– Notre approche méthodologique a été simple : elle s'est fondée sur la recherche documentaire et l'audition de scientifiques et d'industriels en faisant appel, autant que possible, à des entreprises françaises, qui sont très nombreuses dans ce secteur.
Ce sujet n'est pas nouveau ; il s'est développé depuis 1999, surtout dans les secteurs industriel et agricole, avec comme vocation initiale la surveillance industrielle. Son importance s'accroît avec l'émergence des big data et du cloud.
Selon le cabinet A.T. Kearney, ce secteur a fait l'objet d'investissements représentant 700 milliards d'euros en 2017. On dénombrait 8 milliards d'objets connectés en 2017, soit une progression de 31 % par rapport à 2016. Gartner estime qu'il pourrait y en avoir 20 milliards en 2020, dont 13 milliards détenus par le grand public.
On observe de fortes disparités géographiques en France puisque 42 % des objets connectés « grand public » sont situés en Île-de-France. Cela montre sans doute que ces objets sont encore perçus comme des gadgets.
Dans le domaine professionnel, cela concerne des activités comme la maintenance prédictive, mais il existe aussi des applications quotidiennes, notamment dans la médecine. Ainsi, le Loiret a expérimenté, avec l'entreprise française Sigfox, un bracelet connecté à destination des allocataires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), pour surveiller la présence de personnes âgées dans leur logement et lancer, en cas d'absence, en lien avec la famille, une alerte. Autre exemple, le développement de cabines de télémédecine. Quand on est loin d'un hôpital, une telle cabine connectée peut s'avérer utile pour prendre une vingtaine de mesures afin d'avoir un diagnostic médical sans se rendre aux urgences.
Ce secteur présente un paradoxe autour des enjeux énergétiques. Les objets connectés sont très présents dans la smart city, dans les bâtiments intelligents, et permettent de faire d'importantes économies d'énergie grâce aux données collectées. Néanmoins, leur multiplication est aussi une source majeure d'augmentation de déchets. Il faut que les industriels prennent soin, dès la conception, de leurs produits et en prévoient le recyclage.
Je formulerai trois alertes en guise de conclusion. Tout d'abord, l'objet connecté en soi va perdre de sa valeur au profit des données qu'il produit. Les grands acteurs de type GAFA l'ont bien compris et on ne doit pas perdre les données personnelles au profit de ceux-ci. Nous avons adopté des éléments de protection des données personnelles au niveau européen (règlement général sur la protection des données), déclinés par un projet de loi en cours de discussion. C'est un enjeu important, qui est souvent peu connu et mal compris.
Ensuite, il y a un fort enjeu d'acceptabilité sociale. On l'a vu, les compteurs communicants pour l'électricité et le gaz sont l'exemple type d'un projet industriel considéré uniquement sous l'angle du déploiement chez les particuliers, sans expliquer à ces derniers ce que l'on va en faire. Il faut expliquer l'utilité de ces compteurs à nos concitoyens, leur montrer que les données collectées permettront de mieux consommer l'électricité et d'économiser l'énergie. Or cela relève, à mon sens, de la responsabilité des industriels.
Enfin, il risque d'y avoir un embouteillage technologique. Le spectre hertzien arrive déjà à saturation ; les objets connectés devront-ils alors se connecter via la 5G, qui porte tant du haut que du bas débit, ou faut-il, au contraire, privilégier le bas débit, réseau mondial avec des coûts faibles, comme le fait Sigfox, que je citais tout à l'heure ?
En toute hypothèse, il faut bien avoir à l'esprit que le modèle industriel est fondé sur les données et non plus sur l'objet lui-même.