Monsieur David Habib, j'ai moi aussi grand plaisir à vous retrouver ! (Sourires.)
Le Président de la République a annoncé que les 120 000 postes constituaient un objectif à atteindre d'ici à 2022. Il faut les comparer aux 5 480 000 postes que compte la fonction publique, trois versants confondus, au 31 décembre 2016, sans oublier les 120 000 départs à la retraite par an dans les sept années à venir. L'objectif fixé peut donc être atteint au rythme des réorganisations.
Vous avez noté que les annonces du Président de la République indiquaient qu'une partie des postes concernés pourraient relever de la fonction publique territoriale. Cela ne signifie pas qu'il y ait une remise en cause du principe de libre administration : la révision constitutionnelle que vous examinerez bientôt ne le remettra pas en question. En revanche, nous avons la volonté d'associer le collège des employeurs locaux aux décisions qui concernent la gestion de la fonction publique en général, qu'il s'agisse des questions de temps de travail, d'évolutions du point d'indice ou de niveau de rémunération.
Cela répond aussi à votre question, monsieur Schellenberger. Nous avons la conviction qu'en associant les employeurs territoriaux, dans le cadre d'une relation de confiance, avec le maintien avéré des dotations de l'État aux collectivités, nous pourrons discuter de ces sujets. Les employeurs territoriaux pourront prendre une part de cette responsabilité dans le respect du principe de libre administration. Nous pensons qu'il faut creuser certaines des propositions portées par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, en particulier l'idée de rassembler les employeurs territoriaux dans une fédération professionnelle qui serait en mesure de passer une sorte d'« accord de branche » dans la fonction publique territoriale. Je suis prudent : ce n'est pour l'instant qu'une idée à approfondir. Elle n'a encore fait l'objet d'aucun arbitrage, ni d'aucune expertise.
Ce sujet renvoie à d'autres questions sur la capacité et la volonté des collectivités et des employeurs territoriaux de déléguer une partie de leurs pouvoirs à une fédération d'employeurs. Ce débat n'est pas tranché, et, sachant que l'on compte 55 000 employeurs territoriaux, ce n'est pas une mince affaire !
Il me semble que les trois versants de la fonction publique sont vraiment des exemples pour ce qui concerne la question du handicap. Alors que les objectifs d'emploi de personnes en situation de handicap sont fixés à 6 %, les trois fonctions publiques confondues atteignent 5,5 ou 5,6 % – la performance de la fonction publique territoriale en la matière est meilleure que celle de la fonction publique d'État. Dans le cadre de la rénovation des politiques d'emploi de personnes en situation de handicap, nous travaillons actuellement avec Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, et M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, pour faire en sorte d'atteindre les objectifs partout, dans le public comme dans le privé, et de pérenniser les financements en faveur de l'insertion des personnes en situation de handicap.
Nous devons en effet corriger un effet pernicieux d'un système de financement assis, pour le secteur public, sur les sanctions pécuniaires versées par les collectivités qui n'atteignent pas l'objectif des 6 %. À mesure que celles-ci progressent, le niveau de ressources du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, qui permet d'accompagner ceux qui ont besoin de formation, diminue. Nous devons donc trouver un modèle de financement qui ne s'appuie pas uniquement sur les sanctions. Les futures lois sur les parcours professionnels et PACTE – pour plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – seront les deux véhicules législatifs pour l'intégration de ces nouvelles dispositions relatives au handicap.
J'en viens à votre question sur le dialogue social. Dès ma nomination, j'ai rencontré les neuf organisations syndicales représentatives en réunions bilatérales formelles. Je les ai également rencontrés sur d'autres points à leur demande. Depuis le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 1er février dernier, je les ai à nouveau rencontrées en bilatéral. Nous avons par ailleurs déjà organisé, avec la direction générale de la fonction publique, deux réunions multilatérales pour arrêter la méthodologie de la discussion. Toutes les organisations y ont participé. À la fin du mois de mars – ce devrait être le 29 mars, mais ce n'est pas définitivement fixé, je réunirai les neuf organisations pour entériner la méthode et le calendrier des discussions. Les quatre chantiers s'ouvriront ensuite au cours desquels se tiendront environ quatre-vingt-dix réunions bilatérales et autant de réunions multilatérales qu'il le faudra.
Le dialogue est donc maintenu, il est même dense. Nous travaillons également sur la protection sociale complémentaire, sur l'égalité professionnelle, sur la question du handicap… À partir du mois d'avril, nous aurons à travailler sur les dispositions relatives aux contractuels, tant en termes de titularisation que d'accompagnement professionnel, à partir du bilan des dispositifs dit « Sauvadet ».
Vous le constatez, le dialogue social est une réalité. Il n'est rompu avec aucune des neuf organisations représentatives : aucune ne refuse de participer aux rencontres que j'ai citées. La question de la capacité des instances nationales que sont le Conseil supérieur de la fonction publique et le Conseil commun de la fonction publique à nourrir le débat, et celle de leur organisation pourront être posées en fin de parcours.
M. David Habib et M. Raphaël Schellenberger m'ont interrogé sur la mobilité dans la fonction publique. Nous avons pour objectif d'alléger ou, en tout cas, de réformer le fonctionnement des commissions administratives paritaires (CAP) pour permettre une mobilité plus rapide. Aujourd'hui, trop de mouvements, de recrutements, de sélections de candidats se heurtent, non seulement en termes calendaires, mais aussi en termes techniques, à la succession de CAP et d'avis parfois contradictoires. Nous devons trouver un moyen de donner aux employeurs publics plus de latitude dans le recrutement et aux agents la garantie du maintien de leurs droits et la capacité de faire évoluer leur carrière.
Je me suis déjà exprimé sur la rémunération au mérite. L'essentiel sera de définir le mérite, ce qui ne sera pas simple.
Je m'en voudrais d'oublier votre intervention, Monsieur Bernalicis, en tout cas sur un certain nombre de points. Vous réfléchissez comme si vous deviez mettre en oeuvre la révision générale des politiques publiques (RGPP), en demandant un décompte des postes à supprimer dans tel ou tel ministère. Vous connaissez le budget pour 2018 : moins de 2 000 postes sont supprimés au total et nous créons des postes dans l'éducation, dans le secteur pénitentiaire, dans la police, dans la justice et dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, a ajouté, en effet, des moyens aux 430 millions d'euros prévus dans le cadre de la réforme de la tarification. Nous prenons le temps de regarder les situations de près et de faire les choses proprement, notamment en matière d'accompagnement. Aujourd'hui, il n'y a pas de liste de secteurs concernés. Nous allons travailler sur le sujet et mettre à profit toutes les opportunités, toutes les réorganisations pour atteindre notre objectif, sans avoir d'a priori mathématiques, contrairement à ce que vous semblez croire.
Monsieur Schellenberger, le RIFSEEP est pour l'instant peu présent dans les collectivités territoriales : non seulement ce régime est récent, mais il n'est déployé que dans la filière administrative, car le rythme de son déploiement dans la fonction publique d'État interdit à ce stade aux collectivités de le mettre en place dans leur filière technique, ce qui est un facteur de déséquilibre de leur propre organisation interne. Il faudrait que nous puissions avancer assez rapidement afin d'éviter le phénomène de la « réforme permanente ».
Selon moi, la question que vous posiez en citant les gestionnaires de collège ne renvoie pas au problème de la mobilité ou à celui d'un chevauchement entre fonctions publiques, mais plutôt à la celle de la répartition des compétences entre les collectivités – certaines sont compétentes pour la gestion, d'autres pour les questions éducatives. Tant que cette question n'est pas tranchée, il est difficile d'avancer autrement qu'au moyen de conventions et de mobilités facilitées.
M. Schellenberger et Mme Lorho ont évoqué l'exemplarité des hauts fonctionnaires. Des mesures relatives à la haute fonction publique d'État et la haute fonction publique en général seront annoncées par le Premier ministre et le Président de la République plus rapidement encore que celles sur lesquelles nous travaillons, puisqu'elles devraient intervenir dès l'année 2018. Elles concerneront à la fois l'encadrement des parcours, en particulier la question du pantouflage – le récent rapport d'information de vos collègues M. Olivier Marleix et M. Fabien Matras sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts comporte, à ce titre, des réflexions intéressantes sur ce sujet, mais aussi la nécessité de confronter les membres des grands corps à une expérience de terrain ou à un passage dans un secteur dit prioritaire.
Des efforts devront aussi être consentis en matière de rémunération, notamment sur les plus hautes rémunérations. Elles sont souvent le fait, soit de situations qui les justifient, en raison de l'ampleur des tâches à accomplir, soit, comme c'est le cas à Bercy, de modèles en voie d'extinction – je pense aux primes des administrateurs généraux des finances publics. La Cour des comptes avait émis une injonction pour que l'État en finisse avec un dispositif de primes qui n'avait pas de fondement légal d'ici à 2023. Ce dispositif sera clos en 2019. Nous allons également supprimer la classe exceptionnelle des administrateurs généraux au sein de laquelle sont concentrées les principales hautes rémunérations. De 2014 à 2018, le nombre d'administrateurs généraux a diminué de 10 % et leur rémunération globale de presque 20 %. Cela montre que nous faisons un large effort pour éteindre les primes qui n'ont pas de support légal et pour modifier la grille des traitements des administrateurs afin de les replacer à un niveau plus conforme et plus acceptable pour tous.
S'agissant des opérateurs et agences que vous avez évoqués, monsieur Schellenberger, nous ne sommes plus dans un sujet « fonction publique ». La production normative réglementaire peut avoir pour origine des agences ou des établissements administratifs indépendants. Pour ce qui concerne la fonction publique, dans le cadre de notre politique pour l'égalité professionnelle, nous allons amener ces opérateurs à plus d'exemplarité en élargissant la liste des emplois concernés par le dispositif de nomination équilibré. Pour la partie normative, nous travaillons sur la question de sa production. J'aurai l'occasion, dans les semaines qui viennent, de présenter une communication conjointe avec Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la production normative et la régulation des dépenses dont on peut considérer qu'elles sont imposées aux collectivités par ce biais.