plus en plus d'entreprises ont en effet recours à des procédures « abusives » contre des associations ou des ONG dont les missions sont alors entravées, quand ce n'est pas leur existence même qui est menacée par les conséquences de ces procédures judiciaires.
Si nous parvenons à nous entendre politiquement sur ces questions qui relèvent de l'éthique, tout en protégeant les intérêts des entreprises, auxquels nous sommes également favorables, nous aboutirons à un accord sur cette proposition de loi. J'espère que le rapporteur sera attentif et ouvert à nos amendements.