Intervention de Marie-France Lorho

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-France Lorho :

Je suis satisfaite que nous examinions ce texte, sur lequel je souhaite formuler deux remarques préalables.

Tout d'abord, il est étrange que notre droit, notamment la jurisprudence, ait pu utiliser la notion de secret des affaires sans jamais en donner une définition, comme l'a souligné le Conseil d'État. Cela doit conduire le législateur à s'interroger sur la manière dont il écrit la loi.

Ma deuxième réflexion, sans doute plus polémique, concerne le droit fondamental à l'information. Nous savons tous que le marché des médias est largement oligopolistique en France. Il ne brille pas par la concurrence entre les propriétaires de journaux et de chaînes de télévision, et je n'évoque même pas la question explosive des aides à la presse… Les conditions d'exercice du droit à l'information ne peuvent qu'être brouillées : un journaliste travaillant dans un organe contraint par des contrats publicitaires, des actionnaires intéressés et des aides d'État voit son rapport au secret des affaires largement biaisé.

Le champ s'élargit avec ce texte, puisque nous avons à transposer une directive européenne. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, elle « invite également les États membres à veiller à ce que la mise en place du dispositif de protection du secret des affaires ne modifie pas le cadre juridique permettant de protéger l'exercice du droit à la liberté d'expression et de communication, les droits des salariés à l'information, à la consultation et à la participation, ainsi que les lanceurs d'alertes et plus largement toute personne qui révèle une information visant à la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national ».

Le monde des affaires se caractérise par une compétition mondialisée et par des échanges très intenses entre les pays de l'Union européenne. En prétendant adopter un texte unificateur au niveau européen, je crains que nous ne fassions preuve d'idéalisme : tous les États membres ne prévoient pas les mêmes dispositions en ce qui concerne la liberté d'expression. Je voudrais donc demander à notre rapporteur s'il a exclusivement envisagé ce texte sous l'angle de la transposition d'une directive européenne et s'il pense que nos voisins en feront la même application que nous, ce qui produirait des effets identiques sur les différents marchés où se joue le secret d'affaires.

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