– C'est un sujet qui a beaucoup occupé les acteurs du domaine de la transplantation en 2015 et 2016. Un amendement à la loi de modernisation de notre système de santé a conforté le régime du consentement présumé qui existe dans notre droit positif depuis 1976 grâce à la loi Caillavet. Chacun d'entre nous est un donneur potentiel d'organes sauf s'il a fait savoir de son vivant qu'il était opposé à tout prélèvement. On défend là l'intuition que la fraternité républicaine et la solidarité vont au-delà de la mort.
L'enjeu est de s'assurer que les modalités d'expression du refus de prélèvement sont loyales et les plus claires possible. Chacun est en droit d'être contre le prélèvement, mais dans la mesure où il intervient dans des situations d'urgence et de détresse psychologique pour les proches, il est indispensable de clarifier les modalités d'expression de ce refus.
Le législateur a fait le choix de privilégier le registre national des refus, tenu par l'Agence de la biomédecine, comme moyen principal d'expression de ce refus. Ce dispositif, jusqu'alors périphérique, joue désormais un rôle majeur et l'on a enregistré une augmentation importante du nombre des inscrits. Il constitue un moyen simple et efficace mais pas exclusif d'autres modalités.
À ce sujet, il y a eu une concertation pour l'élaboration d'un décret comportant des règles de bonnes pratiques. On y a défini la possibilité de remettre à un proche un document écrit dans lequel on fera valoir son refus, pour qu'il puisse le transmettre à la coordination hospitalière de prélèvement si la question se pose. Il est aussi possible d'informer oralement ses proches, qui devront ensuite retranscrire ce refus et signer un document lorsque le prélèvement sera envisagé. L'objectif est de clarifier le plus possible la procédure.
Un important travail de formation des professionnels a été mené, notamment auprès des coordinations hospitalières de prélèvement qui doivent s'adapter aux nouvelles modalités. L'Agence a lancé des campagnes de communication renforcée, au nombre de deux en 2016, pour faire connaître la loi. En effet, 7 % des Français seulement savaient qu'on était en régime de consentement présumé, d'où les difficultés sur le terrain.
L'actualité médiatique a également joué un rôle favorable, avec la sortie du film Réparer les vivants. Je remercie les médias qui ont répondu présents en multipliant les reportages sur l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
La mise en oeuvre des nouvelles dispositions s'est passée dans la sérénité. Pour les professionnels, ce fut l'occasion de réfléchir à nouveau à leurs pratiques. Nos règles de bonnes pratiques sur la mort des proches fixent un cadre qui ne vise volontairement pas à uniformiser, mais à harmoniser, en valorisant ce qui fonctionnait bien sur le terrain. Cette démarche a été bien perçue. Il y a eu beaucoup d'échanges avec les familles sur la loi. Nos campagnes d'information ont porté leurs fruits. Aujourd'hui, la majorité de la population connaît la loi sur le don d'organes. On a aussi constaté une légère baisse du taux d'opposition : traditionnellement autour de 33 %, il est passé à 30 %, ce qui explique les bons résultats de 2017 et la hausse des prélèvements, y compris sur donneurs en état de mort encéphalique. Ces résultats sont donc encourageants mais nous devons continuer nos efforts de formation, de pédagogie, de communication car la confiance est fragile et le taux de refus peut vite évoluer. Il importe que tous les professionnels répètent les mêmes messages de manière régulière et convergente. Nous devons aussi continuer à améliorer les pratiques en nous fondant sur les retours d'expérience des professionnels. C'est pourquoi, lors du bilan d'application de la loi de bioéthique, nous avons recommandé de conserver le cadre législatif existant pour capitaliser sur le travail réalisé depuis trois ans et continuer à travailler dans la durée. C'est essentiel si l'on veut modifier les états d'esprit.