Intervention de Alexandre Mokédé

Réunion du mardi 20 mars 2018 à 16h15
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Alexandre Mokédé, responsable du pôle « organisation sanitaire » de la Fédération hospitalière de France :

Y aura-t-il un « après » Irma ? Nous le verrons, si je puis dire, lors du prochain cyclone ! Encore une fois, on ne peut anticiper l'ampleur de celui-ci. Une fois qu'il aura eu lieu, on pourra vraiment dire si l'on avait tiré toutes les leçons de l'épisode Irma. Pour le moment, les établissements travaillent à actualiser leur plan cyclone et à renforcer les liens avec leurs partenaires sanitaires. Par exemple, le directeur du centre hospitalier de Saint-Martin a insisté sur la nécessité d'avoir un lien plus fort avec l'ensemble des acteurs sanitaires du territoire – Catherine Latger a mentionné le cas des pharmacies d'officine. Chacun doit pouvoir dire ce qu'il fait à quel moment et les informations doivent être transmises aux autres, ce qui demande un travail en amont. Il faut que les acteurs qui seront amenés à travailler ensemble en période de crise se connaissent déjà très bien avant la crise. Ces rapports sont en train de se construire et de se renouveler. Il est certain que l'absence de stabilité dans les équipes administratives et hospitalières est cause de difficulté. Quand arrive la crise, une personne avec laquelle vous aviez tissé des liens pendant plusieurs années peut ne plus être en place. Pour le dire très clairement, quand on ne connaît plus le sous-préfet ou le commissaire, il est parfois plus difficile de prendre en charge, ensemble, l'événement. Il faut donc construire une vraie communauté de travail des acteurs des services publics et des services sanitaires sur le territoire pour savoir qui fait quoi à quel moment et le faire savoir à tous.

Deux autres éléments peuvent paraître plus surprenants, car on n'y pense pas spontanément. D'abord, il y a le problème de la sécurité dont les acteurs, en Martinique et à Saint-Martin, auraient souhaité qu'il soit pris en charge avec plus de fermeté, de volontarisme de la part de l'État. Selon certains même, l'armée aurait pu intervenir plus fermement. Il était en effet fondamental de rassurer les populations, et aussi les personnels soignants : le directeur du centre hospitalier de Saint-Martin m'a ainsi raconté que certains membres du personnel ne voulaient plus venir au travail parce qu'ils gardaient leurs maisons – à l'inverse, certains avaient peur d'être agressés s'ils rentraient chez eux. De façon plus surprenante, le problème s'est posé dans les mêmes termes en Martinique. Le chef de service des urgences chargé de la gestion de crise du CHU de Martinique, que vous pourrez consulter, pense également qu'il aurait fallu avoir une approche plus ferme de la question sécuritaire.

Se pose ensuite la question du traitement international de la crise. Dans le cadre du principe de subsidiarité, selon les acteurs de la Caraïbe – je n'ai pas encore de retour de La Réunion ou de Polynésie – des crises comme celle qu'a provoquée Irma peuvent difficilement être traitées à l'échelle française. Il faudrait avoir une collaboration plus étroite avec Sint-Maarten – la partie néerlandaise de Saint-Martin – et l'ensemble des pays de la Caraïbe. Paradoxalement, du fait de leur rattachement à la métropole, les îles françaises sont isolées au sein de la Caraïbe et travaillent relativement peu avec leurs voisins immédiats. À la limite, je dirai que la liaison est plus facile avec Bordeaux qu'avec Sint-Maarten, la Dominique ou Sainte-Lucie. Pour les professionnels, il faudrait rompre cet isolement. Il existe deux possibilités : soit intégrer dans la cellule de gestion de crise un représentant du ministère des affaires étrangères qui pourra décider en matière de coopération transfrontalière, soit, en se référant au principe de subsidiarité, donner plus d'autonomie aux acteurs locaux pour nouer ces collaborations.

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