Intervention de Anne Courrèges

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

– Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur les patients cérébro-lésés. L'Agence est compétente pour la recherche sur l'embryon et les cellules souches humaines. Les cellules souches humaines ne font l'objet de recherches en France que depuis 2006. La France s'est vite placée au tout premier plan. Les études s'inscrivent dans le temps et réclament des équipes très structurées. On arrive au stade des essais cliniques : 18 essais cliniques sont en cours dans le monde, dont celui du professeur Philippe Menasché, en France, pour traiter l'insuffisance cardiaque sévère. Les autres essais en cours portent, en particulier, sur la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). En France, des essais cliniques pourraient être engagés sur la drépanocytose, car les phases préalables ont déjà eu lieu, et éventuellement sur la DMLA. D'autres thèmes de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines se développent, où l'on se rapproche du stade des essais cliniques avec des perspectives thérapeutiques.

Le système CRISPR-Cas9 est utilisé en thérapie génique ; il peut être employé sur les cellules souches embryonnaires humaines. La question éthique qui se pose aujourd'hui, qu'il vous faudra trancher, est celle de son utilisation sur l'embryon. Il faudra déterminer s'il est permis de faire des recherches sur l'embryon en utilisant ce système, et dans quelle mesure. En France, si j'en juge d'après les travaux de l'Inserm, de l'Académie nationale de médecine ou de l'Office, l'enjeu est d'apprécier si cette technique est maitrisée, fiable, efficace, avec une valeur ajoutée, sans effets secondaires ou nocifs, tout en évaluant les enjeux éthiques sous-jacents. Il s'agit de savoir s'il y a matière à mener une recherche sur l'embryon sans gestation. C'est ainsi que la question se pose au législateur en France. Ce n'est pas le cas partout. Il semble ainsi que la Suède ou l'Angleterre puissent autoriser de telles recherches sur l'embryon avec le CRISPR-Cas9.

Cela pose la question du cadre européen. La France fait figure d'exception avec une agence unique, transversale, regroupant toutes les expertises sur la biomédecine. Il en va de même pour l'assistance médicale à la procréation, qui est organisée de manière très différente selon les pays d'Europe. La France a fait le choix d'une structuration à l'activité avec une régulation publique ; dans d'autres pays, la régulation est privée. Cela ne facilite pas les rapprochements. Le domaine où le rapprochement est le plus abouti est le plus ancien, celui de l'organe et du tissu.

Toutefois, il y a une réflexion au niveau européen. Dans le cadre de l'Union européenne, tout d'abord, avec des textes sur la sécurité et la qualité des produits mais aussi des recommandations. Un travail est également mené au sein du Conseil de l'Europe ; c'est dans ce cadre qu'avait été élaborée la convention d'Oviedo, reconnue par la loi de 2011, et qui fonde le principe du don d'organe anonyme et gratuit. C'est aussi un lieu de discussions informelles, d'échanges de pratiques. On peut ensuite décliner les discussions sur un plan bilatéral : nous avions ainsi fait alliance avec les pays du Sud sur l'organe et la transplantation. Il est vrai qu'il était plus facile d'avancer sur ce sujet. La réflexion sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches en Europe sera plus complexe car chaque pays a son organisation, son histoire. Il convient aussi de travailler avec les sociétés savantes. Les chercheurs ne doivent pas être déresponsabilisés.

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