Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 20 mars 2018 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Mon propos, Madame Chalas, s'inscrit dans le prolongement de ceux du Président de la République et du Premier ministre : le statut de la fonction publique n'est pas remis en cause et les lois de 1983, 1984 et 1986 qui en forment l'architecture ne le sont pas davantage. J'ai d'ailleurs cité les principaux articles de la loi du 13 juillet 1983 : si certains peuvent faire l'objet d'adaptations ou d'ajustements, il ne s'agit pas d'abroger le texte ni d'éteindre le statut de la fonction publique. Il ne s'agit pas de remettre en cause cette spécificité qui définit les droits et les devoirs de l'ensemble des agents publics. Nous voulons apporter de la souplesse, moderniser certains éléments et procéder à des ajustements. Cela vaut pour les trois versants de la fonction publique, auxquels vous avez été nombreux à exprimer votre attachement. Cela fait d'ailleurs écho à l'attachement qu'expriment régulièrement les organisations syndicales à l'unicité de la fonction publique, qui peut aussi se concevoir sous la forme de trois versants, présentant chacun ses propres caractéristiques.

Nous sommes ouverts aux propositions des parlementaires. J'ai annoncé, pour les prochaines semaines, quatre chantiers, auquel s'en ajoutera un cinquième, propre à la fonction publique territoriale. Environ 90 réunions bilatérales et plusieurs dizaines de réunions multilatérales seront organisées, y compris avec les collèges employeurs. Il est évident que les propositions des parlementaires seront les bienvenues pour nourrir ce travail et nous permettre d'avancer.

En effet, monsieur Viala, la perte d'attractivité de la fonction publique n'est pas qu'une question de rémunération. Comme le demandent toutes les organisations syndicales, nous devons chercher le moyen de rendre les carrières plus attractives – en lien avec la réforme des retraites, car les deux interféreront. Cela suppose de faciliter les mobilités, de proposer des formations et d'offrir un accompagnement, pour l'heure insuffisant, notamment à celles et ceux de nos agents publics qui arrivent à un stade où ils pourraient commencer une deuxième ou une troisième carrière, ce qui ne leur est aujourd'hui pas proposé. Nous sommes ainsi confrontés à des difficultés liées au fait que des agents encore à dix ou quinze ans de l'âge où ils pourront faire valoir leurs droits à la retraite n'ont plus aucune perspective d'évolution professionnelle.

Pour ce qui est de la mobilité, en l'état, rien n'est inscrit dans un texte qui n'est pas encore écrit : nous avons encore un an pour le faire… L'une des priorités est effectivement de permettre les allers-retours entre fonctions publiques, entre employeurs publics ou entre employeurs publics et employeurs privés. Il faudra d'ailleurs d'examiner la question des polypensionnés.

Il faudra surtout faire mieux qu'actuellement. Effectivement, chaque année, seuls 4 % des agents publics changent de poste ou de fonction et seuls 0,4 % d'entre eux passent d'une fonction publique à l'autre – généralement, ils exercent des fonctions de direction ou occupent des postes très spécifiques qui facilitent cette mobilité d'un versant à l'autre. Nous sommes preneurs de toutes les propositions, d'autant que beaucoup d'organisations syndicales sont désireuses d'une concertation sur ce qu'on appelle la gestion des âges pour permettre aux uns et aux autres d'envisager cette deuxième, voire cette troisième partie de carrière et ainsi de pérenniser leur engagement dans la fonction publique.

Je veux rassurer Mme Untermaier à propos des contractuels. Il s'agit de recourir à des contrats de droit public qui imposent un certain nombre d'obligations aux cocontractants, et notamment à l'agent public contractuel. L'article 32 de la loi du 13 juillet 1983 a déjà anticipé la possibilité pour les employeurs d'y recourir et dispose que les agents contractuels ont les mêmes droits, obligations et devoirs que les agents statutaires. Ainsi la neutralité, à laquelle s'attache notamment la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires du 20 avril 2016, sera respectée.

En matière de rémunération au mérite, beaucoup a déjà été tenté. J'ai évoqué la prime en fonction des résultats de 2008 et le RIFSEEP, qui peine à se déployer et ne concerne que l'État – je précise qu'une complication supplémentaire tient au fait que le déploiement dans la fonction publique territoriale dépend du rythme de déploiement au niveau de l'État. Il nous faudra s'attacher avec les organisations syndicales à définir la question du mérite. La prime en fonction des résultats comme le RIFSEEP ne l'abordaient que sous l'angle individuel ; nous voulons ouvrir une discussion sur la notion de mérite collectif – celui d'une équipe, d'un groupe de travail. Il ne sera pas particulièrement simple de définir des critères pertinents qui interdisent toute discrimination : il faut former les évaluateurs – on ne s'improvise pas évaluateur. Il faut aussi redéfinir les missions des agents publics : d'un métier à l'autre, d'une fonction à l'autre, elles ne sont pas forcément identiques, et la question n'a pas été débattue depuis longtemps. Au sein d'un même métier, on ne peut pas forcément non plus évaluer le mérite ou l'implication de la même manière. On ne peut évaluer le mérite du personnel soignant ni celui du personnel enseignant en se fondant sur le seul critère du résultat.

Je vois Mme Obono réagir. Peut-être sommes-nous d'accord, madame la députée, pour reconnaître que le terme « mérite » n'est pas forcément le plus approprié, mais c'est celui qui s'est imposé dans le débat et qu'il va falloir définir. Nous pouvons parler de performances, d'implication, de sujétions, d'engagement personnel… C'est tout cela que l'on retrouvera dans la notion de mérite.

Pour ce qui est de la numérisation, nous avons prévu un fonds de 700 millions d'euros, dont 200 millions d'euros disponibles dès 2018. Les administrations d'État pourront répondre aux appels à projets et voir des projets de modernisation numérique financés. Cependant, Mme Untermaier et Mme Jacquier-Laforge ont raison : la numérisation ne change rien à la nécessité de maintenir des hommes et des femmes pour assurer une médiation. D'ailleurs, ce travail de médiation et d'accompagnement des usagers mériterait d'être considéré dans le cadre de nos réflexions sur la possibilité d'une deuxième carrière, d'une nouvelle fonction.

Quant aux préfets, c'est plus généralement la question de l'ensemble de ces cadres de la haute fonction publique, placés en telle ou telle position statutaire et finalement « en réserve », qui se pose – elle renvoie aussi à la gestion des âges. Avec M. Gérald Darmanin, nous voulons identifier les cadres de la fonction publique dont les postes ne nécessitent pas leur niveau de formation ou qui sont sans affectation. Comment les mobiliser afin d'accompagner les établissements publics ou les collectivités qui ont besoin d'un renfort ou d'une compétence particulière ? Cela a très bien marché dans des circonstances exceptionnelles : après le passage de l'ouragan sur les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, nous avons mobilisé des cadres qui ont quitté leur poste durant quinze jours, un mois ou un mois et demi pour participer à la reconstruction. Tant d'autres pourraient être mobilisés, dont les postes actuels ne correspondent pas à leur qualification.

M. Éric Poulliat m'a interrogé à propos du dialogue social. Nous sommes convaincus que nous pouvons garantir les mêmes droits avec moins de 22 000 instances représentatives. Nous sommes également convaincus que deux sortes de décisions au moins pourraient être rendues plus rapidement. Il s'agit tout d'abord des décisions individuelles relatives à la mobilité et même à la promotion : nous pourrions alléger le fonctionnement des commissions administratives paritaires (CAP), tout en garantissant un cadre et des droits. Il s'agit, d'autre part, des décisions qui nécessitent une consultation des instances paritaires. Certaines, notamment dans la fonction publique d'État, doivent être examinées par onze instances représentatives ; et, chaque fois, le passage d'une instance à l'autre impose de respecter certains délais, notamment pour la transmission des documents. Du coup, la procédure prend dix, douze, voire quatorze mois. Nous pourrions imaginer – ce n'est qu'une piste de travail – qu'en matière de mobilité les CAP de la fonction publique d'État soient chargées de poser le cadre et les règles, qu'elles examinent les situations conflictuelles et soient une instance d'appel, sans plus se prononcer sur l'intégralité des mouvements. De même, nous voulons travailler au rapprochement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail et des comités techniques paritaires (CTP) et rendre plus fluides le fonctionnement d'instances aux compétences redondantes qui risquent de rendre des décisions contradictoires sur une même situation.

Quant aux contrats, notamment les contrats de mission, je prends souvent l'exemple des collectivités locales qui ont besoin d'un chef de projet pour cinq ans dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine. Il faut que les choses soient claires : au terme du contrat, le contractuel n'est pas titularisé. Nous pouvons travailler avec les organisations syndicales sur la possibilité d'ouvrir les concours internes ou la troisième voie aux contractuels ; en tout cas, il ne faut pas mentir sur les possibilités de poursuite de la carrière ou de titularisation.

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