Vous avez raison, par principe et en l'occurrence, monsieur le député.
Madame Le Pen, il est toujours difficile de déterminer l'âge de jeunes qui ont aux alentours de dix-huit ans. En France, nous avons une particularité : très peu de mineurs isolés étrangers, présents sur le territoire national, demandent l'asile. Ils sont moins de 700 à le faire, notamment parce que le réflexe existe peu dans les conseils départementaux. Nous faisons un travail avec ces conseils départementaux, de manière à pouvoir exercer la protection de ces mineurs.
Vous insistiez, madame Le Pen, sur une question qui me tient à coeur : l'absolue vigilance dont nous devons faire preuve, en lien avec les services compétents, à l'égard de ceux qui pourraient constituer une menace grave pour la sûreté de l'État. Ils sont extrêmement minoritaires mais ils existent, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre pays, l'Europe et de son environnement proche. Je veux redire ici que les demandeurs d'asile sont d'abord des personnes qui fuient les terroristes, mais notre vigilance est absolue, en application du droit. La loi de 2015 nous a donné un outil, que j'attendais, et qui me permet de rejeter, à la suite de l'instruction, la demande de certaines personnes, rares, qui constitueraient des menaces graves pour la sûreté de l'État. Dans le système de l'asile, il n'y a de place ni pour les tortionnaires – visés par les clauses d'exclusion – ni pour ceux qui constitueraient une menace contre la sûreté de l'État. En la matière, nous travaillons en totale coopération et dans le plein respect du droit avec les services compétents de l'État.
Comme vous, monsieur Maire, je considère que le concept de pays tiers sûr, qui n'existe pas en droit français, serait une dénaturation du droit d'asile. Le texte européen, qui est actuellement sur la table, me pose problème. En l'état actuel des négociations, il pose la même difficulté que le dispositif ce qui avait été envisagé dans le projet de loi sur l'asile et l'immigration. Il revient aux négociateurs de rendre ces dispositifs cohérents.
Comme plusieurs de vos collègues, vous m'avez interrogé sur nos missions au Tchad et au Niger. Je suis particulièrement heureux que le Président de la République ait souhaité que nous menions ces missions au Sahel. Depuis novembre dernier, nous nous sommes rendus trois fois au Niger et une fois au Tchad. Nous allons poursuivre ces missions qui nous permettent de prendre en compte des personnes qui sont évacuées de Libye. Ce dispositif est destiné à des personnes qui relèvent du droit d'asile – ce qui amène l'OFPRA à se rendre sur place pour conduire des entretiens –, à des personnes particulièrement vulnérables et à des personnes qui, à un moment ou un autre, pourraient se retrouver dans le mouvement de la migration vers l'Europe.
Le Président de la République a lancé cette initiative pour que ces personnes n'aient pas à prendre les risques du voyage. Quelques centaines de personnes sont concernées et le Gouvernement français s'est engagé à en accueillir 3 000 en deux ans. Ce dispositif ne peut pas intégrer toutes les personnes qui seraient prises dans ce risque de migration mais il fonctionne pleinement : nous avons fait vite ; les équipes se sont rapidement projetées ; nous faisons un travail très fructueux avec le HCR qui est confronté à la difficile évacuation des personnes de Libye.
À l'instar de Mme Krimi, vous m'avez interrogé, monsieur Maire, sur la tutelle qui s'exerce sur l'OFPRA. Je ne parle pas plus de la tutelle que de mon juge. La tutelle administrative s'impose : il est naturel que le fonctionnement, le budget et les délais d'instruction de l'OFPRA soient contrôlés, principalement par les parlementaires. En revanche, en application de la loi, cette tutelle ne concerne jamais l'instruction de la demande d'asile. La loi dispose que le directeur général de l'OFPRA ne reçoit aucune instruction dans l'exercice de ses missions.
Monsieur David, vous m'avez interrogé sur une éventuelle contradiction entre la réduction des délais et la qualité de l'instruction. Nous allons poursuivre notre mission dans le même état d'esprit que celui qui nous anime depuis cinq ans. La réduction des délais d'instruction, objectif qui nous est fixé par l'exécutif et par le Parlement, est dans l'intérêt des demandeurs d'asile et du bon fonctionnement de cette politique. Nous allons continuer à réduire les délais en veillant aux droits des demandeurs et à la qualité d'instruction, et je vous ai expliqué comment nous allions le faire.
S'agissant des mineurs isolés, il existe un dispositif spécifique. Ils sont entendus par des officiers de protection spécialisés et formés pour cela, en présence d'un administrateur ad hoc. Je regrette seulement qu'ils soient très peu à effectuer cette démarche dans notre pays. J'aurai le plaisir de recevoir prochainement Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), pour que ce réflexe de l'asile puisse progresser.
Monsieur Kokouendo, je crois avoir évoqué les critères de nos missions d'identification au Niger et au Tchad. Il s'agit de personnes qui relèvent du droit d'asile, qui sont en situation de vulnérabilité et qui sont dans le mouvement de migration vers la Libye et l'Europe. Nous veillons évidemment à l'application de ces critères.
Monsieur Dupont-Aignan, comme plusieurs de vos collègues, vous manifestez un étonnement que je partage : l'OFPRA doit instruire des demandes d'asile qui ont déjà fait l'objet d'une décision de rejet ailleurs en Europe. Il y a cinq ans, lorsque j'ai pris mes fonctions, cette situation n'existait pratiquement pas parce que les prises d'empreintes étaient très marginales à l'époque. Actuellement, les cas se multiplient et posent problème. En l'état actuel du droit européen, il n'y a pas de reconnaissance mutuelle des décisions des offices européens. Nous sommes donc obligés de réinstruire les demandes. Je donne évidemment des instructions pour que cette procédure, que le droit nous impose, soit réalisée dans des délais rapides. Cette situation me semble néanmoins aberrante. Je pense qu'il est nécessaire de créer rapidement un dispositif européen de reconnaissance mutuelle, voire un office européen de l'asile, même si je vois bien les questions que cela peut soulever en termes de transfert de souveraineté.