Intervention de Danièle Obono

Réunion du mardi 20 mars 2018 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Monsieur le secrétaire d'État, je tenais à vous remercier pour l'honnêteté de la seule réponse que vous avez donnée à notre collègue Ugo Bernalicis, en reconnaissant que vous ne saviez pas dans quels ministères les carrières devront évoluer vers un départ volontaire. Au passage, je vous fais remarquer que ce n'est pas nous qui avons annoncé 120 000 départs volontaires ; c'est votre Gouvernement. Ce n'est pas nous, mais bien vous qui êtes encore dans la logique de la RGPP. Les mots et les acronymes ont changé, mais l'état d'esprit comptable reste le même.

Vous venez de reconnaître que le chiffre de 120 000, donné par le Premier ministre et le Président de la République, ne repose sur aucune étude ni aucune prévision sérieuse. Votre approche « moins de fonctionnaires, mieux d'État, bla-bla-bla » ne se fonde donc sur aucun travail qui identifierait les secteurs ministériels concernés. Au moins, sur ce point, votre réponse a été claire.

Je suis désolé de vous avoir interpellé au milieu de vos propos relatifs au mérite, mais la question est importante. Vous êtes à nouveau très honnête en disant que ces termes nous ont été « imposés » et qu'il faut les accepter. Cela permet de poser le débat. Nous, nous refusons précisément que ces termes nous soient imposés. Nous ne le faisons pas par dogmatisme, mais, parce que, de notre point de vue, ils renvoient à une philosophie générale. Au-delà des déclarations qui prétendent préserver le service public, nous croyons que votre Gouvernement s'engage dans la remise en cause de la fonction publique comme mission républicaine fondamentale. Pourtant, cette mission n'appartient pas au passé ; c'est une conquête politique démocratique, sociale et économique, un héritage, certes, mais un héritage porteur d'avenir qui nous permet de proposer le développement et l'extension du champ du service public à tous les domaines, y compris ceux extrêmement dynamiques et facteurs d'activité économique de la petite enfance, de la dépendance, ou de la transition écologique. Nous ne parlons donc pas d'un acquis ou d'une survivance du passé sur lequel nous nous recroquevillerions, mais d'une conquête sociale qui nous permettra d'aller demain encore plus loin au service de l'intérêt général.

Le débat que nous devons mener doit aussi être une confrontation saine et démocratique. C'est pour cela que nous sommes ici : pour confronter nos visions. Derrière les formules un peu creuses, j'aimerais comprendre ce qu'est, aujourd'hui, votre vision du rôle de la fonction publique et du service public. Finalement, le statut n'est qu'une conséquence, une traduction du service public en termes de garanties, à la fois pour les agents concernés, mais aussi pour les usagers et les citoyens.

Enfin, pouvez-vous nous parler du bilan humain de l'ensemble des politiques menées à l'égard de la fonction publique ? Les noms et les acronymes changent, je l'ai dit, mais derrière tout cela, il y a bien une théorie. Hier, c'était la philosophie du New Public Management, aujourd'hui on parle de « modernisation », parce que le mot « moderne » est censé porter des valeurs positives.

Au-delà des mots, certains d'entre vous qui sont fonctionnaires ou l'ont été, comme M. Ugo Bernalicis ou moi-même, connaissent la réalité et les conséquences de ces politiques en termes de souffrance au travail. Cela n'a rien à voir avec la question économique de la reconnaissance pécuniaire du mérite : je parle du sens donné à l'action des fonctionnaires. Quand, dans le même temps, un membre du Gouvernement salue cette action, mais qu'un autre stigmatise les fonctionnaires, le message envoyé ne leur permet pas de retrouver le sens de leur action. Les fonctionnaires vivent aujourd'hui une grande souffrance parce que les modes de management de l'entreprise ont été appliqués au service public, ce qui est un contresens. Vous engagez-vous à mener un travail sur ces conséquences humaines désastreuses pour les personnes et pour la collectivité ?

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