Monsieur le président, madame la députée Hérin, monsieur le président Jacob, monsieur le président Fesneau, monsieur le président Lagarde, monsieur le président Faure, monsieur le président Mélenchon, monsieur le président Chassaigne, je voudrais d'abord m'associer et associer l'ensemble du Gouvernement à l'hommage que vous venez tous de rendre aux victimes de l'attaque terroriste de Carcassonne et de Trèbes.
Nous avons tous appris la nouvelle et, si j'ose dire, pris la nouvelle en plein coeur, parce qu'elle a fait écho à ce que nous sommes : des femmes et des hommes libres, attaqués dans une petite ville, sur un parking, dans un supermarché. Jean Mazières, sur le parking des Aigles, Hervé Sosna, qui faisait ses courses, Christian Medvès, le boucher du supermarché, et le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame y ont perdu la vie.
Nous pensons tous ici à eux, à leur famille et à leurs proches. Nous pensons aussi, bien sûr, aux blessés et à l'ensemble des témoins directs de ce drame. Nous pensons aussi à tous ceux qui, dans leur vie, ont eu à surmonter ou à connaître des événements de cette nature et qui, au moment où l'attentat est commis, revivent dans leur chair ce qu'ils ont déjà vécu. Et il est sur ces bancs des députés, soit à raison des fonctions qu'ils exercent aujourd'hui, soit à raison de celles qu'ils exerçaient hier, qui ont vécu ces moments.
Je pense bien entendu à Manuel Valls, parce qu'il était Premier ministre au moment des premiers attentats et qu'il a vu. Il n'était pas le seul, il y en avait bien d'autres. Je pense à Hubert Wulfranc, député communiste, qui était maire au moment du meurtre du père Hamel. Je pense à Jean-Michel Fauvergue, que ses responsabilités et sa carrière professionnelle ont mis au contact direct de ces événements et de ces attentats. Ils revivent, peut-être encore plus que nous, le drame qui a été éprouvé vendredi dernier.
À l'ensemble des victimes et des témoins directs, je veux dire que le Gouvernement mettra l'ensemble des moyens à sa disposition pour les accompagner dans cette épreuve.
Dans ce temps qui est encore celui du deuil, la mémoire très vive encore de cet attentat et l'image de son auteur abattu par les forces de l'ordre s'effacent derrière celle d'un héros, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame. Il incarne, vous l'avez très bien dit, la République. Il est son image, son corps et il s'inscrit dans une longue histoire de Françaises et de Français civils ou militaires qui se sont tenus droit au moment où le pire survenait. Cette image, ce courage m'impressionnent, nous impressionnent et ils nous renvoient, au fond, à un sentiment non pas paradoxal mais mêlé d'immense fierté et de très grande humilité.
À cet hommage que nous devons au lieutenant-colonel Beltrame, je veux associer l'ensemble de ceux qui nous protègent et qui ont agi vendredi dernier avec une célérité et une compétence admirables. Je pense, bien sûr, aux forces de police et de gendarmerie qui sont intervenues. Je pense aussi, sous l'autorité des préfets, à tous ceux qui, au sein des groupes d'évaluation départementaux, conduisent ce très difficile et ce très peu spectaculaire travail de renseignement, d'appréciation du risque, d'affectation des moyens de surveillance.
Depuis janvier 2015, le travail de ces services de renseignement a permis de déjouer cinquante et un attentats. Dix-sept ont échoué. Onze, nous le savons hélas ! ont abouti.
La menace est protéiforme. Elle est réelle. Ni le ministre d'État, ministre de l'intérieur, ni moi-même ni aucun autre membre du Gouvernement ne l'a jamais mésestimée, ne l'a jamais cachée. Nous vivons une période de menace.
Je voudrais dire à tous ceux qui font face à cette menace, aux citoyens français, bien entendu, mais aussi à l'ensemble des forces de sécurité, que je sais qu'ils accomplissent leur mission avec la même concentration, la même rage de réussir que celle qui était dans le coeur du lieutenant-colonel Beltrame quand il a pris en un instant la décision qui a fait de lui un héros.
Cet hommage que nous portons à la mémoire des morts, il nous oblige. Il nous oblige à la gravité, il nous oblige à la responsabilité. L'enquête judiciaire sur les faits se poursuit sous l'autorité du procureur de la République de Paris. Elle devra évidemment faire toute la lumière sur le processus de radicalisation du terroriste, sur ses éventuelles complicités et sur les circonstances précises de l'attentat.
Mais ceux qui affirment, sans savoir, que cet attentat aurait dû être évité – personne n'a dit cela sur ces bancs – , ceux qui croient pouvoir promettre aux Français un risque zéro prennent, dans leur légèreté, une bien lourde responsabilité.